Chapitre XXXI

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Je ne suis pas une héroïne.

Cette conclusion vient broyer mon cœur et écraser mes espoirs de petite fille. Qui n'a jamais rêvé d'être un héros, de sauver le monde et d'être acclamé par les foules ? 

Quel enfant n'a jamais voulu devenir quelqu'un de reconnu et d'important, dont le nom parcourt le monde, bruyamment scandé par les foules en délire ? En général, nous acceptons bien vite la réalité, froide et insipide, où les héros sont ceux de papier. 

Ou alors, des gens courageux –mais rare- qui, le temps d'un bref instant, accomplisse quelque chose de stupidement admirable. Moi-même, j'avais accepté depuis si longtemps que les héros n'étaient que des mythes d'enfants stupides... 

Personne n'allait venir me sauver de Sainte-Catherine. Jusqu'à ce que je devienne un mythe. Une Banshee.

La flamme de l'espoir s'était alors ravivée en moi, me donnant la force d'affronter des Dullahans, des révélations tellement énormes que je me serais crue folle...et les derniers évènements. 

L'espoir est la force qui m'a permis d'aller plus loin que mes cauchemars et mes fichus maux de crâne pour observer une réalité nouvelle et plus lumineuse. Être la dernière Banshee me donnait le sentiment d'être spéciale, unique, importante... 

Tout cela pour être écrasée comme une fourmi au moment où je m'y attendais le moins. Au moment où je croyais le monde des possibles ouvert, à portée de bras, le voilà qui me broie entièrement, me noyant dans ma peur. 

Samantha Ashley Silver Green n'a jamais été une héroïne. Elle n'était qu'une lâche, incapable d'entendre une insulte sans pleurer. Elle est la « Jeanne d'Arc » du pensionnat, celle que tous les profs tyrannise parce qu'elle ne peut pas garder la tête haute. Elle n'est pas la guerrière dont tout ce monde a besoin.

Je ne suis pas une héroïne.

Et je ne veux pas l'être. Je ne veux pas avoir mon nom gravé en vulcain dans un temple thaïlandais. Je ne veux pas que les gens scandent mon nom en souriant. Je ne veux pas lire l'espoir d'une victoire dans leurs yeux lorsqu'ils parcourent mon corps chétif. 

Je veux juste apprendre à maîtriser mon don, l'utiliser au mieux pour sauver des vies et éviter de devenir plus folle que je ne le suis. Je veux simplement vivre une vie de Banshee et déjà accepter ça. Mais il a fallu que je sois la dernière. 

De rage, mon poing vient s'écraser sur un malheureux coussin qui traînait là. J'étouffe un sanglot qui monte, me serrant la gorge tandis que ma tête s'effondre sur ce même coussin. Mes yeux tombent sur la photo de mes parents, celle où ils me tiennent dans leurs bras, la seule photo que j'ai d'eux.

Leurs postures, leurs ports de tête à la fois fier et heureux, le sourire radieux et comblé de ma mère, la poigne visiblement ferme de mon père. Ils étaient des héros pour cette île. Ils sont des héros à mes yeux. 

Mes héros. Ils ont voulu une famille, un risque que tout le monde n'est pas prêt à prendre, en considérant leurs situations précaires de Banshees. Selon Archibald, à qui j'ai pu poser quelques questions sans me prendre de vents, ils ont voulu ignorer leurs rôles pour se consacrer à leur famille. 

La seule chose égoïste qu'ils ont fait, c'est moi. Et ce, avant de se sacrifier ensemble pour que je puise avoir la vie qu'ils n'ont pas eu. Pour que je n'ai pas à mourir, ni même à apprendre quoi que ce soit sur les combats.

Ils sont devenus des héros pour que je n'ai pas besoin d'en devenir une.

Désormais fixant le plafond, je m'imagine à nouveau Sainte-Catherine. Ma première année, quand je pensais encore pouvoir trouver des amis. Dès le premier jour, j'ai été fichée, quand je me suis mise à parler seule à la cantine. 

Les Chroniques d'Idan (tome 1) : La Dernière BansheeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant