Chapitre 26 : Retour à l'envoyeur

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Derek



   L'atterrissage se fait en douceur, et je n'ai qu'une seule envie à ce moment-là : sortir sans plus attendre. J'ai déjà pris l'avion plus d'une fois avec ma mère pour fuir chaque état afin que l'on ne me retrouve jamais, mais ce voyage compte comme étant le plus long. Le Venezuela était vraiment sans dessus-dessous à mon départ. Des complications étaient déjà présentes et de violentes manifestations entre les citoyens et la police avaient entraîné des centaines de morts. La chute des Etats-Unis n'a fait qu'aggraver les choses.

   La situation au Canada semble beaucoup moins catastrophique qu'aux Etats-Unis que j'ai surplombé en avions. D'immenses panaches de fumée noire étaient présents un peu partout. C'est bien évidemment le pays le plus touché par cette guerre civile, même si bientôt ce sera partout pareil dans le monde. Heureusement que l'hôtesse a refusé mon argent, je peux ainsi l'utiliser pour me payer une nuit dans l'hôtel principal de la ville pour réfléchir à tout ça et payer le bus le lendemain afin de parcourir la distance qui me sépare de celui-ci à la base militaire de Kingston.

   Tout le monde court partout en ville, la panique gagnant peu à peu les pays d'Amérique. Les citoyens des Etats-Unis veulent se rendre au Canada pour fuir leur pays en guerre, et les canadiens veulent fuir le continent suite aux informations ayant vite survenues autour du globe. Ils ne savent certainement pas que le nouveau maître du monde réside juste à côté de chez eux... Je ne doute pas que les autres pays du monde soient tous chamboulés par la situation. Cet événement aussi tragique qu'inattendu figurera dans les manuels d'Histoire. Enfin, s'il y a encore un monde dans lequel vivre, bien entendu, ce que je commence à douter fortement au fil du temps.

   Je marche environ vingt minutes après l'arrêt de bus lorsque j'aperçois enfin la base. Il n'y a nul doute. Wilkins a bien mis ses hommes à exécution afin de renforcer le bâtiment, lequel est plus devenu un bunker qu'une simple base militaire. Le grillage électrifié haut d'environ quatre mètres cinquante encercle entièrement le fort, rendant déjà l'accès difficile à l'édifice. Comme si ça ne suffisait pas, des fils de barbelé sont enroulés en haut du grillage tandis qu'une dizaine de mitrailleuses Browning M2 installées un peu partout sur le toit semblent me viser avec leur long canon. De nombreux véhicules bien équipés sont garés sur un immense parking sur le côté de l'édifice. Enfin, une énorme porte blindée - coulissante si je vois bien - donne l'accès principal au grand bâtiment. 

   Je déglutis et me met en marche vers un portail blindé aussi haut que le grillage derrière lequel se trouve une petite cabine avec trois gardes. Humains ou démon ? Je n'en sais rien du tout...

   Je m'avance d'un pas assuré malgré l'appréhension qui me ronge et m'arrête devant le grand portail principal. Mes yeux fixent alors la grosse pancarte BASE DES FORCES MILITAIRES DE KINGSTON. Un homme de taille moyenne équipé d'un gilet par balle, d'un uniforme militaire, de deux grenades à fragmentation, de multiples gadgets comme un holster à la cuisse comportant un Beretta 92, s'avance vers moi avec une démarche qui m'est familière, son fusil d'assaut en main.

   - C'est pour quoi ? demande-t-il d'une voix rauque.

   - Pour acheter des pizzas, ai-je ironisé. On m'a dit qu'elles étaient excellentes, ici.

   L'homme fronce les sourcils, soudainement curieux, et se met à m'observer de la tête aux pieds.

   - T'es qui, au juste ?

   - Tu sais très bien qui je suis, connard, ai-je répliqué.

   Le garde me lance alors un sourire diabolique qui me fait froid dans le dos et fait demi-tour afin de retourner dans sa cabine. Il parle quelques secondes dans la radio, puis le portail s'ouvre dans un cliquetis métallique assourdissant. Ne sachant quoi faire d'autre, je rentre d'un pas lent, lançant un dernier regard aux gardes qui me fixent sans détourner une seule fois le regard. J'avance en direction de la porte principale tout en contemplant l'immense coure et les différents véhicules présents : Jeeps, camions, motos, et même deux chars.

   Je risque un regard à l'arrière. Les trois gardes me fixent toujours avec intensité, bien alignés, comme s'ils étaient prêts à m'empêcher de sortir. Je réalise alors qu'aucun retour n'est possible. Je viens de me lancer dans la gueule du loup en toute connaissance de cause. Il ne me reste plus qu'à faire ce que j'ai à faire. Quelques gardes apparaissent ici et là autour de moi, me faisant penser que je suis vraiment dans la merde. Bientôt, c'est une soixantaine de gardes qui m'entoure avec des fusils d'assaut inquiétants, rendant la situation plus oppressante qu'elle ne l'était déjà. En plus de cela, des dizaines de caméras disposées un peu partout autour du bâtiments sont braquées vers moi, un petit point rouge lumineux clignotant juste en dessous de chacune.

   Une fois arrivé devant la porte blindée, deux grands hauts-parleurs situés dans les coins en haut se mettent à grésiller péniblement avant qu'un son n'en sorte. Non, pas un son mais une voix. Une voix que j'espérais ne jamais entendre à nouveau. Une voix qui me colle des frissons partout dans la corps...

   - Je me doutais que tu viendrais, ricane Wilkins. Je n'en attendais pas moins de toi, Derek. Et à vrai dire, je commençais déjà à m'impatienter.

   - Ouvrez cette porte, docteur, qu'on en finisse une bonne fois pour toute, ai-je tonné.

   La porte blindée émet un son aigu avant que des rouages ne la fassent coulisser lentement vers le haut, me présentant un long couloir se perdant dans la pénombre. Je réprime un nouveau frisson. Je viens de donner à Wilkins ce qu'il veut. Je viens de signer la fin de l'humanité si j'échoue... je n'aurai plus aucune chance de plus. Je dois le tuer. Je le tuerai à la seconde où je me trouverai devant lui. Il faut que tout cela cesse, et je ne peux pas me permettre de le laisser gagner.

   J'inspire une grande goulée d'air et fait un pas en avant. J'ai à peine le temps de passer sous l'immense porte qu'une masse sombre s'approche rapidement de moi pour m'asséner un violent coup à la tête avec je ne sais quel objet. Je me retrouve contre le mur, du sang perlant de ma boîte crânienne, puis les ténèbres m'envahissent et je me retrouve dans le noir total.

Bloodshed Tome 2 : SacrificeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant