Morbide rencontre (suite)

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Sa voix s'était faite tranchante, laissant entendre qu'aucune objection n'était à faire au risque de s'attirer son courroux, Franck l'avait compris.

Il dut se faire violence pour décrocher son regard d'Azäkyel. Se tournant vivement il contemplait ce qui restait de lui sur le canapé. Il était mort ? Oui ça expliquait tout, pourquoi il se voyait, pourquoi son corps n'avait plus de matière et qu'il pouvait traverser les meubles... mais tout était si irréaliste ! Sur une impulsion, un besoin viscéral, Franck se précipita hors de la pièce, traversant à toute allure le couloir qui le menait aux chambres, il s'arrêta devant celle où sa femme devait être endormie. Il devait vérifier que Nancy était là, qu'elle pouvait le voir et lui assurer qu'il n'y avait personne d'autre dans l'appartement, que la chose dans le salon sortait tout droit de son imagination. Cependant Franck fut incapable d'ouvrir la porte de la chambre, sa main traversait désespérément la poignée, incapable de s'en saisir il s'échinait par gestes brusques à s'en emparer, en vain. Azäkyel, se tenait à nouveau à ses côtés, un sourire moqueur sur le visage.

– Tu ne me crois toujours pas ? Minauda-t-il.

– Non, non, non, se lamentait Franck en tentant toujours d'ouvrir la porte.

– Traverses-là, ordonna l'ange.

Il s'arrêta immédiatement et dévisagea Azäkyel. La voilà la preuve ultime ? S'il passait au travers de la porte l'évidence de sa mort ne ferait plus aucun doute. Après un court instant d'hésitation il posa sa main à plat sur l'obstacle... et ne senti que du vide, son membre s'engouffra, disparaissant de l'autre côté. Aussitôt il retira immédiatement sa main, l'évidence lui sautant en pleine face. Mort, il était mort. Il était incapable de vérifier si Nancy était là, trop anéanti pour cette ultime étape. Refusant de regarder l'ange qui ricanait toujours au vu des soubresauts que faisaient ses ailes, résigné Franck faisait le chemin inverse pour rejoindre le séjour.

De retour dans le salon, il observait encore une fois son corps vautré et inanimé sur le divan.

– De quoi suis-je mort ? demanda Franck sans lâcher son cadavre de vue.

Azäkyel reparti dans un rire sonore.

– Tu te demandes de quoi ? Sérieusement ? Interrogea-t-il.

Baissant la tête, il se détourna de la vision qu'offrait le sofa, puis refit face à Azäkyel.

– Non ce n'est pas la peine, évidemment que je sais. Je savais que ça arriverait mais pas si tôt. Je n'ai que 34 ans j'imaginais que j'avais encore le temps de m'en sortir, lui avoua-t-il.

– C'est étrange, j'avais l'intime conviction que tu serais beaucoup plus difficile à convaincre.

Azäkyel se détourna avec nonchalance, commençant à déambuler dans la pièce, l'air pensif tout en jetant de brefs regards à Franck sondant l'esprit du nouveau mort.

- Tu m'avais semblé têtu, ça a été trop facile, poursuivit-il. On va s'amuser encore un peu toi et moi, reprit-il à nouveau enjoué.

Franck était médusé, l'Ange le regardait avec avidité une fois de plus. Azäkyel le dépassait de plusieurs têtes, ses longs cheveux et ses ailes qui l'enveloppaient le rendaient encore plus longiligne et finissaient de le rendre imposant.

Dissimulé par ses ailes son corps n'était pas visible mais Franck devinait que l'ange devait avoir une force sans limite. Son teint cireux lui donnait l'air maladif et pourtant un halo de fascination se dégageait de cet être, Franck aurait facilement pu se jeter à ses genoux le suppliant de l'étreindre. Pourquoi une telle vénération ? C'était incompréhensif, hormis son teint blanchâtre qui lui donnait l'air agonisant Azäkyel était bel homme, les traits fins, un menton allongé qui donnait une harmonie à l'ovale de son visage, un nez court et des lèvres pleines. Au premier abord il apparaissait magnifique, hypnotique, mais ses yeux n'étaient pas à leur place sur ce portrait. Pas de pupille, ni d'iris, juste deux gouffres noirs en guise de regard, ce qui rendait l'ange effrayant et gâchait le reste de sa beauté. Ces deux globes ténébreux lui donnaient une aura démoniaque ainsi qu'un air de profonde tristesse. Ces émotions contradictoires obligeaient à le dévorer des yeux, sans que l'on puisse trouver la volonté de détourner le regard.

Ivresse mortelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant