Vingt décembre - Soupirs et grincements

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La jeune femme se pencha à nouveau sur le vieil instrument pour mieux l'épousseter. Il prenait tellement de place, dans cette pièce ! Il prenait énormément de place dans sa vie, aussi. Elle se souvenait des nombreuses heures passées devant son piano, depuis qu'elle était enfant, assise sur le tabouret à vis en bois, recouvert d'une tapisserie au point de croix. De tous ces moments à assouplir ses doigts au-dessus des touches en ivoire jauni, avant de pouvoir les frapper au rythme des musiques écrites sur les partitions.

Tout à ses pensées, la jeune femme termina de faire le ménage de son salon. Elle allait quitter la pièce lorsque, à nouveau, son regard se porta sur le piano. Elle poussa un petit soupir. La suite pouvait bien attendre un peu. Elle avait besoin de faire une pause, besoin de s'évader quelques instants... Aussi déposa-t-elle soigneusement son balai, sa pelle et son plumeau avant de faire demi-tour.

Un fin sourire aux lèvres, la jeune femme fit courir ses doigts sur le bois brun, patiné par le temps, du vieux piano. Elle caressa doucement le couvercle du bout des doigts avant de l'ouvrir. Son sourire s'élargit lorsqu'elle se retrouva face aux vieilles touches en ivoire, veinées par le temps et l'usage.

Elle attrapa précautionneusement le tabouret afin de l'écarter de l'instrument, juste ce qui était nécessaire pour qu'elle puisse s'asseoir. Pas besoin de régler sa hauteur en tournant l'assise, bien sûr, puisqu'elle était la seule à en jouer. La jeune femme s'assit aussi doucement que possible, mais ne put empêcher le vieux meuble de grincer un peu sous son poids.

Voyons voir, quel morceau allait-elle jouer ? Ses partitions n'étaient pas rangées loin, bien sûr, juste dans le haut secrétaire qui se trouvait à proximité du piano. Mais là, elle avait besoin d'autre chose que de travailler un morceau ou un autre. Elle avait besoin de se détendre. Et pour cela, rien de tel que les mélodies qu'elle connaissait par cœur, à force de les jouer.

Les doigts fins s'abaissèrent alors sur le clavier, commençant à jouer les premières notes des Variations Goldberg de Johann Sebastian Bach. Le vieux piano avait connu de meilleurs jours mais il avait été réaccordé régulièrement. Et petit à petit, note après note, au milieu des soupirs et grincements de l'engin, que la jeune femme ne remarquait même plus, une douce mélodie s'éleva.

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