Mon insaisissable

13 - ennui

Novembre 1996

L'intuition d'Alvaro n'avait pas été mauvaise : l'année s'annonçait longue et ennuyeuse. La plupart de ses amis avaient changé d'école, exceptés Jackson et Peter, qui tournaient en rond dans leur chambre.

- C'est mort, ici, répétaient-ils à longueur de journée, ou alors : vous n'avez pas quelque chose à faire ? Même du ménage, je prends !

Les trois garçons, qui débordaient d'énergie en temps habituel et avaient toujours des idées pour s'amuser, se sentaient comme des lions en cage. Le directeur du lycée avait changé, laissant place à une sorte de dictateur, qui avait un œil sur tout.

Il était impossible de sortir sur la plage le soir, de rejoindre des amis dans leur chambre ou même de voler quelques friandises au réfectoire.

- C'était mieux l'année dernière, commenta Alvaro, affalé sur son lit. Les gens étaient mieux, l'ambiance était mieux, le directeur était mieux, les profs étaient mieux...
- Les filles aussi, souligna Peter. Je crois qu'on a touché le fond, cette année. Si seulement il pouvait y avoir une bombe atomique !

Jackson et Peter rirent à la remarque de leur ami blond, qui était décidément incorrigible, mais qui n'avait pas tort. Il n'y avait rien à faire, personne à qui parler, et pas la moindre fille à regarder ou à draguer.

-  Dire qu'il nous reste encore deux ans ici... Vous allez faire votre dernière année là, pas vrai les gars ?
-  Ouais, acquiescèrent Jackson et Peter d'une seule voix.
- Je ne sais pas vous, mais il est vingt-deux heures, et j'ai très envie d'aller à la plage, continua Alvaro, en se levant de son lit.
- Si tu arrives à sortir d'ici sans alerter le vautour, bonne chance.

Le vautour, c'était le directeur, aussi connu sous le nom de Monsieur Marins. Il était menaçant et tous les internes le craignaient, mais Alvaro avait vraiment besoin d'air frais, et leurs sorties nocturnes lui manquaient.

- Venez avec moi, allez.
- Comme ça au lieu d'être un à se faire choper, on sera trois !
- Solidaires jusqu'au bout, affirma Jackson en se préparant aussi.

Ils sortirent discrètement de leur chambre, simplement munis d'une lampe torche, étant donné que les couloirs étaient plongés dans le noir. Alvaro passa devant, en éclaireur, et il retint sa respiration en passant devant le bureau de Madame Scott.

L'année dernière, la surveillante tolérait leurs activités et ne reportait rien à l'administration, mais cette fois-ci, elle ne les laisserait pas sortir. Une fois sortis de l'internat, ils traversèrent la cour en longeant les bâtiments pour ne pas se faire repérer par les veilleurs, qui vérifiaient le couvre-feu, et ils arrivèrent finalement devant le portail réservé aux livraisons, le principal étant trop exposé.

- Peter, vas-y d'abord, commanda Jackson.

En effet, le blond était le moins rapide, et si jamais un surveillant les surprenait, les garçons devaient filer le plus vite possible. Peter mit près de cinq minutes à escalader le portail, puis Jackson le suivit, et enfin Alvaro passa au-dessus sans difficulté.

Ils s'éloignèrent en courant, l'adrénaline coulant dans leurs veines, et une fois assez loin du lycée, ils se remirent à discuter :