Chapitre 29 : La maison

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Thalia 



   Le voyage à pied est long et je maudis vraiment Derek d'avoir pris le Rover avec lequel nous n'aurions pas pris une journée mais quarante minutes pour arriver à cette fameuse maison. Qu'est-ce qu'il lui a pris de faire ça ? Comment je suis censée l'aider ? Ou ne serait-ce que savoir où il est allé... je suis complètement perdue.

   Jessica, Kayla, Zach et moi nous relayons pour porter Brad qui paraît de plus en plus mal. Angela a bien proposé de nous aider, mais nous voulons lui laisser un peu de temps pour digérer tout ça. Alors elle est toute seule dans son coin derrière nous tous, se lamentant sur son sort.

   - Franchement, souffle Kayla. Pourquoi on ne fait pas de stop ?

   - T'es marrante, hein ? rit Zach. Pour la seule et unique raison qu'on peut tomber sur n'importe qui, et ce n'importe qui pourrait s'avérer être...

   - Ouais, c'est bon, j'ai compris.

   - C'est toi qui a posé une question débile, je te signale. 

   - Quand est-ce qu'on arrive, bon sang ?

   - C'est là, répond Zach en montrant du doigt une maison typique isolée avec une vieille grange à ses côtés.

   Au loin, la ville de Maracaibo rayonne dans le crépuscule déjà présent.

   - On a bien marché, continue notre guide. On y est arrivé.

   Nous traversons la route avec prudence. Le regard de certains automobilistes traduit leur inquiétude en apercevant une petit groupe de personnes égarées, du sang et de la saleté recouvrant leurs vêtements.

   La maison, tout à fait banale, est entouré d'un petit grillage avec un portail rouillé par le temps. Elle semblait beaucoup plus petite à première vue. En fait, la première pièce dans laquelle nous rentrons, un coin télé avec une magnifique cuisine ouverte, est plutôt impressionnante. Zach me rend sa barrette à Angela qu'il a utilisé pour crocheter la serrure de la porte, puis referme celle-ci, satisfait.

   Jessica allume la télévision à l'aide de la télécommande posée sur le meuble tandis que je reste prostrée en plein milieu comme une pauvre cruche.

   - Tu es sûr que les propriétaires ne vont pas venir ? demande Kayla en inspectant le grand salon.

   - Ils ne viennent jamais à cette période de l'année, explique Zach. Etant donné que les Etats-Unis et d'autres pays d'Amérique sont en guerre et que tout le monde tente de les fuir, je ne pense pas qu'ils aient vraiment envie de prendre des vacances sur ce continent. Ils doivent déjà avoir quitté les Etats-Unis, d'ailleurs. De toute façon je les connais, je pourrais toujours négocier.

   Il monte les escaliers pour se rendre à l'étage. Angela quant à elle s'assied sur un fauteuil, désemparée.

   - Hé, ai-je tenté de la rassurer avec un main sur l'épaule. Vous allez bien ?

   Pour toute réponse, la jeune femme regarde ses pieds, le regard vide.

   - Il y a deux jours encore j'étais chez moi avec ma fille à regarder les dessins animés. Aujourd'hui, je me retrouve avec... vous... (grimace) Vous êtes très gentils, ce n'est pas le problème... enfin, je n'en sais rien en fait, mais... (elle prend sa tête à deux mains) Je suis complètement perdue.

   - Après tout ce que vous venez de subir, il est tout à fait normal que vous vous sentiez... mal.

   Elle pleure et serre fortement son pendentif en forme de crucifix. Ce n'est certainement pas en demandant l'aide de Dieu que tout s'arrangera. Mais bon, si ça peut la réconforter.

   - Et je tenais à vous dire que... je suis désolée pour votre fille, ai-je dit avec un ton le plus doux possible.

   Toujours la tête baissée, la femme soupire entre deux sanglots, faisant couler ses yeux de plus bel.

   - Elle était tout pour moi. Je l'ai perdue d'un claquement de doigt, dans une violence telle que l'on n'en voit qu'à la télé. J'ai pris sur moi jusqu'à maintenant, mais là... je n'y arrive plus.

   - Ils parlent des Etats-Unis, annonce Kayla, le regard fixé sur l'écran plat en face du canapé. C'est l'horreur...

   Angela a un sursaut, puis elle essuie ses joues d'un geste brusque avant de renifler.

   - Si vous le voulez bien, je vais prendre une chambre et aller me reposer.

   - Bien sûr, ai-je confirmé. N'hésitez pas si vous avez besoin de quelque chose.

   D'un pas lourd, la jeune femme se dirige vers les escaliers, livide. Zach descend quelques instants plus tard, visualise les lieux et se met à fouiller la cuisine.

   - Qu'est-ce que tu fais ? ai-je demandé, incrédule.

   - Bingo, sourit Zach en sortant trois bouteilles d'eau d'un placard. Quelle chance... Je vais aller à Maracaibo pour faire quelques courses. 

   - Tu n'as pas d'argent...

   - Ne t'inquiète pas pour ça, va. La ville est à deux kilomètres environ. Le temps de trouver ce qu'il faut, je devrais être de retour dans une heure ou deux.

   - Mais nous, qu'est-ce qu'on fait, alors ?

   Zach boit une grande gorgée d'eau avant de me tendre la bouteille en plastique que j'accepte volontier. Je n'avais pas remarqué à quel point la soif me rongeait depuis notre départ. Nous avons fini nos réserves la veille. La survie est quelque chose de difficile...

   - Tâchez de rester en vie, reprend Zach. Si vous voulez vous reposer, deux d'entre vous doivent impérativement rester éveillés. Un dans la maison, l'autre surveillant l'extérieur de temps en temps. Nous avons très bien pu être suivis, nous n'en savons rien. Alors soyez prudents, et veillez bien sur Brad. Je verrai si je trouve une pharmacie.

   - OK, et qu'est-ce qu'on fait si tu ne reviens pas ? 

   Le jeune homme soutiens mon regard, mais ne répond rien. C'est vrai, je ne sais absolument pas ce que nous pourrions faire s'il ne revenait pas. J'ai toujours su prendre des initiatives à l'entraînement, mais en temps réel dans un situation pareille, c'est beaucoup plus compliqué de réfléchir correctement et de prendre la bonne décision.

   Il s'empare du sac de randonnée vide et d'une bouteille pleine avant d'ouvrir la porte avec prudence.

   - Et après ? ai-je fait en laissant retomber mes bras le long de mon corps. Qu'est-ce qu'on est supposé faire, après ?

   Zach me dévisage longuement avant de passer le pas de la porte.

   - Ne prenez aucun risque, dit-il simplement en faisant claquer la porte derrière lui.

   C'est avec un long soupir d'exaspération que je me dirige vers Brad, allongé sur le canapé, sa poitrine se soulevant rapidement. Je le fais boire avec douceur et me laisse glisser le long du meuble. Je ne sais pas combien de temps Brad va encore tenir. Je ne sais pas si Zach va revenir. Je ne sais pas où Derek est allé, ni s'il est encore en vie d'ailleurs. En fait, la situation n'a encore jamais été autant désespérée.

Bloodshed Tome 2 : SacrificeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant