...m i e u x...

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Je suis une fille pudique. Très complexée et j'insiste sur le "très". La faute à mon entourage plus qu'aux regards des inconnus. Le premier Alexandre de ma vie était tout mon contraire, beau, charmant, séduisant (même si nous n'avions que onze ans). Et moi, j'avais des lunettes Hello Kitty, un appareil dentaire métallique, des couettes asymétriques et des jupes tout droit sorties de La Petite Maison Dans La Prairie. J'étais le cliché de l'élève attentive et moche. Et ça m'a marqué pendant très longtemps. En fait, ça me marque jusqu'aujourd'hui. J'ai fini par dire non aux lunettes, non aux cheveux attachés, non aux bagues (désolée maman), et non aux jupes, ni aux robes. Je pensais que changer physiquement m'aiderait à me sentir mieux. Je me suis trompée. Le mal-être ne change pas, il ne changera jamais. Parce que ce n'est pas le fait d'avoir été moche qui m'a blessé, c'est le fait d'avoir été rejetée par un garçon.
Cet Alexandre est un pansement. Ça peut paraître stupide, voire superficiel et insensé, c'est pourtant la vérité. Ma vérité.

Alors quand Alexandre commence à enlever mes vêtements, je sens mes membres s'engourdir et je ferme les yeux comme si cela pouvait l'empêcher de voir mes nombreuses imperfections.
Oh, au fond, je me sens belle. J'aime mon corps, même si j'ai pu laisser suggérer le contraire. Je l'aime parce que j'ai conscience que ne pas l'aimer serait stupide, encore plus stupide que d'avoir des complexes. L'un n'empêche pas l'autre. Ce dont j'ai besoin, c'est qu'une autre personne que ma mère me dise que je suis belle à ses yeux, parce que ça craint. Les compliments - même quand ils sont hypocrites - ne font de mal à personne.

- Tu as un corps magnifique, souffle-t-il d'une voix rauque.

Je me pince les lèvres. C'est la première fois que j'ai la désagréable sensation qu'on lit dans mes pensées.
Alexandre s'y connaît, c'est évident. Non, il ne dit pas ça parce qu'il le pense, il dit ça pour me détendre, pour que je me dise : Oh, mon Dieu, Alexandre, tu es formidable ! Tu es le seul et l'unique qui m'ait dit cela jusqu'ici ! Embrasse-moi, grand fou !
Alexandre est fort, très fort. Et intérieurement, je le remercie. Parce que même si c'est faux, ce sont des paroles que je n'oublierai jamais. Comme quelques points de suture sur une plaie ouverte.

Je suis presque nue. Je n'ai jamais été nue devant qui que ce soit - hormis certaines exceptions, bien évidemment.
Je suis le genre de filles qui ne supportent pas d'aller à la piscine. L'idée d'enfiler un maillot de bain, de laisser voir mes jambes blanches et de risquer qu'un poil pubien dépasse me répugne. De même, je fais partie des filles qui, sur la plage, restent couchées sur leur serviette et préfèrent bronzer plutôt que de se lever et marcher jusque dans l'eau.
Alors je tends l'oreille, car à défaut de voir la réaction d'Alexandre en posant les yeux sur mon corps, j'espère être en mesure d'entendre ses pensées. Les pensées ne mentent pas.
Sauf qu'Alexandre ne dit rien. Il se contente de m'embrasser et chaque baiser qu'il dépose sur ma peau provoque des vagues de frissons. S'il continue, il risque de créer un tsunami.
Le problème avec moi, c'est que je ne peux pas m'empêcher de penser à autre chose qu'à ce que je fais au moment où je le fais. Je suis en train de faire l'amour et je pense au fait d'être mal dans ma peau. Je prie pour que le temps passe, pour qu'on en finisse car je me sens, non pas ridicule, mais incroyablement nulle.

Son visage remonte jusqu'à moi et je me rends compte que je n'ai pas assez profité de ses centaines de baisers. Il caresse ma joue, chose qui a beaucoup d'effet sur moi. Il est plutôt doué cet Alexandre, soit c'est ça, soit c'est parce que je n'ai aucune comparaison sur laquelle m'appuyer.
Et au moment où je me demande ce qui va suivre cette caresse, je comprends que je viens de franchir le cap de non-retour.

- Oh, d'accord...

Ce que je viens de dire est incompréhensible tant ma voix est aiguë. C'était plus un couinement qu'autre chose.
Entre nous, je connais la sensation d'avoir un objet qui rentre à cet endroit, j'ai troqué les serviettes hygiéniques pour les tampons depuis un petit moment. Mais, entre pleurer et éclater de rire, j'ai beaucoup de mal à intérioriser.
C'est plus que bizarre, c'est à la fois désagréable et douloureux, excitant et inquiétant, voire même embarrassant. Je suis tellement gênée que je ne rougis plus de désir mais de honte.
Puis, d'un seul coup, j'ai mal.

Ça Va PasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant