L'avocat général s'en était tenu à la réponse lapidaire du témoin, sans doute fier du petit effet produit sur l'imagination des jurés.
En prenant la parole à son tour, sa fille avait posé une seconde fois la question au sujet de la liste des noms. Exactement avec les mêmes mots.
Malgré la confiance qu'il avait en elle, ne faisait-elle pas ainsi le jeu de la partie civile ? Car, bien qu'il ne sache pas trop à quoi s'en tenir, il soupçonnait l'avocat général d'avoir volontairement fait preuve de concision pour entretenir le doute. Et il craignait fort que sa fille soit tombée dans le piège.
À la question, le témoin répondit que son mari, Antoine Leroux, avait clairement identifié les photographies des hommes que les membres de l'association, toutes veuves de guerre, avaient produits devant lui. En certifiant que l'accusé en était, de près ou de loin, le bourreau.
- Je vous rappelle, Madame Leroux, que vous avez prêté serment. Il s'agit ici de votre propre témoignage. Alors, je vous répète encore une fois la question : pouvez-vous personnellement affirmer, Madame Leroux, que les noms figurant sur la liste qui vient d'être citée ont tous été les victimes de l'accusé ?
- Je n'ai aucune raison de mettre en doute les paroles de mon mari. Y étiez-vous ?
- Pas davantage que vous. Répondez, s'il vous plait, à la question.
Le témoin balança un regard venimeux.
- Non.
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Paul était descendu au village de bonne heure pour éviter les grosses chaleurs.
À la faveur du trajet, au contact de l'air respirant encore la fraicheur de la nuit, il avait réfléchi à sa décision de démissionner de son poste à la tête de la mairie. La lettre qu'il devait adresser au préfet était prête. Toutefois, avec du recul, le motif pour incompatibilité avec la fonction évoqué dans la lettre apparaissait trop équivoque et de surcroit légèrement pédant. Le risque étant que le préfet émette un refus. Il changerait pour incapacité physique à exercer durablement la fonction, ce qui laissait entendre une indisponibilité d'ordre médicale ou accidentelle. Ce n'était pas totalement faux si le terme d'accidentelle était interprété dans le sens d'un évènement résultant de circonstances particulières.
Par ailleurs, il avait choisi d'annoncer la nouvelle au prochain conseil municipal, dans quelques jours. Après et jusqu'à réception de la décision du préfet, il exercerait encore ses fonctions dans l'attente de l'organisation de prochaines élections. Par avance, cette période transitoire le mettait mal à l'aise. Mais, il ne voyait pas trop le moyen de s'y soustraire.
La décision, en définitive, n'avait pas été compliquée à prendre. Elle s'était même imposée d'elle-même. À vrai dire, depuis la dernière séance du conseil. La question de son retrait était déjà sur toutes les lèvres closes et dans tous les regards fuyants. Mais, il n'avait pas été assez attentif à ce moment-là pour y prendre vraiment garde. De toute façon, on ne lui faisait plus confiance et on le soupçonnait pour des raisons qui n'étaient pas clairement avouées. C'était de trop pour le personnage public qu'il était censé représenter et suffisant pour l'homme tout court. Aux yeux de ses concitoyens, le considérait-on encore seulement comme membre à part entière de la communauté ?
Quant à la personne qui lui succèderait, il avait bien sa petite idée. Il n'était pas inquiet sur le nombre potentiel de candidats. Il espérait simplement pouvoir échapper au spectacle de la curée.
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La jeune fille aux semelles de vent
AventuraLa vie solitaire de Paul Dupuy est bouleversée le jour où il recueille dans sa maison de Provence deux mystérieux voyageurs : une jeune fille, Adèle, accompagnée de son père. Très vite, il apparaît qu'un lourd secret les poursuit. La présence des ét...