Chapitre 23 : Les adieux

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   Une fois la nuit pratiquement tombée, Zach nous a expliqué que lui et Jared qui, soi dit en passant se trouve être mon vrai père, avaient caché au fin fond de la forêt un Rover pour les cas d'urgence. En fait, beaucoup de choses étaient prévues en cas d'urgence. Je bénie ces deux-là d'avoir tout organisé depuis le début de la création de la Résistance autrefois. Un Rover sera beaucoup plus pratique que de marcher à pied. Cependant, j'envisage tout autre chose... Et pour ça, je vais devoir mettre mes amis dans la merde. Mais bon, si ça peut leur éviter de se faire tuer, je suis preneur.

   Tout ça m'a laissé pantois. Je me suis cassé la gueule en rejoignant les autres, mes jambes ne me permettant plus de me porter. Je suis sous le choc et le peu de courage qui me restait s'est envolé en apprenant la vérité sur Jared. Ou plutôt, sur mon père. Enfin les deux, quoi. Et maintenant je suis là, par terre, allongé sur ma veste croyant que je sentirais moins les cailloux avec, Thalia à mes côtés. On se positionne en cuillère, et c'est lorsque j'entends sa petite voix rassurante que je me rends compte qu'elle ne dort pas encore. 

   - Tout va bien ? me demande-t-elle. Tes battements de cœur sont tellement forts et rapides que je les sens résonner dans mon dos...

   - Oui, ça va, ai-je menti. 

   Je n'allais certainement pas lui dire ce que je venais d'apprendre. Je n'ai pas du tout envie d'en parler à qui que ce soit. Seul Zach le sait, et c'est très bien comme ça. Puis de toute façon, mon mal de tête devenu constant m'empêche de réfléchir comme il faut.

   - Tu penses que notre affaiblissement croissant va finir par nous tuer ? s'enquiert à nouveau ma copine, comme si elle venait de lire dans mes pensées.

   - J'en sais rien, ai-je avoué. Je pense qu'à long terme... c'est possible, oui. Tout comme Brad.

   Elle ne répond rien et soupire profondément.

   - Ça fait longtemps qu'on ne s'était pas retrouvé tous les deux, comme ça.

   - C'est vrai, ai-je souri. Ça remonte à... la nuit juste avant la mission dans le Minnesota. Donc ça fait deux jours.

   - J'ai l'impression que ça fait une éternité. J'aimerai que ce soit tout le temps comme ça.

   A travers les hautes branches des arbres de la forêt, il est très difficile de percevoir les étoiles. Même la lune n'éclaire pas grand chose cette nuit. L'obscurité est renforcée dans cette partie des bois.

   - Je repensais à Ashley, dit Thalia.

   Je dois dire que je m'attendais à tout sauf à ça...

   - Comment ça ? ai-je demandé, incrédule.

   - C'était ma meilleure amie au lycée, reprend-t-elle. Tu sais, je lui ai dit que j'allais passer la journée chez toi quand on est allé à Salina avant de se faire emmener par Dayton Inc. dans le Dakota du Nord. 

   - Vraiment ? ai-je fait avec un rire sec.

   - Ouais. Elle était toute excitée et m'a demandé de tout lui dire en début de semaine, mais... elle ne m'a plus jamais revue après ça. Depuis toutes ces semaines... elle doit se demander ce qui a bien pu m'arriver. J'ai disparu en un claquement de doigt alors qu'elle m'attendait sûrement le lundi au lycée, comme d'habitude. Je m'en veux de ne penser à elle que maintenant, je ne sais même pas comment j'ai fait pour l'oublier aussi facilement.

   - Peut-être parce que tu as appris que ton petit ami avait un pouvoir démoniaque et que tes parents sont morts à cause d'un putain de psychopathe voulant diriger le monde entier et faire plonger celui-ci dans les ténèbres les plus denses.

   - C'est vrai, rit-elle. Mais c'est fou comme ma vie d'avant ne me paraît plus familière du tout à présent. Je veux dire, je ne me vois pas revenir au lycée, non, pas du tout. Pas après ce qu'il vient de nous arriver.

   Elle fait une pause en observant les étoiles, puis reprend :

   - Au fond, j'ai l'impression que ça a toujours été ma vie. Tu sais... tout ça. Franchement, qui aurait cru que je me retrouverais dans cette situation à à peine dix-huit ans ?

   J'oublie les souvenirs douloureux et repense au message de Wilkins. Je suis très bien conscient qu'au fond, mon choix est déjà fait...

   - Tu as déjà voulu aller au Canada ? ai-je demandé sans trop savoir pourquoi.

   Ma copine, après une longue pause déconcertante, se retourne et me toise avec intensité.

   - Pourquoi est-ce que tu me demandes ça ?

   - Je sais pas, juste comme ça.

   - Je ne savais pas que le Canada t'intéressait...

   Elle se replace, et je soupire profondément de désespoir et d'exaspération.

   - Je t'aime Thalia.

   Ma copine, encore une fois, tourne sa tête vers moi, et je perçois tout de même ses sourcils froncés malgré l'obscurité omniprésente.

   - Moi aussi je t'aime, Derek... je te trouve bizarre, ce soir. Quelque chose ne va pas ?

   - Il n'y a rien de bizarre, ai-je tenté de me rattraper. Je veux juste te dire que je t'aime au cas où je... au cas où nous mourrions demain... enfin, tu vois ?

   Je ne la laisse pas contester et m'étire pour pouvoir atteindre ses lèvres. Je l'embrasse d'un baiser doux et langoureux, le baiser le plus agréable du monde, qui vous fait ressentir des frissons partout dans le corps et qui vous fait bondir le cœur. 

   - Ça, par contre, ça faisait vraiment longtemps, sourit Thalia en s'écartant lentement de moi.

   Je lui souris à mon tour, pose ma main sur sa joue à la peau pâle et douce, puis l'embrasse à nouveau, plus longtemps, conscient que ce baiser est certainement le dernier. Conscient que je suis peut-être en train de lui faire mes adieux étant donné que tout peut arriver avec Wilkins.

   Parce que oui, je vais me rendre au Canada. Oui, je vais prendre le risque de faire disparaître l'humanité. Si je n'y vais pas, Brad mourra (à cause de mon sang, qui plus est), et si Wilkins continue son petit bonhomme de chemin de cette manière, l'humanité sera rayée de la carte de toute façon. Alors je vais y aller, le trouver, attendre d'être face à lui, et je m'acharnerai sur lui jusqu'à ce qu'il pousse son dernier souffle. Je vais le regarder dans les yeux, lui faire comprendre juste par le regard que je ne suis pas prêt d'oublier tout ce qu'il m'a fait subir depuis deux mois. Je le tuerai et lui ferai exploser le crâne pour être sûr à cent pour cent qu'il ne reviendra jamais. Là, et seulement là, l'humanité sera sauvée.

   Le problème reste Brad, car il mourra de toute façon... mais pas question, non ! Je lui ferai cracher le morceau, à ce type, jusqu'à ce qu'il me donne le moyen de sauver mon meilleur pote. Il n'aura pas le choix. Voilà un nouvel argument assez pertinent pour me rendre à lui.

   Ma décision est prise depuis la seconde où j'ai lu ce satané message. Je n'arrivais juste pas à me le prouver... Et je compte bien savoir ce qui arrivé à mon père, mon vrai père ! Le temps nous est compté depuis le début mais là, on ne peut plus attendre. Nous n'avons plus de temps. Je pars sans plus attendre, quitte à mourir s'il le faut, je dois arrêter ce massacre, car je suis l'unique responsable de tout ça, et je suis la seule personne qui peut tout arrêter puisque Wilkins me veut. Le risque est de perdre, bien sûr. Mais cette fois de tout perdre.

   De perdre l'humanité à jamais.

   Mais cette occasion ne se présentera qu'une fois. Je me dois de la prendre, et de tenter le tout pour le tout. Quitte à me sacrifier.

Bloodshed Tome 2 : SacrificeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant