Vingt-et-un décembre - La beauté du diable

19 5 0
                                    

La jeune femme repoussa la mèche de cheveux qui lui tombait sur le front et tenta de la remettre dans son large chignon, sous son chapeau. Qu'est-ce qu'il faisait chaud, en Égypte ! Rien à voir avec le climat de son pays natal. Elle enviait parfois les pantalons et chemises légères des hommes, qui n'étaient pas obligés, eux, d'être engoncés dans une grande robe serrée à la taille. Malgré cela, elle ne regrettait pas d'être là. Comment le pourrait-elle ? C'était un pays tellement passionnant !

Elle se pencha à nouveau sur son dessin. Il fallait que ses traits soient précis et sûrs. En effet, elle comptait bien faire publier un récit de son voyage, à son retour. Il fallait donc illustrer le texte. La jeune femme ne se séparait jamais, d'ailleurs, de la pochette en cuir comprenant ses nombreuses notes. Elle y avait notamment décrit sa visite du tombeau d'un pharaon. Elle avait aussi soigneusement noté tout ce qu'on lui avait expliqué sur les hiéroglyphes et en avait recopié un grand nombre.

Mais pour l'instant, la jeune femme était concentrée sur un autre pan de son futur livre : la faune et la flore locale. Elle était assise non loin d'une des rives du Nil, un peu en hauteur, afin d'avoir une vue d'ensemble et de pouvoir reproduire soigneusement les lieux. Lorsqu'elle entendit des pas s'approcher, elle ne releva pas la tête. Pas envie d'être dérangée dans son travail.

À son grand regret, les pas s'arrêtèrent près d'elle. Très vite, la jeune femme ressentit un malaise : on lisait par-dessus son épaule. Or elle détestait cette sensation. Elle poussa donc un soupir exagéré pour bien faire comprendre à l'importun son exaspération. Celui-ci ne partit pas pour autant mais s'adressa à elle, commençant par la saluer poliment.

La jeune femme ne put faire autrement que de tourner la tête vers lui afin de lui répondre. Elle reconnut rapidement le jeune ingénieur américain qui était arrivé trois jours plus tôt.

- Vous dessinez bien, remarqua-t-il.

- Merci, répondit-elle sur un ton neutre, n'ayant pas envie de continuer la conversation mais ne désirant pas paraître impolie.

- Je n'imaginais pas qu'il y avait autant d'alligators dans le Nil, reprit-il.

- Des alligators ? Oh non, ce sont des crocodiles ! expliqua-t-elle en riant. Je ne crois pas qu'il y ait d'alligators en dehors du continent américain. Regardez, les crocodiles ont la mâchoires plus longue et plus étroite.

Il observa quelques instants les redoutables sauriens.

- En effet, vous avez raison. Ils ont la beauté du diable...

PianissimoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant