Qui est-elle ?

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Notre mystérieuse patiente n'a pas fait dans le détail. Outre ses multiples fractures, elle est couverte de la tête au pied de cicatrices qui font penser qu'elle est passée au travers d'une fenêtre ou même de plusieurs fenêtres. Les radios qui ont été faites lors de son admission ont révélé égalent un déplacement du bassin et de nouvelles fracture à ajouter à la liste déjà bien longue, cette fois au niveau de ses côtes.

L'ambulancier avait raison : en sachant qu'elle s'est retrouvé prisonnière des flammes dans l'immeuble, qu'elle a fait une chute de deux étages c'est presque miraculeux qu'elle ne s'en sorte qu'avec des brûlures aussi superficielles et des fractures qui, finalement ne sont pas trop graves.

Elle est toujours en soins intensifs, mais j'ai demandé à la prendre en charge personnellement. Rien de plus normal après tout, je l'ai opérée pour sa clavicule, pour son poignet et pour ses jambes. J'ai d'ailleurs l'impression que plus aucune partie de son corps ne m'est inconnue. Son planning de rééducation va être sacrément compliqué à mettre sur pied, avec tout ce qu'elle a subit et je sens que je vais m'arracher les cheveux.

Mes collègues n'ont pas soulevé d'objection, ils savent que j'aime m'occuper du suivi des gens qui passent entre mes mains. Sauf que cette fois, il y a une autre raison qui m'a poussé à m'occuper de cette jeune femme en particulier mais je suis bien incapable de mettre des mots là-dessus.

Est-ce sa ressemblance avec Victoria ou le fait qu'elle ne souvienne absolument de rien ?

Lorsqu'elle s'est réveillée après sa première opération, je suis allé discuter avec elle, pour lui expliquer ce que j'avais fait, pour lui décrire le long et pénible chemin qui l'attendait à présent, pour l'informer de tout ce que j'allais mettre en place pour que sa rééducation se passe bien.

J'ai voulu lui poser des questions à son sujet mais encore trop abrutie par l'anesthésie, elle a été incapable de me répondre. Je ne suis même pas certain qu'elle a retenu tout ce que je lui ai dit.

Au moins son pronostic vital n'est pas engagé et maintenant qu'elle est bien stabilisée, je vais pouvoir la faire transférer dans mon service,

Mais avant cela, il faut que je sache qui elle est.

J'ai discuté avec Yann et nous pensons qu'elle n'a malheureusement plus aucune famille. Elle est là depuis presque une semaine et personne ne s'est présenté à l'accueil de l'hôpital pour demander des nouvelles à son sujet. Cela signifie pour nous une hospitalisation plus longue car si personne n'est disponible pour prendre en charge son trajet de rééducation, nous ne pouvons décemment pas la foutre dehors en lui disant « démerde-toi »

Il a quand même fallu que je négocie avec les grands chefs et au bout de deux longues heures de discussion et de présentation de son dossier, ils ont fini par se rendre à mes arguments. Notre patiente inconnue restera chez nous jusqu'à ce qu'elle retrouve une certaine autonomie.

Tandis que je me rends aux soins intensifs, je ne cesse de me demander si j'ai bien fait. Son suivi va m'obliger à déléguer une grande partie des autres dossiers à mes collègues et je passerais une grande partie de mon temps avec elle. Je finis par me convaincre que c'est son état et l'absence de proches à ses côté qui me poussent à vouloir à tout prix m'occuper d'elle.

Je fais toujours en sorte de ne jamais m'attacher à mes patients, jamais. Une règle d'or qui me permets d'éviter bien des ennuis tant sur l'objectivité de mes actes que sur le plan émotionnel. Et ce sera la même chose avec cette jeune inconnue.

Lorsque je pénètre dans sa chambre, je constate qu'elle est réveillée. Ses traits sont tirés et elle est aussi pâle que les murs de la pièce.

- Bonjour Mademoiselle. Je suis le docteur Goriaux. Comment allez-vous aujourd'hui ?

- Je me sens bizarre. Comme si je venais de me réveiller d'un très long sommeil.

- Je vous ai opérée plusieurs fois, vous ressentez encore certainement le contrecoup des anesthésies.

Est-ce que je peux vous poser quelques questions ?

- Oui bien sûr.

- Vous n'aviez aucun papier sur vous lorsqu'on vous a amenée ici. Est-ce que vous pourriez me donner votre nom, votre prénom, votre adresse ?

Le regard de la jeune femme devint alors étrangement vide. Elle fixe le mur face à elle un bon moment puis elle se tourne lentement vers moi.

- Vous allez me prendre pour une folle mais...je n'en sais rien.

Ses yeux expriment pleinement la détresse qu'elle doit sans doute ressentir et, touché bien malgré moi par son désarroi, je m'assieds au bord de son lit.

- Cela arrive d'être victime d'amnésie post-traumatique après avoir subi un choc violent à la tête. Vous avez eu une commotion cérébrale sévère et vous avez perdu connaissance.

Est-ce que par hasard, vous vous rappelez malgré tout ce qui vous est arrivé ?

- Je me souviens de m'être réveillée en sursaut à cause de la fumée qui me faisait tousser. Je me rappelle d'une explosion mais le reste, c'est très flou.

- Vous avez été retrouvée vivante mais inconsciente dans les ruines d'un immeuble Rue Dunois.

Est-ce que cela vous évoque quelque chose ?

- Non je suis désolée. Et...où suis-je ici ?

- A l'hôpital de la Pitié Salpêtrière de Paris.

- Paris ?

- Vous vivez à Paris je présume ?

- Je...je n'en ai pas la moindre idée.

- Hum...Et...est-ce que vous pourriez m'indiquer le nom d'une personne, un proche, quelqu'un de votre famille que nous pourrions prévenir de votre hospitalisation ?

La jeune femme me regarde à nouveau totalement désemparée et je comprends que là aussi, la réponse à ma question est non.

Merde, dire que je dois encore lui poser une question vraiment très personnelle. Est-ce que je me tais ou je tente quand même de stimuler sa mémoire ?

- Je sais que votre situation est très compliquée mais je dois vous poser une dernière question.

- Je doute de pouvoir y répondre mais allez-y.

- Vous avez une cicatrice dans le bas-ventre qui m'indique que vous avez accouché par césarienne il y a environ deux à trois ans. Vous pourriez me donner le nom du père de l'enfant ou le nom de votre enfant ?

Manifestement, non ça non plus elle ne s'en souvient pas. Bordel, ça va vraiment être plus compliqué que ce que je croyais.

Et au fait, le père où il est ? Même s'ils sont séparés je suppose quand même qu'il doit avoir des contacts réguliers avec elle, rien que pour la garde du gosse. Ou les grands-parents. Si elle éduque seule son enfant, il doit bien être quelque part.

Je regarde la jeune femme et je décide de la laisser se reposer. J'espère vraiment qu'elle va retrouver petit à petit la mémoire parce là, ça devient sacrément compliqué quand même.

Avant que je ne quitte sa chambre, je lui indique qu'elle va être amenée dans mon service et que je vais m'occuper de sa rééducation.

La jeune femme me remercie puis elle s'excuse de ne pas avoir pu me renseigner.

Je m'approche alors à nouveau du lit et, en essayant de lui dissimuler le trouble qu'elle suscite en moi, je tente de la rassurer en lui expliquant que sa perte de mémoire n'est que temporaire.

Lorsque je me retrouve dans le couloir, une petite voix au fond de moi me dit que je fais une grave erreur et un instant le visage de l'inconnue et de Vicky se superposent dans mon esprit.


L'inconnue des UrgencesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant