Chapitre 18

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Les débats avaient duré plus d'une semaine.

Il se sentait fatigué.

Pas physiquement ; il était plutôt bien traité en prison. Au début, il n'avait pas très faim. Mais, avec le temps, l'appétit était revenu. Le problème majeur était qu'il ne dormait presque pas. En dehors de l'aspect inconfortable de sa couchette, son esprit ne le laissait pas en paix.

Même s'il n'avait jamais apprivoisé ses démons, il devait vivre avec. Il les savait tapis derrière chacune de ses pensées, prêts à corrompre son jugement à la moindre occasion. Or, la longueur des débats ainsi que leurs contradictions successives avaient semé le trouble dans son esprit. Les rares moments d'assoupissement dans sa cellule étaient peuplés de cauchemars. Et ces derniers temps, il avait l'impression de vivre entre deux mondes aussi difficiles à supporter l'un que l'autre.

Le procès touchait toutefois à sa fin.

Malgré le climat d'hostilité presque tangible, il n'y avait pas eu d'autres manifestations violentes à son encontre.

Cela ne signifiait rien. Il en avait conscience.

Le plus dérangeant était qu'il avait de plus en plus souvent recours à cette dialectique chimérique pour se rassurer.

Il se savait seul aussi.

Il pensa à Louise et se laissa aller à pleurer.

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Paul ouvrit les yeux et vit, penché sur lui, le visage angélique d'Anaëlle.

Un sourire de soulagement l'illuminait, laissant à penser qu'un fait particulièrement grave s'était récemment produit.

- Que s'est-il passé ? pensa-t-il sans ouvrir la bouche.

- Un accident, répondit pourtant Anaëlle. J'ai eu tellement peur que tu ne te réveilles pas, mon chéri.

Elle se pencha un peu plus en avant pour lui donner un baiser sur le front. Puis, elle tourna la tête afin de regarder de côté quelque chose hors du champ de vision de Paul.

En prenant appui sur un coude, il se redressa partiellement afin de mieux voir. Il ne ressentait aucune douleur en particulier. À vrai dire, c'était comme si son corps était totalement insensible.

Il constata d'abord qu'il se trouvait à l'extérieur, allongé dans l'herbe haute. Ensuite, portant son regard plus loin, il reconnut immédiatement son vieux compagnon Maréchal. Lui aussi était retourné sur le dos, ses pattes battant nerveusement l'air.

Il pensa : c'est impossible, sans pour autant arriver à raccrocher cette pensée à un évènement précis.

- Chut, lui intima affectueusement Anaëlle. Tu ne dois pas t'agiter. Il faut te reposer le temps que le médecin arrive.

Entre autres bizarreries, Paul constata en frémissant que les lèvres d'Anaëlle ne bougeaient pas lorsqu'elle s'exprimait. Ce qui ne l'empêchait pas de l'entendre et de la comprendre clairement. Il suffisait pour cela de succomber à la suggestion de son regard sémillant, particulièrement expressif.

Il commençait à trouver la situation vraiment insolite quand une seconde voix s'adressa à lui à peu près dans les mêmes termes.

- Il faut vous reposer, Monsieur Dupuy. Le médecin va bientôt arriver.

Une voix familière au demeurant.

- Anaëlle ?

- Non, Monsieur Dupuy. C'est moi, Arturo.

La jeune fille aux semelles de ventOù les histoires vivent. Découvrez maintenant