Spirale mortifère (suite et fin)

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- Ce mec est une véritable plaie, faut vraiment régler le problème au plus vite.
- Ne vous inquiétez, j'ai un plan. Ce pauvre type pense me connaître mais il est loin d'imaginer qui je suis réellement.
- Tu as quoi en tête Yann ?
- Je n'en dis pas plus, ce sera la révélation pour tout le monde. J'ai bien l'intention de régler son cas rapidement. Ça me fais bien marrer d'avance, j'imagine déjà vos têtes et les conséquences. L'effet de surprise va être stupéfiant comme toujours... Un final en apothéose.
Yann levait à nouveau son verre et l'achevait d'un trait avant de le reposer sèchement sur le comptoir en dévisageant ses voisins, un sourire vicieux au coin des lèvres. Franck était glacé d'effroi par la bribe de conversation qu'il venait d'entendre. Samuel avait raison, Yann était sur le point de faire à nouveau du mal. Ses derniers doutes s'envolaient. Il fallait l'arrêter... et vite.
Il n'avait pas pu s'empêcher de tourner la tête et de dévisager le trio, le regard éberlué par les projets de Yann. Ce dernier sentant qu'il était épié, tourna lentement la tête vers Franck, à la recherche de celui qui l'observait. Lorsque leurs yeux se croisèrent, Yann eu un imperceptible froncement de sourcil. Avait-il devinez ce qui se tramait ? Franck ne pouvait détacher son regard de Yann. D'aussi près ses piercings et son tatouage étaient encore plus fascinants. Dire que cet homme n'était pas humain... Il semblait juste être une brute épaisse, un de ces hommes qui ne réfléchissent qu'avec leurs poings.
- Qu'est ce que tu veux toi ? gronda-t-il.
Pris au dépourvu, Franck était incapable de parler. Bêtement sa bouche s'ouvrait, mais les mots refusaient de sortir, un cafouillage ridicule tant dû à la peur des projets de Yann que par son regard perçants et malveillants. Franck ne dû son salut qu'au barman qui lui permis de se sortir de ce guêpier. Tel le corsaire qui ornait la porte d'entrée du bar, l'homme qui venait de lui servir sa Coreff avait l'allure d'un pirate que Stevenson aurait pu imaginer. -Ne vous laissez pas intimider par Yann, ce n'est pas un mauvais garçon malgré les apparences. Mais à votre place je laisserez tomber, lui glissa le Long John local avec un regard appuyé. Franck le remercia d'un hochement de tête et lui laissa la monnaie sur le comptoir pour régler sa pinte. Le barman lui consenti son approbation pour sa décision d'un hochement de tête à son tour.Yann n'avait pas lâché Franck des yeux, il le détaillait sous tous les angles.Une fois qu'il rejoignit sa place qu'il avait laissé quelque minutes, il saisi aussitôt son portable pour informer Samuel des dernières avancées. D'un bref coup d'oeil, il vérifia que Yann avait enfin lâché l'affaire et ne le fixait plus.- Je me ss approché d'eux pr commander un verre et g pu saisir une partie de la conversation. Yann a sous entendu qu'il prévoyait rapidement de régler le cas d'un type qui apparemment dérange. Tu avais raison il faut le stopper !- Sois prudent ! Il a rien capté au moins quand tu t approché ?Franck fut pris d'un doute avant de taper.- Non pas ds le sens où tu l'entend, c surtout de voir un mec un peu trop curieux qui l'a surpris, mais tout est ok pour l'instant.- Continue de me tenir o courant !- J'espère qu'il va bientôt partir, j'enchaîne les bières pour ne pas attirer l'attention sur moi mais à cette allure ça va être dur...- Une pensée pour moi qui attend seul dans une ruelle !La conversation entre les trois hommes devenaient de plus en plus animés au fur et à mesure que les minutes passaient, Yann paraissait des plus agité. La soirée était largement dépassée depuis que Franck avait franchi les portes du Long John Silver, la nuit avait dû tomber depuis pas mal de temps puisque sa montre affichait 00H30.Il avait échangé une multitude de message avec Samuel au fil de la soirée, le niveau de batterie de son téléphone n'affichait plus qu'une seule barre, leur dernier message datait de 30 min et les dernières réserves d'énergie étaient primordiales pour le reste de la nuit. Franck était sur le point de finir à nouveau son verre quand Yann quitta son tabouret. Il saluait ses deux acolytes lorsque Franck appela sans tarder Samuel.- Que se passe-t-il ? On avait dit juste des messages ? commença paniqué Samuel.- Il se lève et va sortir.- PUTAIN c'est pas vrai ! Je ne suis pas prêt bordel !- Quoi ?- J'avais besoin de pisser ! Pour trouver un putain d'endroit discret j'ai du m'éloigner ! SUIT LE !- Non ! C'était pas prévu comme ça Sam'Yann franchissait les portes du pub, la main levée pour saluer les autres clients, pas de doute il était habitué des lieux.- FRANCK JE T'EN PRIE ! La mallette est planquée juste dans l'angle gauche du pub quand tu sors. FAIS LE POUR MOI ! On va perdre sa trace.- Fais chier, tu rappliques au plus vite !- Merci, ne raccroches pas on reste en ligne.Franck quitta aussitôt sa table et se dirigea vers la sortie, en franchissant les portes la fraîcheur de la nuit et la nouvelle tournure des événements le dégrisèrent assez pour qu'il aperçoive Yann qui s'éloignait en direction de la cathédrale, juste la bonne direction pour qu'il récupère la mallette de Samuel. De la sortie du bar on la voyait, il n'avait même pas pris la peine de la dissimuler aux yeux des passants. Vu l'heure tardive, les rues étaient désertes, Samuel se doutait que personne ne la volerait.Lorsque Franck se saisi de la mallette, elle était aussi légère que ce qu'elle laissait apparaître, il la plaqua d'un bras contre sa poitrine, son autre main tenait toujours fermement le téléphone qui le reliait à Samuel. Il approcha à nouveau l'appareil de son oreille, tel un automate il marchait sur les traces de Yann, à plusieurs mètres de distance ce dernier ne pouvait pas l'entendre.- J'ai récupéré la mallette et le suit pour l'instant. T'es où putain ?! chuchota-t-il.- J'arrive, ne le lâche pas de vue. Je quitte la place de Jaude.- Tu t'es bien éloigné quand même, merde tu fais chier ! Là il se dirige vers la cathédrale. Bouge toi !- Je cours là, je suis au max ! Mais si je n'arrive pas à temps tu devras le faire Franck !- Quoi ?! Non !- Si, tu n'as qu'à ouvrir la mallette, tout est prêt ! Tu vises et tu tire !- Putain mais t'es où bordel ?- Merde !- Quoi ?! Que se passe-t-il encore ?- Franck tu vas devoir le faire, il y a deux agents qui s'approchent de moi je devais être trop agité j'ai attiré l'attention. Fais le Franck ! Penses à ma sœur, à moi et à tous les gens que tu vas sauver ! FAIS LE !Samuel avait coupé la communication. Franck était submergé par la panique, il suivait toujours Yann en laissant une bonne distance entre eux pour ne pas se faire remarquer. Les dernières paroles de Samuel le taraudait. "Fais le" lui avait-il ordonné. Il avait entendu Yann quelque heure plus tôt, si personne ne l'arrêtait il ferait à nouveau du mal. Franck voulait, pouvait et devait le stopper. Pour Sam', et tous les autres, seul lui pouvait mettre un terme au chaos que s'apprêtait à semer l'homme qui le précédait.
Dans un état second il marchait dans le dédale des ruelles de la butte Clermontoise, à la poursuite de Yann qui ne se doutait pas un seul instant du danger qui rôdait derrière lui. Peu à peu la cathédrale se rapprochait, Franck ne perdait pas l'espoir que Samuel le rappelle pour lui signifier qu'il prenait le relai.
Pas un bruit dans la nuit noire de la capitale Puydômoise, seul les pas de Yann raisonnaient, Franck quant à lui était beaucoup plus prudent et discret, pourtant sa respiration haletante due au stress lui semblait atteindre un niveau sonore de plus en plus difficile à dissimuler. Depuis leur sortie du Long John Silver, les deux hommes n'avaient croisé personne, pas une âme qui vive dans les alentours, le moment idéal pour agir.
Yann et lui arrivaient enfin au pied de la cathédrale, l'homme marchait toujours sereinement. Franck avait choisi d'attendre d'arriver assez proche de l'édifice noir pour piéger Yann, quelques zones d'ombres pourraient le dissimuler davantage. Un dernier coup d'oeil à son téléphone portable pour confirmer que Samuel ne viendrait pas le rejoindre. Pas un appel, ni de texto... Tel un automate Franck se précipita dans un recoin sombre, il s'accroupit et ouvrit la mallette. Malgré la pénombre, il découvrit enfin ce que Samuel lui avait caché. Une mini arbalète qui dans d'autres circonstances l'aurait fasciné n'attendait que d'être utilisée.

Franck ne réfléchissait plus, il se saisit fébrilement de l'arme, faite de carbone elle était si légère que la manipulation était facilité. Lentement il tendit le bras, prolongé par l'arbalète son membre tremblait. Franck se força à faire le vide dans son esprit pour calmer ses soubresauts, penser à Samuel, aux gens qu'il allait sauver l'aidèrent à trouver la sérénité pour se concentrer davantage. Il visa. Yann marchait toujours d'un pas calme et sûr. Franck tira. Dans la nuit calme clermontoise, le bruit du carreau libéré sembla raisonner et le bruit se répercuter contre les façades des immeubles alentours. L'homme devant s'arrêta aussitôt de marcher. Couper dans élan, il sembla vaciller sur place, avant de tomber lourdement à genou. Franck contemplait la scène, ne semblant pas comprendre qu'il était l'auteur de ce qui se passait. Yann ne se momifiait pas, ne se liquéfiait pas pas non plus comme lui avait dit Samuel. Au contraire Yann gémissait de douleur. Franck s'élança alors vers l'homme à terre, son instinct lui hurlant que quelque chose n'allait pas. Son pressentiment du début de soirée le frappait à nouveau.
Se plaçant face à Yann, il ne pu que constater que du sang s'écoulait de ses lèvres, la flèche l'avait percuter en plein milieu du dos, son extrémité ressortant de son thorax. Yann essayait de parler, mais des flots de liquide pourpres étouffaient ses paroles.- Non, non, non putain qu'est-ce que j'ai fais, gémissait Franck.Il contemplait l'homme qui souffrait devant lui, ne sachant comment l'aider. Délicatement il l'aida à s'allonger sur le côté. Il avait dû mal viser, n'ayant pas réussi à l'abattre du premier coup son corps ne pouvait pas disparaître. Arrachant sa veste, Franck la déposa sur la poitrine de Yann, voulant réduire ainsi l'hémorragie. Yann tentait toujours de parler, ses yeux le fixait horrifier. Il semblait comprendre ce qui se passait enfin et qui était l'homme qui tentait de l'aider après l'avoir lâchement blessé. Ses gémissements de douleurs s'espaçaient peu à peu, les forces vitales de Yann s'amenuisaient, ses yeux roulaient dans ses orbites, le teint de plus en plus blafard, il tentait toujours de parler. Franck s'approcha alors du visage de l'homme agonisant pour écouter ce qu'il tentait de dire. - Pourquoi ? réussi-t-il à chuchoter dans un dernier souffle.Franck se redressa lentement pour contempler le cadavre de l'homme qu'il venait d'abattre. Des sueurs froides lui parcourant la colonne vertébrale, le dernier mot de Yann ne le quitterait désormais plus jamais. Pris de panique il commença a secouer le corps de Yann pour le ranimer en psalmodiant.- Non, non, non...Alors que Franck plongeait de plus en plus dans la panique, le rire qu'il entendit le sorti aussitôt de son état second. Comme un souffle d'espoir, il se tourna vers Samuel qui venait de le rejoindre. Rire dans pareil moment était des plus inadéquat, mais depuis des années Samuel n'attendait que ce moment, son hilarité pouvait être justifiée mais elle glaça à nouveau Franck. La situation devenait de plus en plus incontrôlable.
Samuel était adossé à la cathédrale, les bras croisés il observait Franck à la fois moqueur... et plein de mépris.


- Sam' aide moi, il ne disparaît pas !- Oh mon pauvre Franck... commença Samuel narquois.
- Sam' ce n'est pas le moment, vient m'aider il faut le déplacer.
- Tu es pathétique ! cracha Samuel. Bien sûr qu'il ne disparaît pas et tu peux te lamenter et attendre des lustres devant son cadavre, il ne disparaîtra pas !
- Mais tu m'avais dis...- J'ai menti, coupa Samuel. Je te mens depuis le départ pauvre type !- Quoi ?! - Ce n'était pourtant pas gagné. Tu as été particulièrement tenace, j'ai douté plus d'une fois sur ton cas.
- Mais de quoi tu parles ?
- Je suis moi même une des créatures dont je t'ai parlé ! Ce n'est pas ce pauvre mec que tu aurais dû viser, mais moi ! Je ne suis là que pour briser des âmes !- Qu'est ce que tu me raconte Sam' ? Ce n'est pas le moment, il faut faire disparaître le corps de Yann.- Oh putain que tu vas me manquer... Finalement ce plan B est bien meilleur !
- Parce qu'il y avait un plan A ? Demanda Franck incrédule et paniqué.
- Au départ je voulais mettre ta femme dans mon pieu. En plus de te détruire, je me serai tapé une bombe. Putain ta femme Franck sérieux elle est vraiment bandante ! Mais Nancy n'en a que pour toi ! cracha Samuel. Alors le nouveau plan c'était de te rendre chasseur de chimères, et putain ça a marché ! Au delà de mes espérances même, jubila Samuel.
Franck regardait son ami sans vraiment comprendre ce qui se passait.
- Démerde toi maintenant Franck. J'ai terminé ma mission dans cette ville sordide, finit Samuel en commençant à s'éloigner.- NON ! Samuel, aide moi putain, implora Franck.- Non (Samuel s'arrêta et se retourna à nouveau vers Franck) Ma mission s'arrête ici, mais une nouvelle va se mettre en place d'elle même à partir de maintenant, et c'est toi qui va la mener. Encore une dernière chose avant de partir, un jour tu croiseras la route d'un vieil ami, ce jour là il faut qu'il sache que le travail que j'ai fais avec toi c'était uniquement pour lui, j'ai fais le meilleur travail possible.Samuel parti aussitôt après cette dernière confession.

Franck le regardait s'éloigner, les pièces du puzzle prenant peu à peu place. Dans un dernier sursaut et un grand moment de lâcheté il ramassa sa veste ensanglantée qui avait servi à calmer le flot de sang qui s'était répandu du corps blessé, il s'empara de l'arbalète et délogea le carreau toujours figé dans la poitrine de Yann. Retirer la flèche lui demanda un sang froid qu'il ne se pensait pas capable. Le sang qui lui maculé les mains rendait la tâche difficile, il lui fallu plusieurs essais pour que sa paume arrête de glisser. Le déchirement des tissus, et des organes internes lui donna des hauts de cœur, mais la peur d'être surpris sur les lieux était plus forte. Se forçant à nouveau à se calmer, Franck regroupa toutes les affaires et pièces qui pourraient l'inculper dans cette affaire. Longeant à nouveau la cathédrale, il cherchait les zones d'ombres pour se fondre dans la nuit et s'enfuir discrètement. Tiraillé entre les révélations de Samuel et le meurtre qu'il avait commis ce soir, ses nerfs le lâchaient, il tremblait violemment, sa gorge le faisait souffrir à force de se retenir de hurler. S'éloigner et cacher l'arme restaient sa seule option...Dans la précipitation, son cerveau n'arrivait pas à tout assimiler, Franck était bien incapable d'élaborer un plan. Sa meilleure idée fut de rejoindre sa voiture garée au pied de son immeuble. Les mains toujours tremblantes, il déposa les affaires souillées de sang à même le sol. S'assurant qu'il n'y avait toujours aucun témoin pour le surprendre, il s'essuya les mains sur sa chemise avant d'ouvrir le coffre de la voiture. Provisoirement, l'arbalète et sa veste resteraient là le temps qu'il trouve une meilleure idée. Frôlant l'absurdité, Franck essayait de s'inspirer des différentes séries télévisées qu'il avait vu pour savoir comment agir. En cas d'expertise scientifique, la moindre particule de sang invisible à l'oeil nu serait révélée par le Luminol, il devrait donc être méticuleux lors du nettoyage.Fébrile il ferma rapidement la voiture, s'assura à plusieurs reprises qu'il n'avait laissé aucune empreintes de sang sur la carrosserie, il devait rentrer, se doucher et réfléchir à ce qu'il allait devoir faire. La nausée était de retour lorsque l'image de Yann abandonné à même le sol l'assailli. Comment avait-il pu être aussi stupide ? L'homme qu'il pensait être son meilleur ami l'avait trahi de la plus horrible des manières. Rien ! Il n'avait rien vu venir !

