Chapitre 8 : Un accident ?

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   Le salon est très vaste et un peu vide. Mis à part un canapé, une gigantesque télévision écran plat et une petite table basse en bois, il n'y a pas grand chose qui décore la pièce.

   - Asseyez-vous, je reviens dans une minute, nous dit la femme avec un signe de main rapide vers le canapé en cuir.

   Je lâche un gros soupire en me laissant tomber dans le canapé. Je me pose de plus en plus de questions. Des questions sur moi, sur Thalia, Jared, et l'Alliance. Je me demande où toute cette histoire va nous mener.

   Le regard lourd de Jared me rend mal à l'aise, alors je détourne le mien vers la fenêtre sur laquelle les gyrophares des voitures de police se reflètent.

   - Maman ! crie soudain une voix de l'autre côté de la pièce.

   Je me retourne et aperçois une fillette d'environ six ans qui traverse la pièce en courant pour rejoindre la femme - certainement sa mère - dans la cuisine.

   - Qu'est-ce qui t'arrive, encore ?

   La fillette lui chuchote quelque chose d'incompréhensible à l'oreille, puis fait demi-tour pour se diriger vers les escaliers. Elle s'arrête net en nous voyant et nous fixe d'un air interrogateur.

   - Vous êtes de la police ?

   - Non, ai-je répondu en souriant. Nous sommes des amis à ta m...

   - Nous ne sommes pas d'ici, me coupe Jared après m'avoir foutu un coup de coude dans les côtes. On veux juste savoir ce qui s'est passé à côté de chez toi.

   La petite fronce les sourcils et prend un air inquiet.

   - Ce qui s'est passé où ?

   - Qu'est-ce que tu fais encore là ? intervient sa mère, un plateau contenant trois tasses fumantes dans les mains. Je t'ai dit de remonter dans ta chambre.

   - Mais...

   - C'est une conversation de grands, s'il te plaît, chérie.

   La fillette nous lance un dernier regard avant de monter les escaliers à la hâte. La femme nous sert une tasse de thé et s'assoit dans le fauteuil en face de nous en resserrant ses main autour de la sienne.

   - Elle n'est pas au courant, dit-elle. Je ne veux pas lui faire peur.

   Je ne sais pas si c'est la meilleure des solutions. Même si elle n'a que six ans, elle a le droit de savoir.

   - Bien... hésite Jared. Mme Parrish...

   - Appelez-moi Angela.

   - OK, Angela. Est-ce que vous pourriez nous dire... ce qui s'est passé ?

   Elle bois une gorgée de son thé chaud et porte son regard sur la fenêtre.

   - Je ne sais pas si je suis censé vous en parler.

   - Comprenez-nous, Angela, nous sommes ici depuis peu. Et...

   - C'est tellement absurde, vous ne me croirez pas. Sérieusement, je ne suis même pas sûre de ce que j'ai vu...

   - On ne vous jugera pas, vous avez ma parole. Je vous en prie.

   Angela prend une grande inspiration et tente de réguler sa respiration.

   - Je venais de coucher ma fille, ça devait être aux alentours de vingt-deux heures. Je faisais la vaisselle du soir lorsqu'un bruit sourd a attiré mon attention sur le côté de la maison. Je ne suis pas allée vérifier, pensant que c'était encore un chat ou un chien errant qui fouillait les poubelles de la ruelle... mais ça a recommencé, en plus d'un grognement.

   - Un grognement ?

   - Oui... un râle. Enfin, je ne sais pas, c'est comme si on était en train d'étrangler quelqu'un. Alors je suis allée voir et je me suis approchée de la fenêtre. J'ai vu...

   Une larme perle le long de sa joue et elle nous scrute avec un regard emplit de terreur.

   - Ce garçon... il frappait cet homme d'une sauvagerie... Au départ j'ai pensé à un règlement de compte, mais j'ai vite compris que l'homme n'avait rien n'avoir là-dedans. Le garçon l'a frappé avec un force surnaturelle qu'on... qu'on ne voit que dans les films ! Je vous assure, il l'a projeté contre le mur d'un simple coup de pied. Le choc a fait trembler les murs de ma maison. Mais ce n'est pas ça qui m'a le plus terrorisée...

   - Expliquez-nous, Angela.

   - Il avait les yeux noirs ! éclate la jeune femme. Noirs comme un démon. Entièrement noirs !

   Je croise le regard de Jared qui hoche vivement la tête. Il n'y a pas de doute. C'est bien un Damné.

   - Le problème, reprend Angela, c'est que lorsque l'homme s'est affalé par terre et n'a plus montré aucun signe de vie... le garçon est comme... revenu à lui et a immédiatement affiché une expression de peur et de terreur, comme s'il se réveillait d'un cauchemar. Il a regardé l'homme allongé à ses pieds, puis il a pris la fuite comme s'il se faisait poursuivre par je ne sais quoi.

   Mon cœur fait aussitôt un bond. Comment a-t-il pu afficher une expression de peur et de terreur ? C'est absurde. Wilkins les force à tuer des gens, certes, mais ils savent ce qu'ils font. C'est impossible... ça ne colle pas.

   Je tente de réfléchir, mais les idées se mélangent dans ma tête jusqu'à me provoquer des nausées. J'ai soudain des bouffées de chaleur, et mon cœur se met à battre rapidement et tellement fort que j'ai l'impression qu'il va sortir de ma poitrine. Tout tourne à nouveau autour de moi et mes membres ne me répondent plus.

   - Derek ?

   Je tente de me lever du canapé mais mes jambes cèdent sous moi et je me retrouve par terre. La fraîcheur du carrelage me fait du bien, mais voilà que le marteau qui tape sur l'enclume se remet à résonner dans mon crâne.

   - Qu'est-ce qui se passe ? demande Angela, incrédule.

   Je sens que Jared me soulève puis me guide je ne sais où tandis que je commence à être entièrement paralysé. Des spasmes incontrôlables surviennent alors, me faisant à nouveau tomber au sol.

   - Derek !

   Je sens la fraîcheur de l'air extérieur quand Jared ouvre la porte et me laisse choir sur la pelouse.

   - Mais qu'est-ce qui lui arrive ? Il faut appeler une ambulance !

   - Je m'en occupe, Mme Parrish, merci de votre aide.

   - Mais...

   - Tout va bien, rentrez chez vous.

   J'entends la porte se refermer dans un claquement sonore qui résonne dans ma tête, puis le tout s'envole en seulement quelques micro-secondes. Mes membres sont lourds, mais contrôlables, et ma respiration se régule. C'est parti aussi vite que c'est arrivé.

   Putain, mais qu'est-ce qui m'arrive ?...

   Je me relève en grimaçant, puis Jared me fixe avec un regard qui traduit pleinement sa peur et son inquiétude.

   - Ça ne va vraiment pas.

Bloodshed Tome 2 : SacrificeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant