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Décidément, Alexandre sait poser les bonnes questions. Et tant mieux, parce que je ne suis pas obligée de les poser à sa place. Sauf que je me retrouve à présent avec une interrogation en suspens et Alexandre me regarde en train de réfléchir, ce qui est assez paralysant.
Pourquoi j'ai voulu faire l'amour avec un inconnu ?
Et pourquoi pas ? (Non, ça c'est une réponse pourrie, je le sais).

"Pourquoi..." Cherchons un but et une source d'interrogation. Le but visé ? Fuir. Vivre. Ressentir des émotions, des sensations. Aimer. Être aimée. La source ? Mon mal-être intérieur. Ma vie ennuyante qui prend de mauvaises directives. Moi.
"...j'ai voulu..." Était-ce vraiment une volonté ? C'était plutôt un besoin. Une nécessité. Un au secours hurlé en plein milieu de l'océan Atlantique.
"...faire l'amour..." C'est précis tout en étant imprécis. Faire l'amour, ça n'implique rien. Mon but n'était pas de faire l'amour, pas uniquement, pas directement. Je voulais changer de vie, l'espace d'un instant, en faisant quelque chose de spontané, de jamais fait, d'imprévus.
"...avec toi ?" Nathan ou Alexandre. Est-ce vraiment toi ? C'est d'un homme dont j'avais besoin. C'est toi qui es venu. L'inconnu. Le pansement. Le remède. La pilule. L'antibiotique. L'antidouleur. L'anesthésiant. L'antidépresseur.

Mais à sa question, je ne sais pas quoi répondre. J'ai peur de le blesser. Peur de ne pas utiliser les bons mots. Peur de ne pas me faire comprendre.

- J'ai très peur de la vie... Je n'en ai jamais eu peur avant. Je présume que c'est parce que je ne suis plus une enfant... Depuis quelque temps, je me sens comme un marin sur le point de quitter le pont. Je regarde le ciel et je sens que la tempête va bientôt gronder. J'ai très peur de l'affronter. J'ai peur que mon bateau se brise, j'ai peur de couler. J'ai peur que la tempête m'anéantisse, qu'elle m'oblige à rebrousser chemin ou à changer de direction, d'aller là où je n'ai jamais voulu aller... J'ai peur de me perdre dans un océan que je ne connais pas. Pourtant, je suis bien obligée de quitter de ce foutu pont et de monter sur ce foutu bateau... et d'affronter cette foutue tempête.
Toi, Alexandre, tu fais partie du magnifique paysage qui s'étend autour moi. Ce qui a toujours été à portée de main et que je n'ai jamais voulu saisir par peur de tomber trop tôt dans l'eau et de me noyer. Sauf qu'à force de rester éloignée de l'eau, j'ai commencé à m'enfoncer dans le sable. Disons que tu es l'encre qui m'empêche de sombrer davantage. Tu me retiens, un petit peu. Plus on est lourd, plus on coule... Tu m'as déchargée d'un grand poids et je me sens plus légère.

Je pose mes yeux sur lui. Et je le vois me fixer d'un air absent, comme s'il prenait le temps de digérer ce que je viens de lui dire.
C'est à ce moment-là que je vois ses yeux se voiler et s'humidifier. Non, il ne pleure pas. Mais il a mal. J'ignore s'il a mal autant que moi, ou pour des raisons différentes, mais une chose est certaine, c'est qu'il souffre.

- Et toi, Nathan ? Pourquoi as-tu laissé Anaïs te faire l'amour ?

Il se pince délicatement les lèvres et me regarde intensément. C'est mon reflet que j'ai l'impression de voir.

- Je trouvais qu'Anaïs avait des yeux bruns magnifiques.

Je lève les yeux en l'air, malgré moi, un sourire sur le visage.

- J'oubliais que t'étais du genre à inviter des inconnues chez toi.

- Oui, mais c'est rarement aussi rapide.

Je ris en me redressant.

- Nathan a fait l'amour à Anaïs parce que c'est un rêveur. Il rêve à yeux ouverts et il ne laisse personne s'échapper de son emprise, de peur de passer à côté de quelqu'un. Comme Anaïs, Nathan attend de rencontrer une personne qui va bouleverser sa vie. Quelqu'un qui va y entrer sans frapper à la porte, foutre le bordel dans son cerveau, bousiller ce qui lui reste de coeur, dévorer ses rêves et changer le chemin de sa vie pour lui. Il n'attend que ça.

Je souris. Décidément, je ressemble beaucoup à Nathan. Je suis une rêveuse. Comme lui, je suis incapable de virer de bord, de changer de cap, de modifier mes plans. Comme lui, j'ai besoin qu'une personne le fasse à ma place. Et si possible, qu'elle le fasse violemment, histoire que je sente le vent dans mes cheveux.

Ça Va PasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant