Elsker Nord (l'amour du nord) livre 1

Chapitre 38

                                                                    Ragnar

Malgré la fête qui bat son plein autour de moi pour fêter notre retour victorieux, je me sens plus seul que jamais ...

Durant mon rétablissement alors que nous étions encore sur les rives de la Seine, Björn a décidé de laisser Rollo sur place. Mais mon frère est si imprévisible, si avide de reconnaissance et de pouvoir que seuls les Dieux savent ce qu'il va faire. Vais-je retrouver un ami et allié en y retournant d'ici un an ou vais-je trouver un ennemi à la place ? Ou bien va-t-il arriver à nos hommes laissés sur place, ce qui est arrivé à ma colonie du Wessex ?

Peu après mon accession au trône, Arlun m'avait appris que la colonie sur le sol anglais avait été détruite et qu'un homme, le seul survivant, arriverait bientôt pour m'en informer. Le vieil homme était si terrifié, si malheureux... Je l'avais étranglé pour me débarrasser du problème et aussi et surtout pour qu'il puisse retrouver sa famille tuée sous ses yeux. Je n'avais rien dit à personne, gardant cette infamie du Roi Ecbert pour moi, sachant que l'heure de la vengeance n'avait pas encore sonné pour l'Angleterre.

Car mon peuple n'était tourné que vers Paris...

Ah Paris, où Floki s'est cru supérieur aux Dieux ... Je lui avais laissé le commandement car il remettait beaucoup trop mon autorité en question. Et voilà où nous ont mené les dérives du cerveau bizarre de Floki... Beaucoup trop d'hommes sont morts par sa faute, beaucoup trop de navires perdus... Mais avouons-le, s'il n'avait pas fait toutes ces erreurs, aurais-je pu leur jouer cette farce et pénétrer ainsi dans la ville réputée imprenable ? Pas si sûr...

Oh Odin, il y a des fois où j'aimerai te rejoindre et être ainsi débarrasser de tous ces problèmes qui me tombent dessus... Je n'ai jamais demandé à être Jarl et encore moins Roi... J'ai toujours voulu être un homme simple, mais maintenant, parce que je suis important pour mon peuple, j'ai les épaules qui commencent à céder sous le poids de toutes ses responsabilités, sous le poids de toutes ces vies que je me dois de protéger...

Je me masse les yeux et sens alors une petite main sur mon genou. Le petit Thorolf est là à me regarder de ses grands yeux bleus ornés de longs cils et penche la tête sur le côté, l'air triste. C'est fou ce qu'il ressemble à Björn quand il était enfant, mais je sens qu'en grandissant, il deviendra comme sa mère.

-Que veux-tu, toi ? Je lui demande d'un ton las en me penchant vers lui.

Il passe ses petits bras autour de mon cou et je le soulève pour le mettre debout sur mes cuisses, braquant mes yeux dans les siens. Beaucoup de petits ont peur de moi et je ne fais rien pour les en dissuader, même si j'adore les gosses. J'aime jouer avec eux, les câliner, mais même mes propres enfants ne sont jamais venus d'eux-mêmes réclamer autant de câlins que ce petit qui me colle aux basques dès qu'il me voit. A croire qu'il manque d'amour... Et pourtant Björn et Arlun le cajolent toute la journée, l'embrassent toutes les cinq minutes, mais rien n'y fait, le gamin ne veut que moi.

Il me caresse doucement la joue et je sens mon cœur fondre devant la tendresse qu'il y a dans ses grands yeux bleus. Il est l'un des rares à avoir touché mon cœur de guerrier et... Par Odin ce que je l'aime ce môme !

Il m'embrasse sur la joue, puis pose sa tête sur mon épaule en me serrant dans ses petits bras. Je ressens aussitôt de l'apaisement, une paix intérieure que je ne trouve jamais et mes bras se referment d'eux-mêmes autour de son petit corps pour lui rendre son étreinte.

Je sais ce que c'est d'aimer, le sentiment que l'on éprouve envers ses enfants... j'aime les miens à en mourir, mais avec Thorolf, ce sentiment est décuplé, multiplié, si intense et puissant que j'en ressens des élancements douloureux dans le cœur. Je le serre un long moment dans mes bras, refusant de mettre fin à ce moment avec lui, refusant que ce sentiment d'amour infini ne me quitte, attendant comme toujours que la séparation ne vienne de lui...