Les Chroniques d'Idan (tome 1) : La Dernière Banshee

Chapitre XXXIII

Mes muscles se tendent, prêt à partir à l'attaque devant la muette terreur dans les iris de Thomas. Un peu comme une panthère, je ressens la panique et la détresse dans le regard de mes amis. Ma gorge s'assèche tandis que mes muscles sont au bord de la rupture. Sauf dans les yeux d'Aoile, qui ne montrent rien d'autre qu'une colère sourde et destructrice, nous exprimons tous une peur sourde mais motivante. Aucun de nous n'a besoin de parler, nous ressentons l'adrénaline gonfler nos égos et d'un seul coup, nous sommes invincibles. Nous ne laisserons personne mourir sans combattre dignement. Mes derniers doutes sur mes capacités s'envolent, remplacés par cette adrénaline dont j'avais tant besoin. Derrière Hector, je vois passer Dylan et Eloeiz sous leurs formes animales. Avec toute la grâce d'un dragon, le jeune homme envoie une gerbe de flammes embraser la lisière des arbres, qui forment aussitôt une sorte de ligne de défense. Autour de nous, les habitants apeurés se barricadent, tandis qu'un message audio résonne dans ce chaos. Une voix féminine que je ne reconnais pas, mais qui fait tiquer Aoile.

— Cher Habitants d'Idan, ne laissons pas la peur envahir nos esprits. Il nous faut désormais préparer une riposte organisée et calculée, afin de ne perdre ni la partie, ni la face. Une réunion se tiendra dans le palais central dans une heure et demi, j'espère qu'un grand nombre d'entre-vous y sera. Les Bollas, Wyverns et Azizas sont demandés d'urgence à la lisière de la forêt afin de renforcer les portes qui mènent sur Idan. Les Dullahans ont peut-être passés la barrière, mais ils n'ont pas encore débarqués. Qui plus est, la fissure n'est pas encore assez ouverte pour laisser échapper un monstre du Chaos. Nous avons déjà battus des Dullahans et nous le pouvons encore, si nous partageons nos forces.

Le message s'éteint et le silence reprend ses droits. A mes côtés, Aoile ferme ses poings et ses yeux virent au rouge sang. Comme réagissant à l'appel, Thomas laisse ses yeux se vider de leurs couleurs et pour la première fois, je le vois tel qu'il est, avec ses yeux blancs. Arynn soupire tristement et je me souviens que contrairement à nous, elle n'a pas quelque chose de spécial à montrer. Dans le dos d'Aoile, ses longues ailes grises de déploient devant nos yeux et en quelques secondes, elle a disparu dans le ciel encombré par la fumée. Mon cœur se serre quand je me demande si je la reverrais. Je sais qu'Aoile ne me laissera pas tomber, mais où est-elle allée sans moi ? Arynn calme mes peurs en me prenant la main.

Dans ses yeux brillent une détermination que je ne lui connaissais pas encore. Thomas nous guide sur Idan, jusqu'au Palais dont parlait le message. En plein milieu de la ville, il se dresse comme un fort protecteur, recouvert partiellement par la fumée crée par les flammes. Je n'arrive pas à croire qu'après tout ce que j'ai pu vivre, je sois terrorisé par les flammes qui entourent désormais l'île. Savamment imaginé, en cas de problème majeur, les dragons doivent « allumer » les arbres de l'île et ainsi, garder les Dullahans, apeurés par la lumière vive, hors du centre.

Dans les rues de la ville, c'est la panique : partout, les gens courent, crient, ferment les portes et les fenêtres. Certains semblent calmes, se contentant de changer d'apparence. Ainsi, en quelques minutes, des humains deviennent mi-crocodiles aux yeux jaunes, des Sobeks. Certains deviennent des mi-faucons, des mi-taureaux et d'autres enfants de Dieux Égyptiens. D'autres deviennent des panthères argentées, comme Chloé. Cette dernière parvient à nous retrouver dans la foule, sans doute grâce à son odorat surpuissant. Dans ses yeux, je peux lire de la vengeance pure et dure et quelque part, j'ai presque peur d'elle.

Quelques personnes restent assez humaines, hormis des ailes, des griffes, des tatouages étranges qui viennent apparaître. Je garde mon calme même si mon cerveau a du mal à enregistrer ce que je découvre. Certaines espèces, comme les Azizas, les petites fées adorables, je parviens sans mal à les voir quand elles s'envolent vers la ligne de feu pour sécuriser les portes. Arynn raffermit sa prise sur mon bras et je me souviens que sa mère est une Aziza. Elle doit avoir si peur...