Chapitre XVI

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Le temps semble être figé tandis que mes pieds suivent le chemin tracé par ceux d'Aoile. Sans vraiment y prêter attention, je passe devant des bureaux, agencés à peu près comme ceux que l'on peut trouver à Paris, dans lesquels travaillent plusieurs personnes. La seule différence qu'ils ont avec de vraies personnes, c'est la couleur rouge de leurs yeux. En passant devant certains bureaux, je remarque que quelques-uns me regardent. Serait-ce de l'envie, ou du mépris que je discerne dans leurs yeux sanglants ? Sur chaque porte de bureau est inscrit le département dans lesquels ils travaillent, mais je suis trop choquée pour en comprendre le sens. Aoile est une Princesse. Ça encore, j'aurai pu m'en remettre, ça a un côté enfantin, un peu Disney, tout mignon. Mais Princesse des Enfers ? C'est un peu trop pour ma pomme. Sérieusement, elle règne sur un royaume de souffrance et de torture, rien que d'y penser ça me soulève le cœur ! On est loin du côté girly des Disneys et plus proche des films d'horreur.

— Il est assez occupé en ce moment, croyez-vous que c'est une bonne idée de... tente l'un des garçons qui nous ont accompagné jusqu'ici.

Sortant de mes pensées, j'observe Aoile à la dérobée. Son regard méprisant pour ce pauvre jeune homme qui m'inspire plus de sympathie que tout à l'heure, quand il tentait de... De quoi au juste ? De me faire peur ? Maintenant​, il ressemble plus ou moins à un chiot apeuré. S'en ai ridicule. Quel genre de réputation peut avoir Aoile ici-bas pour causer ce type de réaction ? Je crois que je préfère ne pas savoir.

— Je pense que je peux gérer mon père sans tes remarques, tanche froidement Aoile.

Sans un mot de plus, les deux jumeaux s'évaporent. Littéralement. Je cligne deux fois des yeux, cherchant par tous les moyens un endroit où ils pourraient s'être cachés ou enfuit, mais rien. Ils se sont juste...dissous.

— Sam ? Intervient la blonde devant moi.

Pour la première fois depuis que nous sommes ici, Aoile s'adresse directement à moi. Elle essaye de jauger ma peur ou ma colère, je ne sais pas vraiment quels sentiments avoir à ce moment précis. Je suis en Enfer et je m'apprête à rencontrer Lucifer lui-même. Je crois que c'est de la peur. Et même si elle ne dit rien, je sens émaner d'elle une aura de nervosité assez impressionnante. Je ne sais pour quels motifs elle est partie, mais elle ne souhaitait visiblement pas revenir de sitôt.

— Oui ? Je réponds, assez stupidement.

Je n'ai aucune idée de quoi dire. Quel mot, quelle phrase permettrait de soulager à la fois ma peur et sa nervosité ? On parle de Lucifer, l'ange déchu, tombé sous la sentence de Dieu lui-même pour avoir refusé d'adorer les humains. Autrement dit, pas le genre de père que tu présentes à tes amis. Et je n'ai aucune envie de le rencontrer. Vraiment pas. Sans attendre une quelconque confirmation de ma part, Aoile pousse la porte du bureau devant lequel nous étions arrêtées. Je ne remarque que maintenant le mot "PDG" écrit dessus, assez sobrement. Trois simples lettrines blanches sur une porte en bois poli. Rien d'extravagant en sommes, comparé à la porte du Directeur Général à Sainte-Catherine. Après une hésitation de quelques longues minutes, c'est finalement Aoile qui m'attrape le bras et m'attire à l'intérieur. Mon cœur déjà au bord de l'arrêt, explose lorsque je franchis la ligne qui sépare le couloir du bureau. Mon stress est maximal, je dois sentir la transpiration jusqu'au premier étage... Intimidée, je me cache un peu derrière mon amie, beaucoup plus sereine que moi. Je découvre d'un œil attentif le bureau de métal, sur lequel trône un ordinateur portable dernier cri et un mug "Best Dad Ever" bleu.

— Il n'est pas là, soupire Aoile, que je devine malgré tout amusée de ma timidité.

Avec un petit soupir, je sors de derrière son dos et elle m'entraîne vers la petite table au fond du bureau. Depuis les baies vitrées, je peux observer un paysage totalement différent. L'immeuble est-il si grand qu'il cache tout ceci ? Mes yeux s'ouvrent en grand que je vois toutes ses magnifiques maisons, ainsi que quelques monuments d'une architecture spectaculaire et à couper le souffle. Une sorte de réplique de Paris, sans Tour Eiffel ni Louvres. D'ici, on peut voir de la fumée sortir de quelques cheminées, ainsi que les passants dans les rues, qui ressemblent plus à une masse indistincte. On discerne facilement une réplique du Grand Palais, ainsi que quelques boutiques aux enseignes colorées. Il y a même des feux tricolores et des voitures sans plaques d'immatriculations qui circulent dans des zones réservées ! Ébahie devant ce spectacle, je rapproche ma chaise des vitres pour en voir plus. Mes yeux n'ont jamais assez de toutes ces couleurs et toutes cette diversité, au point d'en oublier où je suis.

Les Chroniques d'Idan (tome 1) : La Dernière BansheeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant