Chapitre 43 : "Requiescant in pace"

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   Et c'est reparti pour un tour. Vol 127 direction Maracaibo. C'est mon deuxième vol en deux jours. La différence est que j'y vais pour me recueillir sur la tombe de mon meilleur ami mort par ma faute dans d'horribles souffrances. Il y a deux jours, je suis venu au Canada avec une détermination sans faille pour éliminer le cœur du projet qui menaçait le monde depuis déjà trop longtemps. J'ai été bête en pensant que nous connaîtrions une fin heureuse.

   L'aéroport de Kingston était saturé à notre départ. Tous les habitants de la ville devenue déserte étaient regroupés en masse dans l'aéroport. L'explosion de la base n'a pas dû arranger les choses... Plusieurs vols étaient prévus dans la journée pour la même destination. Trois vols pour le Venezuela, trois autres pour la Colombie et le Brésil, l'Argentine ou le Pérou. Mais pas un seul pour les Etats-Unis. Tous les gens veulent prendre l'avion pour quitter le Canada et se réfugier plus au sud, ou alors quitter le continent. L'avion est alors devenu le moyen de transport le plus rapide pour ça. Nous avons attendu une longue heure pour le notre.

   Puis plusieurs heures encore dans l'avion où j'ai refusé de parler à Thalia malgré ses demandes désespérées. La pauvre, ce n'est pas contre elle, mais je n'ai même pas le courage de laisser sortir un seul mot de ma bouche. Je me sens complètement abattu. Je n'arrêtais pas de me plaindre à moi-même parce que je souffrais trop depuis trop longtemps, mais celui qui a en vérité le plus souffert dans cette histoire, c'est bien Brad. Et je regrette tellement de ne pas avoir été à ses côtés lorsqu'il est parti... La culpabilité me ronge sans cesse, et la mort de mon meilleur ami ne va certainement pas arranger cela.

   Après notre arrivée à l'aéroport de Maracaibo, nous sommes partis direction la maison où Zach s'est réfugié avec les autres suite à la mort de Finn. Enfin, je crois que c'est ça... Il nous a expliqué cela à mon père et à moi, mais n'a pas été précis. Pourquoi cette maison, je n'en sais rien. Et comment et pourquoi Finn est mort, je n'en sais rien non plus. Peut-être n'ai-je pas voulu écouter jusqu'au bout, trop fatigué à réfléchir. Plus on se rapprochait, plus mon cœur se serrait.

   Une fois là-bas, nous n'avons rien trouvé jusqu'à apercevoir un mot sur la table du salon. J'étais tellement préoccupé et bouleversé que j'ai à peine fait attention à la maison... Le mot était de Jessica qui nous demandait de la rejoindre un peu plus loin à la plage Maracaibo. Pourquoi ? Encore une fois je n'en sais rien. Alors nous nous sommes mis en route avec une voiture récupérée - ou plutôt volée - en direction de la plage. Le soleil qui se couchait reflétait avec intensité ses rayons orangés sur l'eau déjà magnifique en temps normal. Les quelques palmiers disposés un peu partout en recul donnaient un air très exotique à la plage déserte. Quelques tables, chaises et parasols étaient tombés avec le vent et recouverts de sable, prouvant que personne n'est venu ici depuis plusieurs jours.

   Au milieu de la plage, j'aperçois une forme sombre avec les cheveux au vent, fixant la mer et le coucher de soleil. Sûrement Jessica. A coté d'elle est disposé un gros tas de bois construit comme les bûchers faits pour les défunts à l'époque médiévale. Une fois la voiture arrêtée sur la plage, Jessica, qui nous avait reconnu de loin, se dirige vers nous d'un pas lent et mal assuré, la mine complètement défaite. Je sors de la voiture, Thalia à mes côtés pour la rejoindre.

   Jessica s'arrête quelques mètres avant que nous arrivions à elle. Elle tente un regard derrière elle, soupire profondément et se reprend.

   - J'ai essayé de lui faire quelque chose de bien, dit-elle d'une voix cassée. On lui devait bien ça.

   Après une petite hésitation, elle fouille dans la poche de son jean pour en ressortir un zippo classique. Elle me tend alors le briquet, la mine grave.

Bloodshed Tome 2 : SacrificeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant