Morbide rencontre (suite)

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– Parle maintenant, réclama Azäkyel.

Les yeux dans le vague, Franck n'avait aucune idée de ce que recherchait réellement l'ange, sa curiosité le rendait irritable et la patience ne semblait pas être son fort. Il voulait à tout prix des réponses auxquelles Franck ne pouvait répondre.

– A vrai dire je ne sais pas ce que tu souhaites savoir, mon enfance, mes études ou la partie plus récente ?

Se pinçant l'arête du nez, la tête baissée et les yeux clos, Azäkyel semblait en proie à lutter pour garder un calme apparent qui s'effritait de plus en plus.

– Tu m'as dit tout à l'heure que je t'appartenais, que tu contrôlais mon corps et mes émotions, n'as-tu pas accès à mes souvenirs ? Continua Franck.

Après une profonde inspiration pour reprendre le contrôle, Azäkyel reporta son regard sur Franck. Ses yeux d'onyx étaient insondables il était donc impossible de savoir si l'ange était en colère ou calme, seul son corps parlait pour lui. La bouffée d'air qu'il venait de prendre semblait l'avoir apaisée. Était-ce dû au pic d'anxiété qui avait traversé Franck lorsqu'il avait posé la question ? Ce dernier avait compris que ses crises d'angoisse avaient un impact sur la créature. Même si cela semblait incompréhensif, Azäkyel se calmait lorsque Franck était submergé par la peur. La créature n'était peut-être pas si mauvaise finalement ? Comprenant que son attitude bouleversait Franck l'ange se forçait à se calmer pour ne pas l'effrayer davantage. Pourtant Azäkyel semblait prendre à chaque fois un plaisir pur face aux réactions de Franck. Tout chez cette créature était contradictoire, d'abord sa beauté révulsante et maintenant sa compassion malsaine.

– Effectivement j'ai accès à ta mémoire, je connais déjà une multitude d'éléments sur toi, mais pas la principale. C'est cette pièce du puzzle qui me manque, expliqua Azäkyel. Je n'arrive pas à trouver ce qui a été l'élément déclencheur à ton alcoolisme, comme si inconsciemment tu avais occulté un passage de ta vie, si profondément que tu l'as toi-même oublié. Je suis convaincu que cet élément est la clef, une fois que tu te seras remémoré ce passage manquant, tout en toi sera libéré et je pourrai enfin avoir accès à tes émotions... Toutes tes émotions.

Cette dernière phrase avait était prononcée avec avidité, Azäkyel fixait intensément Franck qui affichait toujours une mine sceptique. Le jeune homme ne comprenait rien, quelle clef ? Que pourrait-elle délivrer pour que l'ange soit si insistant ? A son tour sa curiosité était attisée, une part de lui-même intéressait si intensément la créature que Franck souhaitait à son tour saisir ce qui l'avait conduit à cet état.

– Je comprends où tu veux en venir mais je t'assure que rien de traumatisant ne m'est arrivé. Ma famille a toujours été là pour moi, même dans les situations compliquées. Jamais mes parents ne m'ont tourné le dos et encore moins quand j'ai commencé à boire.

Azäkyel fixait toujours Franck, sourcils froncés il affichait un air contrarié. Franck était bel et bien têtu comme l'avait prédit l'ange, l'acceptation de sa mort avait été rapide mais au moment de se livrer il était dans le déni. Pourtant Azäkyel sentait que le déclic était tout proche, il devait forcer Franck à lâcher prise, à se sentir en sécurité. Le mettre en confiance était le nouvel objectif qu'il escomptait.

– Franck, susurra Azäkyel, toi et moi sommes partis sur de mauvaises bases et c'est entièrement ma faute je l'avoue, déclara l'ange.

A une allure irréelle Azäkyel s'accroupit face à Franck. Leurs regards étaient à la même hauteur, plus de dominant ni de soumis, les deux hommes étaient sur le même pied d'égalité. Franck semblait totalement ébahi par la remarque et l'attitude de l'ange. Lentement, un sourire se dessina sur le visage blafard d'Azäkyel, il sondait le maelström d'émotions qui traversait Franck et son incompréhension l'amusait. Lentement il tendit son bras pour venir déposer sa main sur l'épaule de Franck, un geste destiné à l'apaiser. D'une légère pression des doigts l'ange voulait que son geste soit interprété comme un signe amical. Mais lorsque Franck aperçut ce nouveau membre qui avait été dissimulé jusqu'à présent soit par le plumage sombre, soit par les gestes inhumainement rapides de l'ange pour qu'il les voit, Franck ne pu retenir sa révulsion. Se calant davantage dans le dossier pour repousser encore un instant le moment où le membre livide le toucherait. Comme il l'avait supposé, Azäkyel était fort, son bras nu faisait apparaître ses muscles tendus, mais en voyant le teint cireux de sa peau et ses ongles noirâtres, la seule idée qui traversa Franck fût qu'un cadavre était sur le point de le toucher. Azäkyel l'écœurait, mais il était conscient qu'il ne pouvait plus rien décider, il était entièrement à la merci de l'immonde être qui lui faisait face.

– Je vais t'aider, enchaîna Azäkyel sans tenir compte du dégoût qu'affichait son sujet. C'est moi qui vais faire le récit de ta vie à partir de tout ce que je sais déjà. Si tu as la moindre remarque tu m'arrête et donne ta version, ça te va ? Interrogea-t-il.

– Excellente idée, murmura Franck à la fois répugné et méfiant.

Ce revirement soudain d'attitude était surprenant, Franck était sur ses gardes, déjà vivant il se méfiait des gens et n'accordait pas sa confiance si facilement. A l'évocation de ce souvenir il ressenti une frustration, comme si quelque part il savait qu'il se voilait la face. Cette réflexion l'avait fait froncer les sourcils à son tour.

– A quoi penses-tu ? Interrogea Azäkyel.

Un regain d'intérêt avait refait surface sur le visage de l'ange.

Franck scruta la créature. Un instant d'hésitation.

– Que ton changement d'attitude est tout simplement suspect, répondit-il.

Levant les sourcils, Azäkyel était sur le point de rétorquer, levant une main en geste d'apaisement Franck poursuivit :

– Mais ça me va très bien, le rassura-t-il, c'est juste que je t'imaginais plutôt partisan de la manière forte pour arriver à tes fins.

Se relevant, Azäkyel affichait un rictus.

– Ne me tente pas, répondit l'ange.

De toute sa hauteur, Azäkyel surplombait à nouveau son sujet, il semblait amusé, se réjouissant de ce qui allait arriver, car l'ange était sûr de lui, à la fin de leur pourparler, il saurait pourquoi la vie de Franck avait basculé. Cette partie manquante était la clef qui libérerait le flot de désespoir piégé dans son esprit, Azäkyel savait que cette libération serait jouissive.

A l'idée de l'issue finale qui se profilait, Azäkyel se fit violence pour reprendre une posture calme, ne surtout pas afficher son impatience, plus de sourire sibyllin ni de menaces. Un ultime regard en direction de Franck pour le sonder, et l'ange ferma les yeux et prit une nouvelle inspiration. Il croisa les bras sur son imposante poitrine, les yeux toujours clos il bascula la tête en arrière mimant ainsi une quelconque imploration pour trouver les mots justes qui aideraient le jeune homme à se livrer.

Ivresse mortelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant