S a l u t...

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À Alexandre D.

Oui, je sais. J'ai fait une faute de Français, on dit plutôt : "Ça ne va pas".
Mais je ne vois pourquoi je ferai un effort pour corriger mes fautes alors qu'on n'en a fait aucun en me donnant la vie.

Je ne suis pas du genre suicidaire ou dépressif, attention. J'ai déjà souri au moins une fois dans ma vie - et comme par hasard, le jour où ma mère décide d'immortaliser le moment alors que mes dents de lait viennent de tomber.
Non, attention, ne me prenez pas pour ce genre de fille qui pense à la mort et qui se mutile pour soulager sa souffrance. Je ne pense pas à la mort, puisque je considère que penser à la vie est beaucoup plus lugubre. Je ne me mutile pas non plus, puisque je suis le genre de fille à pleurer rien qu'à l'idée de porter des talons de plus de cinq centimètres - une véritable souffrance.
Quand je dis "lugubre" en parlant de la vie, je ne fais que rappeler toutes ces fois où on nous dit que la vie est courte, qu'il faut en profiter, qu'on va peut-être tous mourir demain explosés à cause d'un politicien aux mains baladeuses dont un doigt curieux se serait perdu sur le bouton de l'arme atomique...

Bref, d'habitude, je suis plutôt quelqu'un de joyeux. Sauf que là, maintenant, tout de suite, je me sens sur le point de m'effondrer. Un peu comme un vase au cours de sa chute. Je ne suis plus posée sur une étagère, à passer le temps tranquillement en gardant le sourire. Je chute, c'est vraiment le cas de le dire. Oh, je ne suis pas encore sur le sol, en mille morceaux, mais ça ne va pas tarder à arriver, je le sens.
Allez savoir pourquoi. J'ai mes raisons, ça ne regarde que moi après tout. Je pourrais m'inventer des problèmes ou dramatiser davantage ceux que j'ai déjà. Je pourrais aussi vous dire que tout va très mal dans ma vie et que je ne supporte plus la lumière du jour. Mais c'est faux. J'aime le thé à l'hibiscus, les aquariums et les champs de lin en fleurs. Oui, c'est ce qui me garde encore en vie. J'imagine qu'on peut dire que c'est la moquette qui amortira ma chute, je ne sais pas.

Non, moi ce que je veux, c'est tomber amoureuse. Je sais, c'est stupide et peut-être même naïf de ma part, mais j'ai envie que ça m'arrive à moi aussi pour une fois. Et j'insiste sur le "pour une fois". Parce que sérieusement, c'est le genre de problème qui n'arrive qu'aux autres. Au point où j'en suis, je me dis que c'est l'unique chose que j'aimerais goûter avant de me lancer dans cette grande aventure qu'on a cruellement appelé la vie.

Fichez-moi la paix avec le lycée, je sais que j'aurais mon bac, c'n'est pas un problème. Je le répète, ce que je veux, c'est tomber amoureuse. Juste comme ça, le temps d'un week-end. Accoster un gars, lui dire que je l'aime et continuer comme ça jusqu'au dimanche soir.
Je sais, il y a des projets beaucoup plus ambitieux que ça. Mais entre écouter le conseiller d'orientation me dire que mon dossier est bon à jeter à la poubelle et sentir le cou amer d'un garçon, je préfère la seconde option.

Je suis quelqu'un de réaliste. Et même d'optimiste, parfois. Je ne panique pas avant d'avoir tout essayé et je ne pleure pas avant d'avoir canalisé un sacré nombre de blessures. J'suis comme ça.
Alors pour une fois, je pense avoir le droit de tout relâcher d'un coup sec. Puis de mettre des chaussures à talons et du rouge à lèvres à en faire pâlir mon miroir. Si c'est ça qui plaît aux hommes, alors faire semblant le temps d'un week-end ne me coûtera pas très cher.

Alors au lieu de penser aux révisions du bac, à mes nombreuses lacunes et à mes difficultés en maths, aux espoirs de ma mère et aux attentes du monde entier, je pense aux moyens à employer pour accoster un garçon.
Il m'est souvent arrivé de vouloir quelque chose tout en faisant le nécessaire pour ne pas l'obtenir. De même pour l'inverse.

Enfin bref, ça va pas.

Ça Va PasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant