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  Un vide intérieur,
Qui prend bien trop de place,
Une abîme de douleur,
Qui laisse son empreinte et sa trace,


Je reste là à me débattre,
 A refuser tout compromis,
Je ne sais pas comment abattre,
Ce sombre et triste ennemi,

[...]

(Delphine JOUVE)

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Il ouvre les yeux. Il ouvre les yeux sur des ombres. Il ouvre les yeux sur des formes aux contours flous, des formes vides et silencieuses. Il ne sait pas ce qu'elles peuvent être et ne saurait les nommer. Ce ne sont que des formes indistinctes que ses yeux fatigués lui rapportent. Parfois il se dit qu'il aimerait savoir ce qu'elles sont, ce qu'elles lui veulent... Et d'autre fois, il referme simplement ses orbes bleus dans l'espoir qu'elles aient disparut à son réveil.

Ses yeux fermés. Il tend l'oreille en quête de sons. Il veut savoir si elles l'attendent encore ou si lassés, elles sont partit. Une mélodie répond à son écoute. Elle est composée de bruits de l'extérieur, de bruits de l'intérieur, de bruits à mi-chemin des deux. Cette mélodie est vide de sens et de sentiments. Les notes y sont incorrectes et ne s'assemblent pas.

Il ouvre à nouveau les yeux et les ombres ne sont plus là. La pièce est vide. Il est seul et comme chaque matin, il se pose cette question :

_ Qui suis-je ?

Sa voix résonne étrangement à ses oreilles.

Il réfléchit un moment, médite une réponse qui ne lui plait pas.

_ Je ne sais plus.

Il se lève alors s'extirpe de ses draps et à pas lent gagne la salle de bain. Le jet d'eau chaude le détend, pendant un moment il se sent bien. Pendant un instant il se sent pleinement en vie. Puis, il sort et enfile ses vêtements, tente de dompter ses cheveux en vain. Il rassemble ses cahiers de cours qu'il a étalé la veille en vue de faire ses devoirs. Il les met dans son sac. Ce sac, il est neuf. Il est beau, il est propre. C'est un sac neuf. Il ne se souvient pas l'avoir acheté.

Il décents au rez-de-chaussée, de la nourriture est disposée sur la table de la cuisine. Sa mère la lui a laissée avant de partir travailler. Il sait déjà qu'un mot lui souhaitant une bonne journée l'attend à sa place. Il se demandait pourquoi sa génitrice prenait la peine de lui en écrire un chaque matin sur un post-it de couleurs différentes à chaque fois. Ça n'avait pas la moindre utilité. Chaque matin il partait en sachant déjà que sa journée serait aussi monotone que celle de la veille, que celle de l'avant-veille, que celle de la semaine précédente, que celle d'il y a trois semaines, que celle d'il y a deux mois... que toutes celles qui avaient existées d'aussi loin qu'il se souvienne. Monotone et vide de sens. Comme son existence.

Il lui manquait quelque chose.

Il lui manquait quelque chose. Quelque chose qui le rendrait pareil aux autres. Il ne savait pas quoi. Il ne savait pas ce qui lui manquait et que tous les autres avaient. Il avait posé la question une fois. Juste une. On avait rit pensant à une blague « Tu es comme tout le monde, voyons. Ou vas-tu chercher des questions pareilles ? ». Il ne plaisantait pas et sa question était fondée. Il lui manquait quelque chose, il ne savait pas quoi, mais cela le différenciait des autres. Le coupait de ce monde ou il vivait... Ou lentement il s'estompait.

Il mange rapidement et récupère son bento avant de sortir. Il fallait qu'il se dépêche sinon il serait en retard. La fraicheur matinale le saisit alors qu'il quittait la chaleur de son immeuble. Il songea que bientôt il faudrait qu'il ressorte son manteau d'hiver et son épaisse écharpe. Il ne tenait pas plus que cela à tomber malade- ses examens approchaient. Il avait déjà passé un semestre coincé dans une chambre dans l'établissement de « remise en forme » dans lequel il avait dû séjourner. Prison aurait été un mot plus juste. On lui avait dit d'être prudent et de se ménager afin de ne pas avoir à y refaire un séjour.

Ton absence me hanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant