Huit décembre - Insolente

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La jeune femme fronça les sourcils. Zut, des Allemands ! Surtout, ne pas sembler craintive. Elle devait avoir l'air d'avoir la conscience tranquille.

— Halte, Mademoiselle ! s'exclama l'un d'eux en la regardant.

Mince, pas moyen d'y échapper, cette fois-ci. Elle papillonna des yeux, faisant mine d'être étonnée, tout en s'approchant.

— Moi ?

— Oui, vous. Descendez de votre bicyclette, s'il vous plaît.

Elle obtempéra, lentement mais pas trop, veillant à contrôler les traits de son visage, tentant de calmer les battements de son cœur. Pourvu que...

— D'où venez-vous ?

— Moi ? Je viens d'aller rendre visite à ma sœur.

— Votre sœur ? Elle habite où ? demanda-t-il avec brusquerie.

— Dans le village qui se trouve par là-bas, expliqua-t-elle en tendant le bras.

Ça, au moins, c'était vrai ! Heureusement qu'elle veillait toujours à faire un détour par la maison de sa sœur avant de rentrer en ville !

— Oh, vraiment ? demanda à nouveau l'Allemand, visiblement dubitatif. Mais... si vous revenez de la campagne... vous avez des provisions, j'imagine ?

Cette fois-ci, elle ne put s'empêcher de paraître gênée. Mais après tout, mieux valait qu'ils ne pensent qu'à ça, pas aux messages qu'elle venait de transmettre.

— Oui... confirma-t-elle d'une petite voix.

— Faites voir ! reprit l'homme d'une voix rude.

Mieux valait obtempérer tout de suite. Peut-être la soupçonnait-il de bien plus que ça. Pourvu que personne ne l'ait dénoncée !

La jeune femme se tourna donc vers son vélo et, à contre-cœur, ouvrit les sacoches de celui-ci. Dedans, surtout des légumes. Mais, cachés dessous, il y avait un saucisson et des sablés en forme de lunes et d'étoiles.

L'Allemand qui s'était adressé à elle ne se priva pas de fouiller les sacoches. Il trouva rapidement et sans peine le saucisson et les biscuits, emballés dans deux morceaux différents de papier journal. Il les brandit avec un sourire triomphant devant la jeune femme et son camarade.

— Pas de trafic ! Verboten ! Confisqué ! s'exclama-t-il joyeusement.

— Pas les biscuits de ma sœur ! s'écria alors la jeune femme, les larmes aux yeux.

D'un seul coup d'un seul, elle chancelait. C'était comme si on l'avait frappée. Elle ne réfléchit plus et, comme dans un état second, arracha les biscuits des mains de l'Allemand face à elle, avant d'en engouffrer un dans sa bouche.

Celui-ci sursauta et commença à s'énerver, prêt à arrêter aussitôt la jeune femme pour la traîner jusqu'à la Kommandantur. Son camarade, plus âgé et qui n'avait rien dit jusqu'alors, se rapprocha de lui et posa la main sur le bras de son compatriote.

— Allez, laisse, c'est bientôt Noël.

Brusquement dégrisée, la jeune femme lui jeta un regard éperdu de reconnaissance.

— Je ne peux rien faire pour le saucisson, mais filez vite ! s'exclama-t-il.

Elle ne se le fit pas dire deux fois. Elle glissa rapidement le reste des biscuits dans sa sacoche, enfourcha son vélo et pédala à toute vitesse aussi longtemps que possible.

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