- Donc si on couche ensemble, ce n'est pas affolant, judiciairement parlant. Ça nous fait moins d'un an de différences.
Il sourit et fait apparaître des fossettes sur ses joues vierges du moindre poil de barbe. Ses deux incisives supérieures sont légèrement plus grandes que les autres.
C'est tout moi. Je suis le genre de fille à aimer les petits détails insignifiants chez les autres. Mais tout auteur qui se respecte sait à quel point les petits détails peuvent avoir de l'importance. Des fossettes, de grandes incisives, des yeux éclatants de vert et un torse bien entretenu.- Tu veux donc coucher avec moi ?
À vrai dire, mon plan, c'était de suivre son plan. J'espérais qu'il prenne les devants et joue son rôle de mâle qui sait ce qu'il veut.
À présent, puisque le ridicule est derrière moi, je me sens prête à mieux porter mes ovaires.- C'était ton attention en me proposant un verre.
Il sort les mains de ses poches et c'est à cet instant précis que mon cerveau cesse de fonctionner. Je ne pense plus, j'observe.
Il s'approche de moi d'un pas lent et effleure mes bras du bout de ses doigts avant de prendre ma tasse et de la poser sur le comptoir. Ses yeux ne me quittent pas, son nez touche le mien et je sens son haleine délicieusement chaude caresser ma bouche.
Un petit vent de panique m'envahit. Mon cerveau se remet brusquement à fonctionner. Je ne sais pas embrasser. Je ne sais pas faire l'amour. Je sais encore moins comment aimer un garçon.
Mes cuisses se serrent l'une contre l'autre dans un réflexe mécanique. La sueur envahit mon dos, mes aisselles, mes mains et la seule chose que je parviens à entendre, c'est :- Détends-toi.
Facile à dire.
Ses lèvres se plaquent sur les miennes.
Là, mon cerveau cesse à nouveau de fonctionner.
Mes mâchoires sont solidement serrées l'une contre l'autre, et j'ai beau vouloir les défaire, je ne contrôle plus mon corps. Ses mains s'emparent de mes reins et je ne peux m'empêcher de gémir. Il a réussi à me faire ouvrir la bouche et sa langue s'attaque à la mienne.
Je me sens comme une esclave déshydratée qui tombe dans un oasis brûlant. Je bois sa salive comme s'il s'agit d'un verre rempli de l'eau de la Fontaine de Jouvence.
Mes lèvres sont engourdies. Je ne sens plus mes jambes. Je préfère ne pas imaginer de quoi j'ai l'air, accroché à sa bouche comme une sangsue. Mes joues sont en feu et elles ne sont pas les seules... Je ressens comme un volcan se déverser dans le bas de mon ventre...
Puis il s'écarte. Et je sais à présent ce que le nouveau-né ressent quand il sort de l'utérus de sa mère. J'ai froid alors que je brûle. Je me sens tombée alors que mes pieds sont lourdement posés sur le sol.- Je m'appelle Alexandre, dit-il d'une voix si rauque que j'en frissonne.
Alexandre. J'aurais dû m'en douter. Ma vie est parsemée d'Alexandre comme une malédiction. Le premier est à l'origine de tous mes complexes physiques. Le deuxième m'a humiliée. Je me suis méfiée du troisième. Et voici le quatrième Alexandre qui est sur le point d'arracher ma virginité. C'est bien beau tout ça, mais je sens que je vais souffrir. Comme quand on sort le nez dehors, qu'on observe le ciel qui se voile et qu'on sent qu'il va bientôt pleuvoir. Peut-être même qu'il y aura un peu d'orage.
Marcher à reculons jusqu'à sa chambre, jusqu'à son lit, est un jeu auquel je prends rapidement goût. Ses mains légères et tremblantes me tiennent encore et je crains de sombrer dans le vide si jamais elles me lâchent.
C'est alors que je tombe sur son lit et qu'il se met au-dessus de moi, le souffle coupé comme pour m'imiter.
Je suis étonnée de voir que son regard ressemble au mien (même si je suis probablement en train de loucher) et d'y voir à la fois de la peur et de l'excitation. Ça me rassure, je me dis qu'il n'a pas dû faire l'amour très souvent. Ça me rassure et me surprend en même temps, il avait l'air plutôt sûr de lui jusqu'ici.- Je m'appelle Nicolas...
- Comme un garçon ?
Sa surprise me fait éclater de rire.
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Ça Va Pas
Short StoryJ'ai failli m'étouffer avec une madeleine. Et puis, je commence à ne plus avoir envie de vivre. Bref. Ça (ne) va pas.