Bloodshed Tome 2 : Sacrifice

Chapitre 11 : "Un passé qui me hantera toute ma vie"

   Je ne réfléchis pas et cours le plus vite possible en direction du trottoir où se trouve Angela, qui essaie en vain de repousser le Damné. Celui-ci referme sa main autour de son couteau ensanglanté et attrape la cheville de la femme sans défense.

   Avant qu'il puisse aller plus loin, je lui saute dessus et le plaque au sol sans détacher ma prise ne serait-ce qu'une seule fraction de seconde. Je connais la force des Damnés mieux que personne, et je peux dire que ceux de Wilkins sont "améliorés", à en juger par la ténacité de celui-ci . Mais j'ai presque oublié que je suis humain...

   Le garçon me donne un violent coup de tête dans le nez sans véritable effort, me faisant voltiger par dessus une poubelle, laquelle tombe avec moi sur le goudron. J'ai à peine le temps de ma redresser sur mes coudes que mon assaillant m'attrape par le col du T-shirt et me tire en arrière. Avant de tomber, j'attrape la poubelle et la balance sur le Damné, même si je pense que ça l'a plus énervé qu'autre chose. Mais il faut que je profite de cette seconde. Alors je roule sur moi-même et m'empare du couteau recouvert de sang frais et me relève d'un bond. Je m'apprête à le lui planter dans l'abdomen, mais mon cerveau refuse de me laisser faire.

   Pris de colère, le Damné jette la poubelle à travers la rue qui vient briser la devanture du magasin d'en face, déclenchant davantage de cris de paniques. Il se dresse maintenant devant moi, les sourcils froncés, ses yeux noirs pénétrant mon esprit, me rappelant avec dégoût et effrois ce que je fus autrefois. Il est là, juste devant moi, et je m'apprête à le tuer. A tuer un innocent de plus.

   C'est vrai, il n'a rien demandé, lui. Il menait une vie tout à fait normale avant de se faire capturer par Dayton Inc. et de subir les effroyables expériences de Wilkins. Pourquoi devrais-je le tuer ? Il est complètement innocent. Mais il a assassiné une petite fille de six ans de sang froid et s'apprête à me tuer moi aussi, ainsi qu'Angela et Dieu sait encore combien de gens.

   Que faire dans cette situation ? Comment réagir ?... Je n'ai pas le choix, je dois mettre mes sentiments de côté pour cette fois, même si cela me demande un effort considérable.

   - Qu'est-ce que vous attendez ? crie Angela derrière moi, une cicatrice recouvrant sa joue droite, sûrement due à un éclat de verre.

   J'esquive l'uppercut de mon assaillant, resserre ma main autour du manche et ferme les yeux au moment où la lame s'enfonce dans la chair du pauvre garçon. Lorsque je les rouvre, je peux facilement voir la rage que celui-ci tente de déverser sur moi, le pouvoir prenant le dessus sur lui, comme il le faisait avec moi à chaque saignement.

   Je retiens mon souffle en retirant la lame et sens la prise de mon adversaire se desserrer à chaque seconde, jusqu'à ce qu'il tombe sur les genoux. Du sang coule abondamment de sa bouche et de sa blessure. 

   Il tombe alors sur le flan, ses yeux ouverts retrouvant la couleur bleue du garçon innocent qu'il fut auparavant. Je sens les larmes me monter aux yeux et le temps semble s'arrêter autour de moi. Combien de gens ai-je tué ? Combien devrais-je encore en tuer ? Pourquoi fais-je encore partie de ce monde si cruel qui ne me montre rien d'autre que les ténèbres autour de moi ? En quoi suis-je supposé croire ?... Même si je réussis à éliminer Wilkins, qu'en sera-t-il après ? Mon passé ne pourra jamais s'effacer. Jamais... Il me rattrapera à chaque instant et chaque jour qui passera. Que suis-je supposé faire après ? Retourner au lycée, faire ma vie avec Thalia, avoir des enfants, devenir agent du FBI ? Comment vais-je réussir à vivre avec un tel fardeau. Des gens morts par ma faute... Je pense notamment à ma mère. Et ce n'est pas fini.

   Un passé qui me hantera toute ma vie... Je ne sais même pas à quoi je sers actuellement, à part faire du mal autour de moi, je ne fais rien de bon ! Alors pourquoi ?... Pourquoi moi ? Pourquoi la vie s'acharne-t-elle sur moi ?

   Les gémissements d'Angela me ramènent à la réalité. Je remarque que j'ai pleuré, et je m'essuie du revers de la main avant de me diriger vers Angela, laquelle me repousse brusquement le bras.

   - Angela...

   - Laissez-moi !

   Tout en pleurant à chaudes larmes, la pauvre femme rampe jusqu'au cadavre de sa fille, étalé sur le trottoir. Au loin, une explosion retentit, faisant à nouveau trembler le sol. 

   - Derek !

   Thalia accourt vers moi et m'empoigne le bras.

   - Ils se rapprochent, dit-elle. Dépêche-toi !

   - Attends, je ne pars pas sans Angela.

   - Qui ?

   J'ignore sa question et m'agenouille à côté de la mère, ses larmes inondant le pull violet de sa fille.

   - Angela, nous devons partir. D'autres arrivent, vous ne pouvez pas rester là.

   Celle-ci rugit de colère et se tourne vers le Damné allongé à un mètre de là pour le rouer de coups.

   - Pourquoi ? hurle-t-elle. Pourquoi t'as fait ça, enflure !

   Soudain, une ombre passe à côté de moi et je vois la lame d'un couteau scintiller grâce aux rayons du soleil. Un autre Damné se dresse devant nous, suivit de deux autres qui massacrent des gens au passage.

   J'attrape Angela par les aisselles et la relève tandis que Thalia abat son poing sur le crâne du Damné, lequel chancelle avant de tomber sur des débris de verre.

   - Grouille-toi, bon sang !

   Après un vilain coup de pied dans les côtes au garçon déjà à terre, ma copine m'aide à soutenir Angela qui semble anéantie, presque morte.

   - Vite ! appelle Jared depuis le bus.

   Je pose ma main sur la porte du véhicule et pousse Thalia et Angela à l'intérieur. Avant de monter, je risque un coup d'œil dehors et regrette aussitôt mon geste. Des dizaines de Damnés s'engouffrent dans la rue d'un pas assuré tandis qu'une foule impressionnante de gens courent dans la direction opposée, certains tombant comme des mouches suite aux coups violents des soldats.

   - Putain de merde... murmure Jared.

   - Marche arrière, grouille-toi !

   A peine ai-je fini ma phrase qu'un projectile vient briser le pare-brise du bus, me faisant tomber lourdement dans l'allée entre les sièges.