Pour une fois, je n'ai pas pensé chirurgie ou médecine pendant deux jours : j'ai fait un bilan des six dernières années et je dois dire qu'il n'est pas brillant. Sur le volet social je veux dire.
La dernière fois que je suis allé au cinéma ? Aucune idée.
Le resto ? En séminaire, en participant à un congrès de traumatologie à l'usage de l'urgentiste.
Le sport ? Courir d'un patient à l'autre, passer d'une salle d'op à une autre, je crois que c'est ça ma séance de sport quotidienne.
Bref, c'est pas terrible.
Pour la première fois en six ans, je me suis rendu compte que la solitude commençait à me peser. Et Yann avait sans doute manqué de s'étrangler lorsque je lui avais demandé de venir faire une petite séance de footing avec moi le dimanche matin mais je suis décidé à sortir de ma tanière. J'ai déjà réussi à lâcher complètement la clope, ça fait dix jours que je n'en ai plus grillé une seule.
Du coup, j'avais encouragé mon collègue à arrêter lui-aussi et pour nous soutenir mutuellement, nous nous sommes lancé dans l'élaboration d'un programme sportif assez conséquent. Mais il paraît que le sport permet de se défaire de l'addiction à la cigarette. Alors soyons fous.
Yann m'avait demandé si j'étais tombé sur la tête. Je lui ai répondu que Nadia m'avait ouvert les yeux sur certaines choses et il avait alors demandé si j'allais enfin me lancer avec Raphaëlle.
Evidemment je m'étais emporté puis il m'avait rassuré en me disant qu'il avait simplement échangé quelques mots avec Nadia. Il manquerait plus que ça que tout le service, à tort, pense que j'ai des vues sur l'une de mes patientes. Non mais vraiment !
Yann avait grommelé quelque chose dans ses dents au sujet de la rééducation de Raphaëlle mais je n'avais pas saisi.
Ce n'est que lorsque j'entre dans la chambre 35 ce matin que je comprends ce que mon collègue voulait me dire.
Le kiné est déjà là pour commencer les premiers exercices et mouvements pour le poignet et l'épaule droite de ma patiente.
Il commence bien lui alors. Ce n'est pas à lui que j'ai donné mon accord et il n'a même pas daigné venir me voir avant de commencer.
C'est donc très irrité que je lui en fais la remarque.
- Oh, désolé Docteur Goriaux mais Estelle est malade pour toute la semaine et je...
- Et vous comptiez m'en parler à quel moment ? Ce n'est pas à vous que j'ai confié cette tâche, j'ai planifié et organisé tout le processus de rééducation avec Estelle et Ingrid. Alors vous allez immédiatement me chercher votre collègue.
- Pas la peine elle va arriver dans cinq minutes.
Non mais il se prend pour qui lui ? Et sa manière de regarder Raphaëlle commence sérieusement à me gonfler. Je sais qui il est : il s'appelle Stefano, c'est celui que de nombreuses infirmières surnomment le dragueur italien car il ne peut pas s'empêcher de faire son numéro de charme à toutes les patientes qu'il soigne.
Yann rentre alors dans la chambre et il me dit qu'Ingrid a essayé de me joindre pour me prévenir qu'elle allait arriver dans le service. Je fais un bref signe de tête, le regard fixé sur Stefano qui s'est assis sur le lit de Raphaëlle et qui lui caresse doucement les mains.
Putain il me plaît pas celui-là. Je sens que je vais le dégager vite fait bien fait de mon service. Il ne connait pas les problèmes de Raphaëlle, il va la bousiller un peu plus psychologiquement s'il continue de la sorte. D'ailleurs ça ne rate pas, je vois bien que ma patiente apprécie l'attention dont elle est l'objet.
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L'inconnue des Urgences
Детектив / ТриллерMatthieu Goriaux médecin à l'hôpital de la Pitié Salpêtrière à Paris , assiste à l'arrivée aux urgences d'une jeune femme grièvement blessée à la suite d'un incendie dans son immeuble. Cette dernière est incapable de donner son nom et son prénom e...