D'Ombre et de Lumière

Partie III : 23) Imprévu

Almeda Boot aspergea son visage d'eau, dans une maigre tentative de se redonner de l'énergie. Posant ensuite ses mains fraîches et tremblantes sur le bord du lavabo, elle releva la tête et se regarda dans le miroir. Pâle. Cernée. Tremblante. Épuisée, finalement. Elle l'avait pressenti dès le départ, que ce blessé allait mourir. On ne recouvrait pas aisément des blessures d'un Occamy, créature habituellement calme jusqu'à ce qu'on ne fasse que s'approcher de sa portée. Ce genre de créature dangereuse était revendu au prix fort au marché noir, et cet imbécile avait cru malin de tenter de voler un œuf.

Tout ça car le malheureux avait des soucis d'argent. Voilà ce que le désespoir poussait certaines personnes à faire...

L'infirmière se trouva tout à coup à penser à son mari, toujours à Azkaban. Pourquoi ne s'étaient-ils pas déjà séparés, d'ailleurs ? Ah, bien sûr. Ils avaient un fils. Brillant à l'école, charmant avec son entourage, Almeda était fière de lui. C'était bien la seule lueur de lumière dans sa vie grisonnante.

Heureusement, Terry n'était pas encore retourné à Poudlard. Non, il restait plusieurs jours avant que sa mère ne soit contrainte de le laisser aux mains d'un vieillard qui ne lui inspirait pas confiance. Albus Perceval Wulfric Dumbledore. Un sacré nom. Un sacré bougre. Personne ne connaissait vraiment le directeur de Poudlard. Et Almeda était obligée de lui faire confiance pour que son fils puisse faire des études. Il y avait bien sûr l'option Beauxbâtons, qui n'était pas si éloignée. Mais il y avait un coût, et Almeda n'avait tout simplement pas les moyens de voyager puis de louer un luxueux appartement dans le sud de la France. La crise immobilière passait aussi par le Monde Magique.

Elle força un sourire sur son visage, puis se détourna du miroir. Le sourire, l'une des choses que son fils arrivait le mieux à feindre. Almeda le voyait tout le temps, et l'avait depuis longtemps interprété. De l'inquiétude, de l'hésitation. Ses émotions n'étaient jamais au repos, quand lui-même ne ressentait rien de spécial, il éprouvait la colère, le désespoir des autres. Un véritable aimant à mauvaise humeur. Il fallait faire avec.

Almeda ouvrit brusquement la porte menant sur le couloir, faisant sursauter le concierge qui passait devant. Pauvre chose. L'uniforme de Sainte-Mangouste était trop serré pour lui. Et c'était un Cracmol. Il fallait aussi ajouter qu'il était muet. Personne n'avait pris la peine de l'aider. Almeda soupira brièvement puis agita sa baguette dans la direction du concierge. Un soulagement apparu instantanément sur le visage de l'homme, qui lui adressa un sourire de gratitude. C'était bien le seul à le faire sincèrement, en ces lieux.

Et avant qu'Almeda n'ait pu laisser croire au malheureux qu'elle se fichait du moindre signe de gratification, une alarme retentit. Pas n'importe quelle alarme. Pas celle pour une nouvelle arrivée aux urgences. Pas celle pour une inspection du Ministère -même si ce foutu Fudge n'hésitait pas à les faire paniquer.

Almeda se rua vers l'ascenseur, où s'engouffraient également d'autres infirmiers. Elle aurait trouvé la scène cocasse si l'alarme n'indiquait pas un message aussi inattendu. Les portes de l'ascenseur se refermèrent, il y eut une secousse, puis elles s'ouvrirent à nouveau. Certains collègues l'avaient devancée, mais c'était elle la chef de son service. Elle jeta un regard noir à une de ses subordonnées qui avait lâchement tenté de la doubler. Sale garce.

Elle arriva après ce qui lui parut un instant infini devant le chevet de la personne. Celle-ci, celle-là, oui oui. La seule et l'unique.

Le patient s'agitait férocement dans son lit défait. Il donnait du fil à retordre aux quatre personnes penchées sur lui, qui l'observaient comme un rat de laboratoire. Almeda était bien tentée d'utiliser la magie pour calmer l'alité, mais interdiction formelle. Elle s'approcha de l'armoire proche, l'ouvrit brutalement, sortit une seringue déjà toute prête.