Interrogatoire

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Une nouvelle semaine vient de s'écouler. J'ai tenu bon, je suis passé à une clope tous les quatre jours mais je suis perpétuellement de mauvaise humeur. L'arrêt de la nicotine me met à cran, la nouvelle visite des inspecteurs de police de ce matin m'irrite déjà avant même d'avoir eu lieu et le visage de l'inconnue de la chambre 35 est en permanence dans mon esprit.

Yann a même poussé une gueulante lors de notre dernière pause cigarette alors que c'est vraiment pas le genre à s'énerver. A croire qu'il était vraiment à bout car tout y est passé : de son incompréhension face au licenciement de Pauline que je n'avais pas pris la peine d'épauler à son sens à mon comportement de plus en plus agressif en passant par tous les qualificatifs auquel j'ai droit depuis que je suis dans le service.

Froid ? Je sais. Sévère ? Oui, sans aucun doute. Exigent ? Ça me semble normal dans notre boulot.

Mais cruel et tyrannique, faut pas pousser non plus.

D'accord, je suis tellement à cran que je ne prends plus la peine de dire bonjour, j'aboie mes ordres et je demande des nouvelles de patients en guise de salut. Il paraît que les malades ont la trouille d'être affecté dans mon service.

Bin voyons...

Jusqu'à présent, malgré mon caractère de cochon, personne n'avait pu remettre en cause mes compétences.

D'ailleurs, je n'ai jamais commis la moindre erreur médicale.

A Paris, naturellement.

Après avoir fait le tri dans ma boite mail et annulé ma participation à deux réunions, je me dirige vers le local des infirmières pour avoir le compte-rendu de la nuit. Du couloir je les entends glousser au sujet d'Evan Hornin, le trop beau patient de la chambre 8.

- Et vous n'avez que ça à faire ? Le service est complet, vous croyez que vous pouvez vous croiser les bras alors qu'il y a des malades qui attendent leurs soins ?

En moins d'une minute, la pièce est vide : il ne reste que Sylvie, l'infirmière en chef et moi.

- Il sort quand celui-là ?

Sylvie n'a pas besoin de me demander de qui je parle, elle sait parfaitement que j'ai entendu les conversations.

- Dans quatre jours normalement. Yann a fait un nouveau bilan, vous n'avez plus qu'à donner votre accord.

- Je vais me gêner. Rien que pour le fait que j'ai été contraint de virer une aide-soignante et qu'il perturbe la bonne organisation du service, au plus vite il dégage celui-là au mieux ce sera.

L'infirmière me regarde d'un air choqué. Après cinq ans à mes côtés je ne comprends toujours pas pourquoi elle ne s'y fait pas. Je ne prends pas de pincettes moi, jamais.

Je lui demande ensuite de façon abrupte de me faire le résumé de la nuit. Au moins de ce côté-là, c'est la routine.

Les seuls problèmes à signaler sont d'ordre pratique à cause d'un changement de fournisseur.

J'ai passé une importante commande il y a plus de deux mois pour des gants à usage unique, du savon et des compresses et nous n'avons toujours rien reçu. Nos stocks ne sont pas vides mais ils diminuent dangereusement et par précaution, j'ai anticipé la pénurie qui ne manquerait pas de survenir si je ne reçois pas cette fichue commande dans le mois.

Rassuré par le boulot de l'équipe de nuit, je préviens Sylvie que je passe voir l'inconnue de la chambre 35 et je l'informe que Yann fera le tour des autres chambres.

L'inconnue des UrgencesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant