Chapitre 1

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Tout le monde dormait sauf moi. J'étais toujours en colère parce que je savais que Dani avait caché ma poupée dans la cabane du jardin et qu'il savait que j'avais peur d'y aller. Mais je n'arrivais pas à dormir, je ne dormais jamais sans elle, alors je pris mon courage à deux mains et sortis de ma chambre doucement. Je ne savais pas quelle heure il était, mais la maison était silencieuse alors je descendis doucement les marches, en prenant soin d'éviter l'avant dernière qui grinçait horriblement.

Je vis un rai de lumière sous la porte du bureau de papa, il devait surement travailler sur ses recherches alors je me dépêchai d'aller jusqu'à la porte d'entrée. Elle grinçait aussi, maman ne voulait pas mettre d'huile pour arrêter le grincement, elle disait  que ça donnait du charme à la maison mais à cette heure de la nuit, ça me faisait peur. Je passai par la trappe de Bobby et courus jusqu'à la cabane au fond du jardin.

Je cherchais ma poupée Dina, je la cherchais depuis plusieurs minutes, je me cognais plusieurs fois, je ne voulais pas allumer la lumière, j'avais peur que papa me voit.

Je n'avais pas senti la fumée tout de suite, ce qui m'avait fait sortir de la cabane était la lumière, j'avais eu peur car je pensais que papa m'avait vu, mais lorsque je me retournai je vis les flammes, partout. Les rideaux des fenêtres, de toutes les fenêtres étaient en flammes, de la fumée s'échappait, je ne savais pas d'où, alors je me mis à courrir.

Je courrais vers la maison, je hurlais le nom de mon père, ma mère, de Dani aussi, je hurlais. La trappe était brulante et je ne pouvais pas entrer, je fis le tour en criant le nom de maman et je cru voir du mouvement dans la cuisine. J'essayais d'ouvrir la porte, en vain, je me brulais la main.

J'entendais les sirènes au loin, quelqu'un avait appelé les pompiers. J'essayais d'entrer par le garage mais tout était brulant, les vitres explosèrent et je hurlais toujours, je pleurais aussi.

- Eva! cria la voix de David.

David était le meilleur ami de papa et aussi son collègue, il habitait juste à côté.

- Eva cours! Viens vers moi, cours!

Je ne pouvais pas bouger, je regardais les flammes consumer la maison de mon enfance et David arriva à ma hauteur. Il me jeta sur ses épaules et se mit à courir, aussi vite que possible, nous étions à peine sortis du jardin que la maison explosa et nous fûmes projetés plus loin.

Brûlure.

Mon corps, ma peau, et même mon sang me brûlaient en permanence. Celui qui avait dit que le temps aidait à vivre avec nos peines et nos souffrances était juste le plus gros mytho du monde. Le temps ne faisait rien, il me rappelait juste, tous les jours, que j'étais toujours là et plus eux. Ils me manquaient, tout me manquait, même les toasts brûlés de papa.

David et Suzanne n'arrêtaient pas de me dire que ce dont j'avais besoin c'était de parler de cette nuit là, comme si ça allait changer les choses, comme s'ils allaient revenir, comme si les groupes de soutien auxquels ils me forçaient à participer servaient à quelque chose. Ça ne m'aidait pas, je ne voulais pas être aidée. Je ne voulais pas aller mieux, je trouvais ça égoïste, parfois je faisais semblant pour faire plaisir aux deux personnes qui m'avaient recueilli et pris en charge comme si j'étais leur propre fille.

Je vivais avec eux depuis plus de dix ans maintenant, et pourtant je n'arrivais toujours pas à m'ouvrir. J'étais reconnaissante envers David de m'avoir sauvé la vie ce soir là, mais d'un autre côté, je m'en voulais, j'aurais dû mourir avec eux ce soir là.
J'aurais dû.

Il était cinq heures du matin et comme tous les jours à la même heure, je venais de me réveiller en sursaut, en sueur, en larmes et le coeur brisé comme au premier jour. Toujours le même cauchemar, je me revois il y a dix ans, je revis la scène de l'extérieur, tout se déroule sous mes yeux mais je ne peux rien faire, ni bouger, ni parler, rien.

Brûlée (en pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant