Chapitre V

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J'ai été convoquée à peine trois heures après mon « départ » de cours. Le directeur de l'asile -enfin du "pensionnat"- a demandé à me voir, afin de discuter de ma scolarité. Soi-disant, de ma scolarité. Je crois que tout l'internat se moque de moi en cet instant, sachant que je dois pleurer de stress. 

Mes mains sont moites, des frissons d'angoisse parcourent mon corps tandis que je me liquéfie doucement sur la chaise en cuir marron, le dos collé au mur. À quelques centimètres de moi, la grande porte blanche avec la plaque "Directeur Général T. Wilson" m'observe, me juge, se moque de mon air pâle et de mon corps frêle, remarque mes cernes masqués tant bien que mal par du fond de teint ainsi que les bleus, eux aussi dissimulés sous cette crème à la teinte deux fois plus claire que ma peau. 

La poignée se met en mouvement et tout mon corps se fige. Ma respiration s'arrête, ma gorge s'assèche et mes jambes tremblent tandis que la porte s'ouvre d'un coup, dévoilant un visage sévère, avec deux yeux d'un bleu glacial et des cheveux blonds parfaitement coiffés. Cet homme fait peur. Je me lève et m'avance timidement vers lui. 

Sans un mot, il retourne à son bureau et j'entre, fermant la porte derrière moi. Puis, mes yeux se posent à nouveau sur monsieur Wilson, détaillant sa carrure imposante sous sa blouse blanche, son air impassible tandis que je m'approche du seul siège disponible. Ses yeux me suivent à la manière de la Joconde de De Vinci, ce qui a le don de me mettre mal à l'aise. Un tout petit sourire s'installe sur mes lèvres tandis que je rassemble les dernières forces pour murmurer un : 


— Vous vouliez me voir Monsieur ?

Une quinte de toux sort de ma bouche immédiatement après, ce qui m'arrache une grimace. Ma gorge sèche est désormais douloureuse. Le stress n'a jamais eu un très bon effet sur moi, il faut croire. Et la tête de cet homme ne fait que renforcer mon stress. On dirait un peu Pennywise, dans le roman de Stephen King. Mais sans le maquillage de clown. 

Monsieur Wilson sourit à pleines dents, le genre de sourire "film d'horreur" avant d'avancer son buste vers moi. Séparés par son impressionnant bureau en hêtre, ses yeux me scrutent, cherchant quelque chose qu'il ne semble visiblement pas trouvé, car rapidement, son dos revient frapper le dossier de sa chaise. Il ne dit rien, pendant plusieurs secondes, laissant la tension monter au maximum dans son grand bureau.

Clairement, à chaque seconde qui passe, j'ai de plus en plus envie de prendre mes jambes à mon cou et m'enfuir le plus loin possible de cette salle. L'angoisse me tort le ventre. Et malgré tout, je ressens un tout petit peu de calme commencer à m'envahir, presque malgré moi. Comme si quelqu'un m'envoyait son calme.


— Mademoiselle Green, on m'a reporté que vous commenciez à manquer de respect envers vos professeurs. Apparemment, vous auriez bâillé et pleuré en plein cours, sans aucune raison. Ai-je tort ?

Sa voix est dure et m'intimide beaucoup. Incapable d'aligner deux mots cohérents, je me contente de secouer la tête de gauche à droite. Je n'ai pas le courage de me défendre contre un homme de cette carrure. Je n'aurai pas dit deux mots que déjà, il m'aurait renvoyés ! Madame Henoch me rendrait à l'Orphelinat et je finirais à la rue, comme tous les enfants "non voulus"... Je devais encore tenir quelques mois, le temps que j'atteigne mes dix-huit ans, que je puisse vivre de mon côté.

— Vous comprenez que dans ces conditions, je ne peux pas vous laisser continuer. Vous mettriez en péril vos études et votre futur. Vous en êtes consciente ? Annonce-t-il d'un ton presque solennel.

Je me mords la lèvre inférieure.

— Oui Monsieur.

Monsieur Wilson se lève, me tournant le dos. Il est désormais face à son impressionnante bibliothèque, sur laquelle trône des livres rares et anciens. Son doigt semble effleurer quelque chose et un rictus s'élève dans la pièce. Mes doigts serrent les accoudoirs du siège jusqu'à ce que les phalanges deviennent blanches. Cet homme n'est vraiment pas net. La peur me cloue sur ce fichu fauteuil, mon cœur s'accélère et je peux sentir l'adrénaline pomper dans mon sang. J'ai envie de fuir, mais physiquement, c'est impossible.

— Croyez-vous aux monstres, Mademoiselle Green ? Demande Monsieur Wilson, le plus sérieusement du monde.

Je fronce les sourcils, surprise par la question. Aux monstres ? C'est-à-dire ? Aux gens capables de choses affreuses, ou aux monstres des contes de fées ? Ma salive se fait rare dans ma bouche et ma gorge sèche commence à me faire mal. Quel que soit ce qui sort de sa bouche, cet homme est tout bonnement terrifiant.


— Tout dépend de la définition de ce mot Monsieur, je hasarde, essayant de ne pas dire d'âneries.

Le Directeur éclate de rire, ce qui me rend encore plus confuse et terrorisée qu'avant. Qu'ai-je fait de mal ? Visiblement, ce n'était pas la réaction qu'il attendait de moi. Mais quel genre de réponse puis-je donner à une question comme celle-ci ? Les monstres n'existent pas, donc pourquoi y croire ? Hormis pour Halloween, afin de peur aux petits enfants, croire aux monstres n'a aucun sens.

— Ta race, ta famille, toi-même... Vous n'êtes pas digne de tels pouvoirs, murmure Monsieur Wilson.

Sur cette phrase des plus intrigante, le directeur se tourne finalement vers moi et je découvre avec horreur ses yeux, désormais jaunes. Comme paralysée, je suis incapable de détourner les yeux. Il s'avance vers moi lentement, presque au ralenti. Mon cœur bat toujours aussi vite, je sens la sueur couler le long de mon dos. 

Un rictus terrifiant s'installe sur les lèvres de Monsieur Wilson. Je parviens à baisser le regard, pour découvrir dans sa main une sorte de couteau à double lame. Il s'amuse à le faire tourner entre ses doigts, m'hypnotisant totalement, mes yeux suivant chaque mouvement de cette danse étrange. Mon souffle se bloque une nouvelle fois dans ma gorge, plus aucun muscle ne tremble. Son rire résonne à nouveau dans son cabinet et je ferme les yeux, attendant le coup fatal.

Pourtant, à peine mes yeux se ferment-ils que le son s'estompe. Je n'entends que ma propre respiration, mon cœur qui bat à la chamade. Ma tête se met à bourdonner, de plus en plus fort, jusqu'à ce que la douleur soit intenable. Pour la deuxième fois en quelques heures, mes mains se plaquent contre mes tempes tandis qu'un cri suraigu sort de ma bouche. 

Cette fois, je parviens à ouvrir les yeux en hurlant, fixant Monsieur Wilson. Son nom retentit dans ma tête, presque aussi fort que les bourdonnements, tandis que nos regards s'entrechoquent. Son sourire s'efface, ses yeux s'écarquillent et le couteau tombe au sol. Ses beaux cheveux blonds virent au blanc et ses mains se posent sur ses oreilles. Il finit par tomber à genoux puis rouler sur le sol, en proie à une douleur énorme. Je peux le voir vieillir à une vitesse accélérée, presque au rythme des battements de mon cœur, qui est à deux doigts de me lâcher pour de bons.

Quand tout s'arrête, je ne perds pas une seconde de plus et cours hors de la pièce et en ouvrant la porte blanche à la volée, je me heurte à la seule personne que je voulais voir : Aoile. Cette dernière a de nouveau les yeux pratiquement noirs et me fixe à peine. Émane d'elle une rage si forte qu'elle me terrifie encore plus. Ses beaux cheveux blonds sont relevés en une tresse serrée, ne laissant presque pas apparaître ses mèches roses. 

Elle me laisse en plan pour entrer dans le bureau du Directeur Général. Je m'écroule au sol, incapable de tenir plus longtemps. Qu'est-ce qui vient de se produire ? Ses yeux étaient jaunes, ce n'est pas naturel ! Ses cheveux sont devenus blancs quand j'ai crié, pourquoi ? Comment Aoile m'a-t-elle trouvé ? Mes jambes sont en coton, je ne les sens plus. Mon dos est collé au carrelage, mes cheveux sont éparpillés autour de ma tête et la fatigue me gagne. 

Mon cœur commence doucement à ralentir, je peux sentir la sueur coller mon pauvre haut à mon dos. Mes yeux se ferment une nouvelle fois et des images du directeur défilent dans ma tête. Des images de son enfance jusqu'à maintenant. La dernière image me serre le cœur et je me retiens de vomir en voyant ses yeux ouverts, fixant le vide, tandis que son précieux couteau est enfoncé profondément dans son crâne. La porte claque une nouvelle fois. Je l'entends en sourdine, tout comme les bruits de course qui s'approche. Je sens deux bras me soulever, l'un passant autour de ma taille et l'autre tenant ma nuque.


— Sam ? Sam, tu m'entends ? Bordel Sam, résonne une voix inquiète dans ma tête.

Mes yeux s'ouvrent difficilement pour se plonger dans ceux de nouveauté argentés d'Aoile avant que mon corps me lâche. Et tout s'éteint.

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Dure journée pour notre petite Samantha... 

Qu'en pensez-vous ? Enfin un peu d'action ! Mais qui était ce fameux Directeur ? Pourquoi semblait-il hostile à Sam ?


Comment Aoile a-t-elle eu où Sam était ? Qu'a-t-elle fait à Monsieur Wilson ?Qu'avez-vous penser de Sam ? Un nouveau cri qui l'a bien épuisée... A moins que ça ne soit le choc ? Comment va-t-elle réagir ? Pensez-vous qu'elle va vouloir creuser la piste du surnaturel ?Allez, dites-moi tous vos pronostics ! 


L'histoire commence doucement, je sais, mais là on a quand même un gros coup de boost ! À voir où cela va mener notre pauvre Samantha !

Les Chroniques d'Idan (tome 1) : La Dernière BansheeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant