...d e p u i s...

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J'ai très souvent regardé le plafond en cherchant des réponses à mes questions. Mais aucune peinture blanche n'est parvenue à répondre à mes inquiétudes sur la vie.
Je me rends compte petit à petit que ce n'est pas le plafond que les gens regardent quand ils sont allongés sur leur lit. Il regarde tout ce qui s'étend au-dessus d'eux. Le ciel. L'univers.
Bon, chez Alexandre, on est au deuxième étage, alors je présume qu'au-dessus de nous, il doit y avoir d'autres étages. Peut-être même que d'autres personnes font l'amour quelque part dans l'immeuble.
Ce serait marrant. Bizarre. Mais marrant.

Alexandre est allongé à côté de moi. Il me regarde en train de réfléchir, mais je suis presque certaine qu'il pense à autre chose. Comme moi.
Je pense à celle que j'étais avant de le rencontrer. Il y a une semaine, je n'aurais jamais imaginé que mon plan foireux, qui consistait à ne plus suivre de plans, fonctionnerait. Je m'imagine déjà le raconter à mes amies, à ma mère à qui je dis tout, à mon premier amour une fois que je l'aurai rencontré. Et c'est bizarre.

Hey, j'sais que ça fait un long moment que tout le monde me prend pour une fille coincée, mais tu ne vas jamais deviner ce qui m'est arrivé samedi ! J'ai couché avec un gars. Comme ça. On n'se connaissait pas. On a fait l'amour. Sinon, il y a avait des devoirs en maths ?

Je ne réalise pas encore. Ce n'est pas le cas de mon corps qui, lui, ne risque pas d'oublier de si tôt.

- Tu sais que tu es le premier garçon à entrer dans ma vie ?

- Pas que dans ta vie...

Je le frappe à l'épaule sans pouvoir m'empêcher de sourire. Mais son petit rire coquin est contagieux et je me pince les lèvres.
Soudain, le téléphone sonne. C'est mon téléphone, au loin, qui sonne.

- Je vais le chercher, ne bouge pas.

Je le laisse faire. Ce n'est pas une question de confiance absolue mais il a de quoi en mériter un peu.
J'en profite pour avaler une grande bouffée d'air et attraper mes sous-vêtements du bout des doigts.

- Ah, dit-il en revenant de la cuisine. Appel de maman.

Je lui arrache le téléphone des mains et je la rappelle. Pas besoin d'être devin pour savoir qu'un appel manqué de sa mère suffit pour que le monde s'écroule.

- Allô ? Oui... Désolée, je n'ai pas entendu, mon téléphone était en silencieux... Parce que j'ai oublié de mettre le son... Oui, ça va. Tout va bien... Oui, je suis chez Noémie... Mmh... Mmh-hum... Ok... Et toi, ça va ?... D'accord... Bisous, je t'aime... Bye... Je t'aime.

Je pose le téléphone sur la table de chevet et lance un petit regard curieux vers Alexandre. Il me regarde en fronçant les sourcils, un sourire railleur aux lèvres.

- Quoi ?

- Je pensais que je m'appelais Nathan.

Je hausse les épaules, d'un air innocent.

- Ma langue a fourché.

Son sourire est magique. Je commence à avoir peur d'en tomber amoureuse. C'est facile ces choses-là, il suffit de se laisser croire qu'on aime un homme pour le laisser envahir nos pensées. C'est dangereux.
Mais je ne me fais pas trop de soucis. J'ai l'esprit clair. Je peux toujours faire confiance aux voix qui me ramènent habituellement à la réalité. Je parle de ces voix qui sont là pour m'empêcher de me faire des illusions, celles qui brisent un peu mes rêves et qui jusqu'ici m'empêchaient de croire aux garçons.

- Il est quelle heure ?

- 15h27.

Tiens, il a pris soin d'enlever tous ses vêtements mais il a gardé sa montre. Il se penche pour ramasser ses affaires et n'enfile que son caleçon. Je n'ose pas me rhabiller, je suis prise d'une immense flemmardise qui me cloue au lit et m'empêche de me ressaisir.
Il s'allonge à mes côtés et sa main effleure la mienne.

- Ça fait bientôt deux heures qu'on se connaît.

Il se tait. Je vois bien qu'il a quelque chose à m'avouer. Je suis douée pour reconnaître ceux qui ont l'habitude de se taire et d'écouter, comme moi. Sauf que j'attends. J'attends qu'il se décide à me dire ce qu'il a sur le bout de la langue.
Je n'aime pas pousser les autres à parler. Je préfère que ce soit eux qui viennent, qui tapent la discussion, qui rompent le silence. Je suis ouverte à tous les sujets, à tout le monde. Mais je ne sais pas aller vers les autres. J'ai toujours cette même peur du ridicule.

- Pourquoi tu as voulu faire l'amour avec moi ?

Ça Va PasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant