Décembre 1998
C'était le premier Noël qu'Alvaro passait seul. Il n'avait pas décoré son appartement, situé au dernier étage d'un gratte-ciel vertigineux, et n'avait pas préparé la traditionnelle bûche de sa mère. Andrea lui manquait. S'il avait eu des nouvelles de son père et était même allé le voir à Phoenix, il n'avait pas repris contact avec sa mère, et il le regrettait. Il l'imaginait seule dans la grande maison, sans personne à qui parler, séparée de l'enfant qu'elle avait élevé pendant dix-huit ans.
Le regard posé sur le téléphone, il se demanda s'il devait l'appeler, pour la première fois depuis six mois. Malgré le temps qui s'était écoulé, il était convaincu que le lien qui l'unissait à sa mère était inusable. Il composa son numéro d'une main tremblante, et porta son téléphone à l'oreille.
- I'm listening.
Entendre la voix de sa mère le troubla, à tel point qu'il resta muet de longues secondes. Andrea ne disait jamais allô ? ou oui ? quand elle décrochait, mais toujours j'écoute. Finalement, il bredouilla :
- Joyeux Noël, maman.
- Alvaro ? s'écria-t-elle, d'une voix stridente et visiblement surprise.
- Oui, c'est moi.Ils restèrent longtemps silencieux, chacun écoutant simplement la respiration de l'autre. Ce fut Andrea qui reprit la parole :
- Joyeux Noël, mon fils. C'est comment, l'Arizona ?
- Je suis à New York, en fait. Je n'ai rien trouvé à Phoenix, alors j'ai changé d'horizon, on va dire.
- Qu'est-ce que tu fais là-bas ?
- Je suis boursier.Il se plaça face aux baies vitrées et contempla la ville éclairée par les panneaux publicitaires et les voitures, en contrebas. Il réalisa alors que six mois s'étaient écoulés, depuis qu'il avait quitté Londres.
- Je suis tellement fier de toi, mon fils, le félicita Andrea, avec émotion. Je savais que tu irais loin. Les amours, ça se passe bien ?
Alvaro sourit, parce qu'elle avait toujours attaché une attention particulière à la vie amoureuse de son fils, qui n'avait jamais pourtant été passionnante.
- Rien de spécial. Je travaille beaucoup, alors je n'ai pas vraiment le temps, tu sais.
- C'est dommage. Tu devrais te changer les idées, de temps en temps.
- Justement, je pensais venir te rendre visite, pendant mes vacances, en Mai. Je pense que ça me ferait du bien de revenir à Londres.
- C'est une bonne idée ! s'exclama Andrea, touchée par l'initiative de son fils. Ça me ferait tellement plaisir...Alvaro se sentit pris de remords. Il n'avait pas cherché à contacter sa mère une seule fois, en une demi-année d'absence, et il ne s'était même pas excusé. Il commença alors :
- Maman ? Je suis désolé, j'aurais dû t'appeler plus tôt.
- Mieux vaut tard que jamais, répondit-elle sagement. Je n'avais pas ton numéro de téléphone, mais j'avais confiance en toi. Je savais que tu finirais par revenir.
- Comment ça se passe, de ton côté ?
- L'imprimerie a fermé. Je n'arrivais pas à tenir les comptes seule, ni à recruter. Je n'ai pas trouvé d'autre emploi.
- Je suis désolé, maman...
- La communication va te coûter cher, mon fils. Passe un joyeux Noël, je t'aime.Elle raccrocha, et Alvaro posa son front contre la vitre, en poussant un long soupir.
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Mon insaisissable
RomanceAnnées 90, Angleterre. Edith Davis devient une adolescente insupportable pour certains, simplement rebelle pour d'autre. Pendant des années elle se cherche, passe entre les bras de filles comme de garçons, mais elle finit par se remettre en question...