Reprendre les choses en main

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Le printemps a fait son retour à Paris. J'ai arrêté de regarder les infos à la télé car tous les soirs c'est la même chose, il n'y en a plus que pour Manuel Valls et son nouveau gouvernement. Et moi, la politique et toute cette bande de faux culs ça m'énerve.

Pour la première fois depuis que j'ai commencé ma surspécialisation, je n'ai pas profité de mes trois jours de repos pour ouvrir mes syllabus.

J'ai par contre continué de suivre mon planning de reprise d'activités sportives et aujourd'hui, pour mon dernier jour de repos, je vais faire un truc qui ne m'était plus arrivé depuis six ans, je vais aller faire une longue promenade dans le bois de Vincennes, histoire de m'aérer et de profiter des températures agréables.

Je me rends à la station Vélib la plus proche de chez moi et je parcours à une bonne allure les presque six kilomètres qui me séparent de l'Avenue Daumesnil où je laisse mon vélo partagé pour me rendre ensuite vers le lac du même nom. J'emprunte le petit chemin qui en fait le tour et je croise un grand nombre de joggeurs venus profiter des conditions climatiques agréables pour faire leur footing dans un cadre bien sympathique.

Je m'assieds un instant sur un banc et j'observe les alentours. Non loin de moi, une bande d'ados joue au football sous le regard parfois agacé de certaines personnes âgées qui manquent de recevoir le ballon sur leur tête à cause de l'enthousiasme de ces gamins.

De nombreuses familles se promènent et pendant quelques minutes mon regard se fixe sur l'une d'entre elles. L'homme s'arrête pour sortir d'une poussette un bébé de quelques mois qu'il berce ensuite dans ses bras tandis que la femme montre à deux jeunes garçons un groupe de canards installée sur les bords du lac.

Un groupe de jeunes adolescentes passe ensuite devant moi en rigolant bruyamment puis un couple d'amoureux s'installe sur l'un des bancs non loin de moi.

C'est alors que je réalise à quel point ma vie est une coquille vide et que je souffre de la solitude. L'attention de tous les instants que requiert mon job me permet d'oublier tout cela lorsque je suis à l'hôpital mais aujourd'hui la réalité m'éclate violemment à la figure.

Je suis jaloux de ce que je vois devant moi et de ces gens qui ont le sourire.

Je me relève lentement et je continue ma promenade. Dans une allée, je vois un homme d'une soixantaine d'années essayer de dépêtrer les nœuds de la laisse de son chien. Je lui propose gentiment mon aide et nous finissons par discuter de tout et de rien pendant plus d'une demi-heure.

Je le quitte ensuite pour poursuivre mon chemin et je me sens bizarre. Cela ne m'était jamais arrivé de bavarder comme ça avec une personne ne faisant pas partie de mon cercle de connaissances.

Je décide ensuite de reprendre un Vélib et je roule plus de deux heures dans Paris, appréciant ce sentiment de liberté que je'n'avais pas ressenti depuis longtemps.

Je me retrouve ensuite attablé sur la terrasse d'une petite brasserie du 1er arrondissement en compagnie d'Éric, un membre de l'équipe de Neuroradiologie interventionnelle de l'hôpital, que j'avais croisé tout à fait par hasard.

Nous discutons de notre job mais aussi de nos centres d'intérêt, de nos loisirs. Mon collègue cherche un partenaire pour disputer quelques matchs de tennis en double pendant la saison d'été et, à mon grand étonnement je m'entends accepter sa proposition. Lors de notre dernier entretien Nadia m'avait dit que je devais me resociabiliser et l'idée de partager quelques bons moment en dehors du boulot, dans un cadre très différent de la cafétéria de l'hôpital me plait assez bien. Eric m'indique que tous les gars avec qui il s'entraîne de temps en temps ont entre trente et quarante ans. Bref, je ne serai pas dépaysé et j'ai besoin de me défouler. Si je peux taper sur une balle pour évacuer la pression, je serai peut-être ensuite moins tendu à l'hôpital, moins agressif envers mes collègues et mes patients. Nadia m'a fait clairement comprendre que je devais me calmer de ce côté-là sinon je risquais une sanction voire un licenciement.

L'inconnue des UrgencesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant