Bouée de sauvetage ?

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J'ai pu négocier avec les flics qu'ils reportent leur interrogatoire. Ces crétins m'avaient contacté juste après que Raphaëlle ait retrouvé une grande majorité de ses souvenirs et vu l'état émotionnel dans lequel elle se trouvait, j'avais refusé qu'ils se pointent dans mon service. Evidemment, là où je voyais l'aspect médical, eux, ils avaient trouvé ça suspect.

Deux semaines plus tard, je suis donc d'une humeur exécrable. Les mauvaises langues diront que c'est habituel chez moi.

Je n'ai pu consacrer autant de temps que je voulais à Raphaëlle, la faute à un accident de car à la Porte de Bercy et ce matin, j'attends avec une certaine appréhension la visite des deux policiers. J'aurais voulu que Raphaëlle y soit bien préparée mais malgré les entretiens qu'elle a régulièrement avec Nadia, j'ai la désagréable impression que cela ne suffira pas face aux deux cerbères.

Je commence à y voir un peu plus clair dans le parcours de ma patiente mais de nombreuses questions restent en suspens à cause de ses pertes de mémoire que je qualifie à présent d'amnésie fonctionnelle. J'ai compris que c'est un moyen pour elle de se protéger d'évènements traumatiques insupportables et dont la charge émotionnelle est trop forte pour elle.

Outre les séances avec Nadia, je me suis résolu à demander également le soutien d'une psychiatre afin que Raphaëlle puisse retrouver un certain équilibre dans sa vie lorsqu'elle sortira de l'hôpital. Mais tout cela lui demande énormément d'énergie et je me demande bien comment je vais pouvoir lancer son programme de rééducation dans moins de deux semaines.

Je sors de mon bureau à l'instant même où les deux abrutis avec leur petit air suffisant sortent de l'ascenseur.

Je me dirige lentement vers eux et je leur serre la main assez rapidement.

- Docteur Goriaux, nous sommes ravis des progrès de votre patiente. L'enquête est au point mort et je dois dire que nous aurions bien besoin d'éléments supplémentaires. Nous ne resterons pas plus d'une heure et demie je vous le promets. Ainsi nous ne...

- Attendez. Dois-je comprendre que vous comptez l'interroger seuls ?

- En effet. Il n'y a là rien d'inhabituel nous suivons simplement la procédure.

- J'ai bien spécifié à l'inspecteur Aldeirweireld que je devais être présent systématiquement. Vous faites votre métier je le comprends mais vous vous apprêtez à interroger une personne qui se trouve dans une profonde détresse émotionnelle. Je la soigne depuis assez longtemps maintenant pour appréhender ses réactions et j'estime être le plus à même de vous interrompre si vos questions vont trop loin et risquent de provoquer des troubles psychologiques encore plus importants.

Par ailleurs Raphaëlle a signé un document pour m'autoriser à rester à ses côtés. Vous avez normalement reçu à ce sujet une note de ma collègue le Docteur Nadia Abringer ?

- Oui en effet. Je vous avoue que je n'ai pas tout compris mais je suppose que nous pouvons faire confiance au jugement d'une psychologue renommée.

Je n'aime pas du tout la manière dont ce gars me regarde. Qu'est-ce que j'en peux moi si ma patiente, en raison des multiples traumatismes qu'elle a vécu, se raccroche à moi comme si j'étais sa bouée de sauvetage ?

Et puis quoi, il faut bien que nous discutions de choses et d'autres, je ne peux pas toujours lui parler de ses broches ou de sa rééducation non plus.

Donc, oui en effet, j'ai eu des conversations un peu moins professionnelles avec Raphaëlle. Bon, en ce qui me concerne, elles ont surtout tourné autour de mon job : nous avions discuté mon choix d'études et surtout de ce semestre dans cette unité d'urgences pédiatriques qui m'avait véritablement transformé.

L'inconnue des UrgencesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant