Il m'embrasse et me touche.
La jeune fille qui intériorise beaucoup est obligée d'intérioriser encore. J'essaie de calmer mon coeur, de l'empêcher de déflagrer ou de se dissoudre. J'essaie d'avaler le peu d'air qui entre par mes narines afin de refroidir mes poumons en feu.
C'est la première fois qu'un homme me touche.
C'est encore mieux que je l'imaginais. Oh bien sûr, je ne suis pas de celle qui sont innocentes et qui n'ont jamais rien tenté pour savoir à quoi faire l'amour pouvait ressembler.
Je me suis toujours dit que je passerai ma première fois comme un essai, un brouillon, quelque chose qui ne compte pas vraiment. Beaucoup attendent le bon gars, moi, j'attendais jusqu'ici le bon moment. À vrai dire, j'attendais le commencement de mes études, histoire que ma situation se régularise avant de me permettre d'avoir une autre vie que celle des études. Mais j'ai craqué. J'ai craqué et c'est la raison pour laquelle je suis ici, sous Alexandre plus précisément. Ai-je vraiment besoin de préciser après tout ? Toute cette histoire n'aurait pas eu lieu si je n'avais pas craqué. Le vase en chute libre, c'est moi. Alexandre est l'ensemble des forces de frottement qui ralentissent ma chute - comparaison pourrie de terminale scientifique - et dans mon cas, ces forces ne sont pas négligeables. Alexandre n'est pas du tout négligeable. Même si ça aurait pu être un autre, même si j'aurais pu choisir quelqu'un que je connais mieux. Alexandre n'est plus un inconnu, trop de dignité s'est envolée depuis que nous nous connaissons. Pour être honnête, il dégage ce quelque chose qui me met à l'aise - oui, je sais, je ne le pensais pas du tout il y a quelques minutes. Mais rire et le voir rire m'a permis de m'évader de toutes inquiétudes.
Je me trompe peut-être - je me trompe sûrement - mais Alexandre a l'air d'être quelqu'un de bien. Même si inviter une fille à boire un verre, la ramener chez elle et lui faire l'amour sans même la connaître tend à prouver le contraire. C'est même carrément macho. Ça fait de lui un sacré salaud, sans mentir. Mais aller chez un garçon que je ne connais pas et l'inciter à faire l'amour tend à montrer que je suis une fille facile (pas de vulgarité entre nous). Je ne suis pas une fille facile. Je suis une fille au bord du gouffre.- Je n'ai jamais...
C'est tout de suite plus difficile à avouer. Je le vois qui me regarde avec une légère inquiétude et ça me rassure davantage de voir qu'il est toujours peu sûr de lui.
- Tu veux dire... Jamais ?
- Non. Jamais.
Je crois reconnaître de la peur à présent. C'est assez amusant. Il a l'air encore plus tendu que moi maintenant qu'il sait que je suis vierge. Il détaille mon visage comme si j'étais une carte au trésor à laquelle il ne comprend rien, cherchant probablement à savoir ce qui me ferait plaisir d'entendre.
- Et donc... Tu veux que j'y aille doucement, c'est ça ?
Je souris, avec l'irrésistible envie de rire mais je me retiens, je ne veux pas l'offenser. Il a presque l'air candide.
- Je veux surtout qu'on prenne nos précautions.
On devrait prendre un préservatif. Je ne prends pas encore la pilule. Il vaut mieux qu'on se protège. Voilà, trois phrases qui auraient sonné beaucoup mieux que celle que j'ai dite.
Mais il a l'air d'avoir saisi le message et se relève brusquement. Sa braguette est ouverte. Il se lève et fouille dans les tiroirs de sa commode, assurément pour chercher des préservatifs.
Je commence vraiment à être nerveuse. J'ai beau me répéter que tout va bien, que je gère et me convaincre qu'il n'y a pas de quoi trembler comme une feuille, je ne parviens pas à me contrôler.
Il revient, un sourire en coin qui ne me rassure guère. Les deux genoux sur le lit, il enlève son sweat en même temps que son tee-shirt et moi, je le regarde d'un air béa. Puis il se penche et, de nouveau, je me retrouve muette comme une carpe, les pensées figées dans le temps. Et il m'embrasse.
Je pensais qu'embrasser était moins encombrant. La réalité est que j'ai la sensation que mes lèvres enflent et que la pression qu'exercent celles d'Alexandre sur les miennes risque de les faire exploser. Que j'ai de la salive qui coule le long de mon cou. Que son souffle chaud m'empêche de respirer convenablement et que je me retrouve obligée de faire de l'apnée.
Soudain, ses mains touchent la peau de mon ventre.
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Ça Va Pas
Short StoryJ'ai failli m'étouffer avec une madeleine. Et puis, je commence à ne plus avoir envie de vivre. Bref. Ça (ne) va pas.