Treize décembre - Androgyne

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La jeune femme redressa légèrement le manche. Elle arrivait à proximité de l'aérodrome, il fallait qu'elle négocie bien son approche afin de poser correctement son avion. Elle récapitula dans sa tête les étapes. À force, elle connaissait tout cela par cœur. Néanmoins, elle en était persuadée, rien ne valait la rigueur. Surtout en ce qui concernait l'art délicat du vol.

Concentrée et attentive, la jeune femme maîtrisa son atterrissage et se posa sans trop de heurts sur la piste en herbe. Une fois le petit avion en bois immobilisé et le moteur coupé, elle s'autorisa enfin à se détendre et à sourire légèrement. Elle sentait encore l'adrénaline parcourir ses veines. Elle se prépara à descendre de l'avion. Elle allait pouvoir livrer le courrier et prendre en charge celui qui était à emporter.

Souplement, elle sauta au sol. Deux hommes se dirigeaient vers elle, depuis le bâtiment qui jouxtait la piste. Elle dénoua son écharpe, releva ses lunettes de protection et détacha son casque, libérant ses courts cheveux, coupés au carré. La jeune femme remarqua alors que l'un des deux hommes blêmissait, à cette vue. Elle ne put s'empêcher de lever les yeux au ciel.

— Non mais c'est quoi, ça ? demanda l'homme en question à celui qui l'accompagnait.

— Euh... ça quoi ? s'étonna celui-ci.

— Vous ne laissez quand même pas des femmes piloter des avions ? La mode de la garçonne, c'est bien gentil, mais il devrait y avoir des limites ! Les limites de la décence, les limites du raisonnable ! Et elle porte un pantalon, en plus de ça ! s'énerva le premier.

Ce n'était pas la première fois que la jeune femme entendait ce genre d'arguments. Elle se crispa, d'autant plus qu'il n'avait même pas le cran de s'adresser à elle directement. On aurait presque dit qu'il parlait d'un objet inanimé. Néanmoins, avant même qu'elle ne réponde, l'autre homme prit les devants et le fit lui-même.

— Et alors ? Je ne vois pas où est le problème. Les femmes sont tout aussi capables de piloter un avion que les hommes. Vous venez d'en avoir la preuve, vous l'avez bien vue voler et atterrir ! Pardon, Mademoiselle, pour la goujaterie de mon camarade.

La jeune femme lui sourit alors et lui tendit la main pour se présenter. Des fâcheux, il y en avait beaucoup, elle n'allait quand même pas commencer à les écouter ! Elle avait son brevet de pilote, elle exerçait un métier qui lui plaisait. Tant pis pour ceux à qui ça ne plaisait pas.

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