Un déchirement. C'est ce que je ressens à cet instant précis. Chaque respiration est douloureuse et provoque son lot de larmes. Mon cœur continue de pomper malgré la douleur qui s'infiltre pernicieusement dans toutes les veines de mon corps. Sa tête repose dans mes mains ensanglantées. Son sang de répands presque plus sur mes mains que sur le sol et je n'ai plus assez de force pour bouger. Son cœur que je croyais en ma possession, s'est arrêté aujourd'hui, quelques minutes plus tôt. Une balle, tirée d'un mousquet, l'a atteint en pleine tête. Il gît sur mes genoux, brisant mes rêves d'amour et de liberté. À présent, c'est mon tour et je bouge à peine tandis que la balle explose mon cœur fragilisé.
Je ne sais pas ce que j'ai ouverts en premier : la bouche ou les yeux ? J'aspire quasiment tout l'air de la pièce avant de comprendre que je suis vivante et que personne ne m'a tiré dessus. Ces rêves sont si réels... C'est une torture à vivre. Chaque émotion, chaque sentiment, chaque pensé de la personne concernée occupe ma tête. Nos visages se mélangent jusqu'à ce que je devienne celle dont je rêve, brisant la fine ligne entre la normalité et la folie.
— Encore un ? M'interpelle Aoile, assise sur son lit.
Je me redresse lentement, décollant mon dos des draps trempés par autant de larmes que de sueur, pour fixer la jeune femme. Ses yeux regardent le plafond, une main passée sous sa tête. Comme si elle savait que je la fixe, elle se tourne vers moi et me dévisage. Je hoche la tête de manière affirmative pour répondre à sa question. Oui, encore un cauchemar qui ruine ma nuit dans un hôtel thaïlandais miteux. Aoile continue de me fixer, visiblement intéressée par le contenu dudit rêve.
— Je me suis pris une balle en plein cœur, après avoir vu mourir mon amant. C'est grave docteur ? J'ironise, fatiguée.
Le petit poste radio de l'hôtel indique qu'il est trois heures vingt du matin, soit sept heures après notre départ de la grotte. Je suis censée y retourner avec Aoile dans deux heures et quarante minutes. Quelque chose me dit que je ne vais pas me rendormir de suite. Fichu cauchemar briseur de nuit ! Un soupir sort de ma bouche tandis que j'analyse mon cauchemar. Au moins, contrairement à un rêve classique, je peux presque le mettre sur pause et faire une analyse image après image pour en comprendre le sens. S'il y a un sens, bien sûr. Je passe une main dans ma tignasse de cheveux courts, mais épais et je rage contre les quelques nœuds qui ont le malheur de s'y trouver.
— Sam, arrête de prétendre que tu vas bien. En l'espace d'une petite semaine, tu as appris que tu es la dernière Banshee connue, que tes proches te croient morte et tu es venue jusqu'en Thaïlande pour rencontrer un vieux détraqué. À ta place j'aurai pété les plombs, s'insurge Aoile.
Une grimace déforme le bas de mon visage en essayant d'imaginer Aoile péter un plomb. Cela impliquerait sûrement des coups de poings, des injures et pas mal de bleus. Je ne suis pas vraiment sûre de vouloir voir Aoile péter un plomb en fait. Je pourrais être blessée ou même finir avec des blessures étranges. Définitivement, c'est un non.
— Je ne suis pas sûre d'avoir totalement réalisé les conséquences de tout ça. En même temps, si vous m'en disiez plus..., je me moque gentiment.
Aoile soupire et retourne à sa contemplation du plafond.
— Je sais que dans les films, quand tu caches des choses aux héros pour les protéger, c'est ce qui les mène vers la mort. Mais crois-moi Sam. On est pas dans un film, nous ne sommes pas des héros et la mort, tu vas la côtoyer plus souvent que tu le crois, soupire la blonde.
Je me laisse retomber sur l'oreiller suite à ces révélations. Quelque part, elle avait peut-être raison : toute la vérité ne me plairait pas. Mais comment en être sûre tant que je ne sais pas tout ? Ce genre de dilemme philosophique me donne un mal de crâne... Je laisse échapper un grognement avant de replacer correctement mes couvertures et fermer les yeux. Même en essayant de penser à de jolies choses, je pouvais me retrouver à rêver de mes profs de lycée.
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Les Chroniques d'Idan (tome 1) : La Dernière Banshee
FantasyOrpheline, sans amis, 100% nerd et très bonne élève, Samantha Green respecte tous les critères du souffre-douleur pour les élèves de l'Abbaye de Sainte-Catherine, l'étrange internat dans lequel la jeune femme s'est vue inscrire par sa tutrice légale...