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Tomber amoureuse, c'est beaucoup plus simple qu'on ne le croit. Il suffit de plonger son regard dans celui d'une personne et de se convaincre qu'on l'aime. Après, il faut être quelqu'un de plutôt convainquant, sinon, c'est sûr, le plan devient un peu bancal. Mais heureusement pour moi, je suis une fille qui croit en ses propres mensonges.
Alors il me suffit de m'asseoir à une table sur la terrasse d'un café presque vide et d'attendre qu'un visage masculin attire mon attention.

Oh, j'oublie un détail important. Je ne suis jamais tombée amoureuse de ma vie. J'n'ai jamais eu de premier baiser et encore moins de rendez-vous galant avec le moindre garçon. Ce n'était pas faute d'essayer pour certains, c'est juste qu'aucune paire d'yeux n'a réussi à me charmer jusque-là.
Avant, j'avais d'autres principes. Les garçons venaient en dernier dans ma liste de priorité et comme pas mal de choses venaient avant, les garçons ne sont jamais venus. À présent, je le regrette amèrement. Je me dis que j'aurais dû lâcher prise beaucoup plus tôt, que ça aurait évité de briser un vase qui n'a que dix-sept ans. Parce que maintenant, je sais que j'aurais beau essayer de recoller les morceaux une fois la porcelaine brisée, je ne pourrai jamais effacer les fissures indélébiles.

- 'Scuse, t'aurais du feu ?

J'ai déjà été abordée dans la rue par des inconnus. Ça fait toujours bizarre de se faire interpeller par quelqu'un qu'on ne connaît pas du tout. Pour ma part, j'ai toujours deux secondes de paralysie faciale à chaque fois qu'on s'adresse à moi. Comme si on allait m'annoncer que j'avais gagné à la loterie ou qu'une infirmière m'avait malencontreusement changé de berceau le jour de ma naissance. Sauf qu'à chaque fois, c'est pour me demander si je connais la rue machin-truc-muche et à chaque fois, contrôlée par la panique, je donne une direction quelconque avant de me rendre compte trois mètres plus loin que j'ai dit n'importe quoi.

Bref, j'ai toujours un briquet sur moi.

- Oui, attends...

Il y a toujours un tas de trucs dans mes poches, si bien que je me demande pourquoi je m'efforce encore de prendre un sac. Entre les mouchoirs, le porte-monnaie, les chewing-gums, les clefs, le pass Navigo, le téléphone, un vieux ticket de cinéma et des écouteurs, je cache toujours un petit briquet. Alors je me sens obligée de regarder ce qu'il y a dans mon sac. Ah, un parapluie, une bouteille d'eau et des tampons. Toujours des tampons, même quand je n'en ai pas besoin - au cas où. J'ai toujours vécu suivant cette petite phrase. Je pourrais même en faire ma devise. Au cas où, c'est la raison pour laquelle j'ai des mouchoirs alors que je ne suis pas enrhumée. C'est la raison pour laquelle j'ai des chewing-gums, alors qu'il n'y a personne pour sentir mon haleine. C'est la raison pour laquelle j'ai un parapluie, alors qu'il ne pleut pas depuis des mois. Et enfin, c'est la raison pour laquelle j'ai un briquet alors que je ne fume pas.

- Merci.

Je ne fume pas, et je vous rassure, je ne suis pas pyromane non plus. J'aime rendre service, si vous préférez. Pour être parfaitement honnête, j'ai trouvé ce vieux briquet par terre et depuis, il n'a plus quitté la poche de mon manteau. Oui, parce que je porte le même manteau depuis des lustres, je m'y sens bien, il porte mon parfum et embrasse parfaitement mes épaules. Quitte à vivre sur Terre, je préfère le faire dans un manteau confortable.
Bref, la présence du jeune homme me perturbe au point que j'en suis réduite à penser à mon manteau pour ne pas rougir.
D'ailleurs, qu'est-ce qu'il attend pour partir ?

- Je peux ? demande-t-il en désignant la chaise à ma gauche.

Hausser les épaules est ma réponse préférée. Je suis une fille plutôt passive. Certains disent que j'ai beaucoup de sang-froid, d'autres vont jusqu'à penser que je n'ai pas de coeur. C'est faux. Je pleure encore devant Titanic alors que je hais ce film. Je souris bêtement quand on me fait un compliment parce que je n'y suis pas très habituée. Ça prouve bien que j'ai des sentiments, même s'ils sont infimes.
Mais passive, ça, je le suis sans scrupules. Ou plutôt, disons que j'intériorise pas mal d'émotions. La preuve, je parle peu, je pense beaucoup.

Ça Va PasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant