chapitre 3

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Lorsque la voiture s'arrêta enfin je sortis précipitamment de celle-ci et inspirai un grand coup, j'avais un mal de crane à tuer un bœuf. En me penchant, les mains pressant mes côtes, je fis mon possible pour ne pas rendre mon déjeuner et respirait profondément.

-Je vois que ton mal des transports ne s'est toujours pas amélioré, s'amusa ma tante en s'extirpant, elle aussi, du véhicule.

-Si seulement, grognai-je en grimaçant, A chaque fois que je rentre dans une de ces monstrueuses machines, j'ai l'impression qu'un marteau piqueur danse dans ma tête et que mon estomac joue le grand huit!

Tatie me lança un sourire mi-amusé, mi-compatissant avant de changer de sujet, sachant que parler de voitures après tout ce qui s'était passé n'était pas la meilleure idée. Elle continua donc son anecdote sur Eugénie, sa meilleure amie, qui avait, semble-t-il, rencontrer Harry son ex-pire ennemi au supermarché. Je l'écoutai à moitié, mon esprit captivé par la magnifique maison qui se tenait devant moi, brillante sous les raillons du soleil de fin de journée. J'avais beau être déjà venue assez souvent étant plus petite j'étais toujours impressionnée.

Lorsque Tatie avait acheté cette bâtisse, ce n'était, à l'époque, qu'une vieille baraque abandonnée, rongée par le temps. Mais avec l'aide de plusieurs personnes du village, elle avait remplacé les vieux volets verts, rouillés et à moitié arrachés par de nouveaux marron taupe, les vitres cassées par de nouvelles, refait l'isolation, tout repeint et remeublé, etc... et c'était sans parler de son jardin...

-C'est vraiment magnifique, murmurais-je à ma tante, impressionnée.

Celle-ci s'arrêta de parler et suivi mon regard. Elle garda un air neutre mais je perçus une lueur de fierté dans son regard.

-Pfff... ce n'est rien, rétorqua-t-elle avant d'attraper une grosse valise marron dans le coffre.

Je la regardai étonnée, elle dut le voir car elle m'expliqua:

-Je t'ai ramené quelques affaires.

Mes yeux me piquèrent et je dus me retenir de ne pas lui sauter au cou:

-Merci..., chuchotais-je sincèrement.

Elle savait, elle était allée chercher mes affaires car elle savait que cela aurait été trop dur. Elle savait que je n'aurais pas tenu le coup , que cela m'aurait anéanti de voir notre appartement, nos affaires, leurs affaires. Elle me comprenait parce qu'elle partageait la même douleur, nous étions les dernières survivantes de la famille Donn'.

Elle me sourit, d'un sourire sans joie. Et ce n'est qu'à ce moment là que je vis son visage tiré par la fatigue, elle était extenué. Je la voyais maintenant. La douleur au fond de ses yeux, elle avait perdu sa nièce et son petit chou -c'est ainsi qu'elle surnommait mon père, ce qui nous avait toujours fait rire, ma mère et moi- mais elle restait forte... pour moi...

Inconsciemment, j'ai pensé qu'elle allait bien. Qu'elle avait réussi à surmonter la tristesse. Elle faisait tout pour me rassurer alors qu'au fond elle était terrorisée. Elle m'aidait à tenir debout alors qu'au fond elle rêvait de s'écrouler pour ne plus jamais se relever... Mais elle restait forte et souriait parce qu'elle se sentait obligée de soutenir le poids de nos deux chagrin.

Tout à coup, je me sentis aveugle et égoïste. Je n'avais pas le droit de m'apitoyer sur mon sort en la laissant seule, et pourtant c'était tout ce que je faisais depuis deux semaines.

-Oh mon dieu... Tatie...

Le sac à dos, que je tenais dans mes mains tout ce temps, chuta lourdement au sol et je me jetais dans ses bras, si brusquement qu'elle en fit tomber la valise. Ses bras se refermèrent délicatement autours de moi.

It's a secretOù les histoires vivent. Découvrez maintenant