Pénétrer dans l'appartement sans bruit était devenu une de ses meilleures performances depuis qu'il avait croisé la route de Samuel, cette nuit il devrait être encore meilleur pour que Nancy ne découvre rien, si elle l'apercevait dans cet état comment pourrait-il se justifier ?Il n'avait aucune idée de l'heure qu'il pouvait être, pourtant la lumière qui filtrait du salon indiquait que rien ne se passait comme prévu ce soir. Nancy avait dû entendre le cliquetis des clefs dans la serrure, Franck avait à peine ouvert et constaté qu'elle ne dormait pas, qu'elle fut aussitôt devant ses yeux. A la fois soulagée et horrifiée de le voir. Elle le contemplait sans un mot, le détaillant de haut en bas. Le sang qui lui maculait les mains et les vêtements ne faisait rien pour la rassurer.- Mon Dieu, est-ce que ça va ? Que t'es-t-il arrivé ? commença-t-elle en se jetant sur lui.Franck la repoussa, il refusait qu'elle le touche il avait bien trop honte.- Oui, ça va ne t'inquiètes pas. Je dois aller me laver, poursuivit-t-il en la poussant pour se frayer un chemin.- Réponds-moi Franck, qu'avez-vous fait Samuel et toi ? Il m'a appelé il y a une heure pour me dire que tu avais des ennuis, que je devais t'attendre ! Ton téléphone ne marchait pas.
Franck se retourna lentement vers sa femme, un maelstrom d'émotion le traversait à nouveau, colère, déception, incrédulité. Samuel avait poussé le vice jusque là ? Ne croyait-il pas avoir fait assez de mal comme ça ? Oh oui, il le connaissait bien, Samuel savait pertinemment que le point faible de Franck c'était sa femme. Se faire surprendre par Nancy couvert de sang, c'était surement le clou du spectacle.- NE PRONONCE PLUS JAMAIS SON NOM, hurla Franck.Sous la surprise, Nancy avait sursauté. La violence de chaque mot employé la terrorisait.Franck respirait rapidement, sa poitrine se soulevant à chaque inspiration. Il savait qu'il l'effrayait mais il refusait de lui parler davantage, il était incapable de soutenir son regard. Il se retourna à nouveau, il devait enlever toutes ses traces, laver ce sang, nettoyer la tragédie qu'il avait commise ce soir.Il savait qu'elle ne le suivait pas, bien trop sonnée par sa colère elle attendrait qu'il s'apaise. L'eau chaude qui lui fouettait le visage n'était pas salvatrice pour autant, le pressentiment que rien n'était terminé que le pire était à venir de le quittait pas. Il resta longtemps sous le jet d'eau bouillante, assez pour vider entièrement le ballon d'eau chaude, c'est l'eau froide qui le força à fermer le robinet. Telle une machine il s'enroula dans une serviette, il se sentait toujours aussi sale. Les tremblements étaient de retour.- Franck est-ce que je peux rentrer ? Entendit-t-il Nancy supplier derrière la porte.Il avait mal, il voulait la serrer dans ses bras et à la fois ne plus la regarder. Sa douleur était immense.- Non, laisse moi.Il se sécha, et enfila un pyjama qu'il gardait à disposition, prêt à tout pour trouver un semblant de normalité.
Après plusieurs inspirations pour se donner du courage, il se força à sortir de la pièce humide et saturée de buée.Aussitôt qu'il franchi le salon, il entendit la porte d'entrée se refermer. Un bref coup d'œil vers la console de l'entrée et il compris immédiatement ce que faisait Nancy. Elle avait pris les clefs de la voiture. Sans réfléchir, il se précipita vers la sortie. Elle ne devait surtout rien découvrir. Évidemment, Nancy avait emprunté l'ascenseur, Franck avait beau frénétiquement appuyer sur le bouton d'appel, ce dernier avait commencer sa descente, sans réfléchir davantage il s'engouffra dans les escaliers. L'adrénaline lui insuffla l'endurance nécessaire pour dévaler les marches, sans réfléchir il courait pour sauver sa femme.
Lors qu'il déboula dans le hall d'entrée de son immeuble, Franck ne pouvait être témoin de la scène. Trop tard, il avait beau avoir couru au delà de ces limites, l'ascenseur avait été plus rapide, tout comme Nancy qui ouvrait le coffre de la voiture. Comment avait-elle su où regarder si vite ? Sur une énième impulsion, il se précipita à l'extérieur, voulant encore si cela été possible garder son innocence. Mais Nancy était si décidé de découvrir ce qu'il s'était passé quelle découvrait horrifiée, la veste ensanglantée et la mallette qui contenait l'arme rangée à la hâte.
- Mais qu'as tu fais ? lui demanda-t-elle, Nancy savait dès le départ que Franck la suivait, elle ne fut même pas surprise de le découvrir haletant à ses côtés.
Franck lui arracha des mains ce qu'il avait tenté de lui cacher. Il jeta à nouveau dans le coffre de la voiture les affaires qui le reliait au meurtre de Yann.
Lorsqu'il la contempla, il compris qu'elle savait. Pas dans les détails bien sûr, mais elle le connaissait trop bien et les preuves qu'il lui cachait ne laissaient aucun doute.
- Parle-moi Franck, supplia-t-elle. Je peux tout entendre, je peux t'aider mais tu dois me parler, continua-t-elle.
Que ce serait-t-il passé s'il l'avait écouté ce soir là ? Il mourrait d'envie de tout lui dire, mais avait-t-il le droit de détruire sa vie ? L'homme idéal qu'elle pensait avoir épousé n'était qu'elle pathétique assassin. Il avait tué un homme en lui tirant dans le dos... Lâche et pathétique, voilà ce qu'il était.
Non il ne lui dirait rien, Franck lui arracha les clefs de la voiture des mains, claqua le coffre pour le fermer.
- Il ne c'est rien passé, oublies tout ce que tu as vu ce soir, lui ordonna-t-il.
Il poussa violemment Nancy pour l'éloigner et se précipita sans un mot au volant de l'automobile. Il démarra aussitôt, il devait fuir pour ne plus affronter Nancy, boire pour oublier Yann et Samuel.
Il n'avait pas de but précis, alors que l'image de Nancy perdue et dévastée disparaissait peu à peu dans le rétroviseur, Franck ne songeait plus qu'à trouver un bar pour sombrer. Les ruelles s'enchainaient, il ne savait pas où il allait, et pourtant cette route il l'avait déjà faite. Accompagné de Samuel, il avait déjà parcouru cette grotesque rue. Il gara le véhicule, l'établissement sordide était toujours ouvert. De l'extérieur il apercevait les quelques irréductibles clients qui attendaient jusqu'au dernier moment l'heure fatidique de la fermeture. Lorsqu'il franchi les portes de "Chez Lucie" qu'il s'était pourtant juré de ne plus franchir, l'odeur des lieux l'apaisa quelque peu. Ici il trouverait le réconfort qu'il était venu chercher, les autres clients ne le jugeraient pas, la tenancière l'avait reconnu mais ne posa aucune question, le laissant s'accouder au comptoir elle sembla comprendre le mal qui le dévorait, et ce qui le soulagerait. Il commanda sans un regard pour son hôte un verre de whisky, un alcool fort pour que ça aille plus vite. Déconnecter, oublier... Franck ne savait pas qu'il reviendrait encore et encore "Chez Lucie", plongeant peu à peu dans l'addiction... en basculant son verre cul-sec, il enclencha son alcoolisme, c'était sa seule solution pour oublier Samuel, pour oublier Yann. La spirale mortifère commençait...

Ivresse mortelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant