44) Tu te fiches de nous

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Des bruits de marteau faisaient échos à travers le château. Rusard avait arrêté de compter le nombre de décrets qu'il avait placardé depuis son réveil ce matin-là. Il ne savait pas comment les élèves étaient même censés être au courant des nouvelles règles, puisque celles-ci décoraient de long en large le mur imposant. De nombreux élèves lui jetaient un regard intrigué, mais passaient sans rien dire. Certains s'arrêtaient pour lire quelques décrets, mais abandonnaient vite leur tâche.

Lorsque Leo et Enaël passèrent main dans la main, le plus âgé insista pour examiner les décrets avec attention. Un texte attira particulièrement son attention. Celui-ci prohibait le rapprochement physique entre deux individus de sexes opposés. C'était une interdiction ridicule, et Enaël n'imaginait pas un seul instant qu'elle allait être respectée.

C'était sans compter Ombrage le tyran, dont les griffes acérées s'accrochaient à la baguette. D'un geste, elle séparait les fauteurs de trouble. D'une parole, elle réduisait les points d'une Maison.

Lorsqu'elle vit deux élèves masculins dans une étreinte douteuse, ses sourcils se haussèrent et elle lança hargneusement :

- Tiens, tiens, Messieurs Potter et Delacour, cachés derrière une tapisserie, un abri digne de tromper même le plus vigilant des gardes.

Les deux élèves se séparèrent et la regardèrent avec un mélange d'irritation et de dégoût. Peu importait, elle avait l'habitude.

- Je sais que mon décret contient des failles, continua la sous-secrétaire d'État, mais cela ne signifie pas que vous devriez les exploiter.
- Si vos règles avaient du sens, je les comprendrais et tout le monde les appliquerait, répondit Enaël.

Leo le fixa avec stupéfaction. Enaël avait réellement changé. Ombrage plissa les lèvres puis siffla :

- 20 points de moins pour Poufsouffle, et une retenue par semaine pour vous. Interdiction pour M. Potter de vous accompagner.
- Vous avez une dent contre nos sentiments j'ai l'impression, dit Leo.
- Des sentiments ? s'esclaffa Ombrage. Entre deux garçons ? Ne soyez pas ridicules. 50 points de moins pour Serdaigle, et une retenue par soir pendant une semaine.
- J'ai déjà des retenues cette semaine, informa glacialement Leo. Avec vous.
- Effectivement, j'avais oublié, minauda l'horrible femme. Dans ce cas, je ne vois aucun inconvénient pour que nous les prolongions d'une semaine.

Elle leur adressa un dernier sourire, puis continua son chemin.

Quelques heures plus tard, lorsque Enaël entra dans les serres, il vit qu'Ombrage était présente aux côtés du professeur Chourave. Cette dernière souriait comme d'habitude et démarra le cours :

- Bonjour à vous tous, aujourd'hui nous allons nous pencher sur le cas des...
- Hum hum, l'interrompit Ombrage.

L'enseignante de Botanique se tourna vers elle, le sourire feint, et s'assura :

- Vous allez bien ?
- Continuez, ce n'est rien, fit mine de s'excuser Ombrage.
- Ah, fit sa collègue sur l'air de "Dommage". Bien, dans ce cas, intéressons-nous aux...
- Hum hum.

Enaël aurait pu jurer avoir vu son professeur lever les yeux au ciel. Lorsqu'elle s'adressa à Ombrage, Pomona Chourave avait un ton légèrement irrité :

- Je ne vais pas pouvoir faire cours si vous ne cessez de m'interrompre.
- Vous n'avez pas vérifié les élèves présents, dit bien fort Ombrage avec un sourire de requin.
- Ils n'ont aucune raison de vouloir échapper à mes cours, affirma Chourave d'un ton qui n'admettait aucune réplique.

Dolores Ombrage eut l'air violemment contrarié, et sa collègue reprit avec un sourire naturel :

- Ces arbrisseaux auto fertilisants que vous avez, pour la plupart, étudiés l'année passée, ont de nouvelles propriétés à vous offrir. Examinez-les selon la méthode que je vous ai enseigné avant-hier, et n'essayez pas de consulter vos manuels. Ils sont inutiles.

D'Ombre et de LumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant