L'inconnue des Urgences

Se battre jusqu'au bout

Nadia passe me voir après sa journée de travail. Je l'accueille sans un sourire et elle s'installe dans mon divan sans que je ne l'invite à entrer.

Son visage est fermé et pendant quelques secondes, nous nous dévisageons sans rien dire. Ma collègue finit par rompre le silence et à sa tête je sens que je vais m'en prendre plein la gueule.

- Tu sais que tout le monde attend de tes nouvelles ? Tu es parti hier midi en coup de vent et depuis, silence radio.

- Au cas où tu aurais oublié, j'avais d'autres choses en tête.

- Mais Matt, comment veux-tu que tes collègues te soutiennent si tu ne nous contactes pas ?

- Vous pouvez tous m'envoyer une carte, des fleurs ou des chocolats ça ne changera rien à ce qui va sans doute me tomber dessus.

- Mais au moins tu comprendras que tu n'es pas seul. Simon a fait une annonce à 14 heures avant que tout le monde n'apprenne les choses par le journal. Tu as beau être le mec le plus chiant que je connaisse, tu as beau avoir un caractère de merde, rien que pour ton professionnalisme tu es très apprécié Matt.

- Ouais et maintenant tout le monde est au courant, c'est top.

- Au moins nous pouvons te comprendre à présent. Personne ne t'a flingué au contraire. Maryse, Sylvie, Isabelle, elles sont toutes dévastées par ce que tu as vécu.

Et c'est pour cela que je suis là, parce que j'ai la désagréable impression que tu acceptes ton sort.

Alors tu vas me promettre une chose Matt, tu vas te battre jusqu'au bout parce que tu n'as rien à te reprocher et qu'on a besoin de toi.

Je me lève sans rien dire pour aller me chercher une canette de coca dans mon frigo et Nadia me demande de lui apporter un verre d'eau. Lorsque je reviens près d'elle, je l'observe un instant faire le tri dans ses mails sur son smartphone et je me prépare à un deuxième round de questions de sa part.

Je repense alors à la conversation que j'avais surprise et qu'elle avait eue avec Raphaëlle. Je lui ai déjà assez menti comme ça, je ne me sens pas le courage de faire comme si je n'étais au courant de rien.

- Avant que je ne reçoive ce putain d'appel de ce crétin d'inspecteur, je t'ai entendue parler avec Raphaëlle. J'entrais dans la chambre et je...je suis resté près de la porte, je...je voulais...

Nadia me regarde surprise mais elle ne réagit pas.

- Il faut que tu lui dises Nadia. Ça ne sert à rien qu'elle m'attende. Je ne peux pas. Au plus elle sera loin de moi, au mieux ce sera pour elle.

- Arrête Matt, tu te voiles la face et quoi que tu dises, je sais que tu l'aimes. J'ai vu ton regard lorsqu'elle t'a appelé avant que tu ne quittes l'hôpital : ce n'était pas celui d'un homme insensible comme tu as tenté de lui faire croire en lui reparlant d'une manière aussi impersonnelle. Non, ce que j'ai vu, c'était le regard d'un homme amoureux, bouleversé et complètement désemparé.

- Est-ce que...elle sait ?

- Oui. Simon est passé voir chaque patient cet après-midi. Il n'a pas donné de détails mais il a informé tout le monde. Etant donné que tu as disparu du jour au lendemain et que tu seras absent un certain temps, il fallait qu'ils soient aussi au courant.

Je n'ai même pas besoin de demander à Nadia la réaction de Raphaëlle car elle enchaîne immédiatement à ce sujet.

- Elle ne t'en veut pas Matt. Et, je dois dire qu'à cause de son passé, elle est sans doute la plus apte à te comprendre.