Partie 6

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Salut.

Salut, Shading.

Je sais pas trop pourquoi j'écris ça. Je sais pas quel jour on est. L'écriture de cette lettre débute un jour d'avril, quelque chose comme... le 25 avril ? Ouais, c'est sûrement ça.

Comme tu le sais, on s'est rencontré à la soirée de Josh... Je crois que j'ai rarement passé soirée plus agréable. J'écris ici tout ce que je ne te dirais sûrement jamais. Je ne sais même pas pourquoi je le fais, peut-être même que tu liras jamais ça. Je sais pas. C'est une bonne question ça, tient. Peut-être une meilleure question encore que « Est-ce qu'on peut proposer à un aveugle de rejoindre le côté obscur ? » ou « Est-ce qu'une femme fontaine qui a le feu au cul fait de la vapeur ? » . Toujours étant que dans environ une année et six mois, et bien... Si tu voudra me voir, tu devra te rendre dans l'endroit le plus glauque qui soit, pendant que mes os seront en train de se faire bouffer par les insectes, quelques mètres plus bas. Ou pas. Je ne sais toujours pas.

Franchement... Je me sens bien quand t'es là. On dirait que je suis tombée amoureuse, mais non. Je trouve seulement ta présence rassurante.

Cette lettre sera rédigée en plusieurs jours. Alors si il y a quelques incohérences dans ce que je dis, je suis désolé, vraiment. C'est bien malgré moi, mais je ne souhaite ni la relire, ni la corriger.

Les lignes qui vont suivre vont être assez... Je ne sais pas. Tu verras, mais s'il te plaît, si tu comptais fuir, cesse ta lecture et disparaît. Si tu es prêt à sauter dans le vide, alors viens, je te tiens volontiers la main.

Le vide. Le noir. Le néant. La mort.

La mort, c'est ce qui m'attends. Et tu te dis «Forcément, nous sommes humains, nous mourrons tous !», le problème, c'est que certains ont une mort programmée, comme moi.

Je suis comme les bombes dans les films. Celles où le héro ne sait pas si c'est le fil bleu ou le rouge qu'il faut couper pour sauver tout le monde. Et moi, mes deux fils ont été coupés, et pourtant, le décompte se poursuit.

«Il vous reste 3 ans à vivre, je suis désolé.»

C'est ce que le Docteur Finigan m'a annoncé, il y a de ça quelques années maintenant. Au moins une quand tu liras ces mots. La cause ? Un cancer. Un stupide cancer.

«Enterrez-moi aux couleurs que je préfère.»

Tu comprends maintenant le sens de cette chanson ? Ce pourquoi je pleurais ce jour là,et tout les autres jours où je l'ai écoutée ?

A la suite de cette annonce, j'ai disparu. Je me suis volontairement effacée des mémoires des gens. J'ai soudainement disparu. Et ils m'ont oublié, je l'ai su le jour où mon téléphone a cessé de vibrer. Ensuite, Sunshine est devenu le meilleur coup d'un soir de toute la ville.

Je me suis mise à être une peste, à briser les cœurs, à boire, à être une fille "populaire", à m'habiller plus sexy, à la limite du vulgaire. J'ai un tiroir entier de bas et de dessous sexy. Je ne les portes plus depuis que je te connais, je n'en ai plus eu l'utilité.

Après de longs mois, j'ai commencé à me poser des questions. Des questions sur la vie, la mort, partir, tenter de rester mais surtout sur la nature de mes sentiments à ton égard. Je ne sais toujours pas. Je ne sais pas si je veux savoir. Je sais seulement que j'aime être contre toi, dormir dans tes bras, embrasser tes joues le matin et te regarder dormir quand je me réveille la nuit. Si un jour j'ai besoin de plus, je ne dirais rien. L'amour a déjà fait assez de mal, je ne veux pas tenter de briser quoi que ce soit avant de mourir, je vais faire assez de mal en partant.

Concernant ma famille, mes grands-parents ne sont plus, mes oncles et tantes s'en fichent, je ne les ai connu que lorsque j'étais enfant. Je vais mourir et ils ne savent rien, j'ai demandé à mes parents de ne rien dire, je ne veux plus d'hypocrites autour de moi.

Tu dois penser que c'est ironique, parce que pendant une année et trois mois, j'ai vécu dans le faux. La raison est simple : Vivre dans le faux aide à penser que tout n'est que mensonge, que c'est un cauchemar duquel on se réveille le matin avec les yeux humide et le cœur qui palpite. C'est plus facile pour nier l'évidence.

Dans ce monde, il a plusieurs catégories de personnes. Par exemple, il y a ceux qui écoutent du Rock et ceux qui écoutent du Rap. Rare sont ceux qui écoutent ces deux genres de musique. Pourtant, j'en fais partie. J'écoute du Twenty One Pilots et pourtant, rien ne m'empêche d'apprécier la musique que faisaient les Beatles, les Rolling Stones ou encore Eminem. Mais bref, passons. Dans tout les domaines, il y aura toujours des tendances qui se créeront. Qu'on le veuille ou non, nous rentrons tous dans plusieurs cases. Et les deux catégories les plus notables restent les marginaux et les gens "normaux". Mais toi, je n'ai jamais su dans quelle case te mettre. Jamais je n'ai su dire qui tu étais exactement alors que je suis sûre de le savoir autant que toi. Tu es un mystère, et j'aime les histoires avec du suspense. Malheureusement, mon histoire n'a le droit à aucun suspens. Je vais mourir, et vous allez tous continuer à vivre dans un monde où Sunshine ne sera plus qu'un souvenir d'adolescent, pour toi comme pour eux tous. Et moi, j'emporterais dans ma tombe les sentiments les plus fort que je n'ai jamais pu avoir à l'égard de quelqu'un. Et ce quelqu'un, c'est toi, un joli roux aux yeux verts.

Malheureusement, je me retrouve aujourd'hui, à trembler devant mon téléphone et continuer d'écrire tout ceci pour te le faire lire. Il ne me reste que 10 mois à vivre et pourtant, je veux que tu soit au courant, alors que je m'étais promise de ne le dire à personne d'autre que mes parents. Belle ironie.

J'ai finalement compris, après plusieurs longs mois, que la vie ne pouvais pas être toute rose, chaque seconde de chaque minute de chaque heure de la journée, et ce chaque jour. Je ne me vantais pourtant de le savoir, mais je ne l'avais pas encore aussi bien intégré que prévu. Il m'a fallut un peu plus de 15 ans pour l'intégrer.

Après tout, les plus grandes pestes ne sont-elles pas celles avec les plus belles gueules ? J'avouerais avoir été de long mois obstinée à croire que c'était faux. J'ai longtemps nié, là est tout le problème. L'obstination. Elle est devenue ma bête noire. Je la fuis partout, à trop être obstinée, on finit par se bouffer. Et je l'ai compris. Après de longues semaines, je me suis décidée à vivre comme on aurait jamais vécu de toute l'histoire, comme personne n'aurait jamais vécu sur cette planète, dans cet univers tout entier.

J'ai teint mes cheveux, refais ma garde robe de A à Z, quitté tout mes amis sans un mot et je me suis mise à être une peste de la pire espèce. Comme si je m'étais lancée dans une course folle contre la vie elle-même et pourtant, je sais que la seule gagnante sera la mort. J'ai donc bu, baisé, trompé, mentis, trahis pendant un an. Puis à la fin de cette année de débauche, j'ai rencontré un garçon roux, que la vie n'avait pas trop esquinté, comme si il avait été un ange que les forces supérieures veulent épargner un minimum. Mais ce rouquin s'est trouvé sur ma route et je pensais, à tord, qu'il allait finir par fuir.

Finalement, tu es encore là, et j'ai aujourd'hui le courage de te dire tout ça. Je vais mourir et tu es la seule personne, avec mes parents, à le savoir.

Ce n'est pas une grande responsabilité. Tu peux prévenir tes parents, ta famille si tu le souhaite, je ne t'en voudrais pas, je m'en fiche. Je ne veux juste pas de la pitié des gens, je ne veux pas avoir l'air d'une petite chose fragile qui pourrait mourir au moindre petit coup de vent. Je veux vivre dignement, je ne suis pas faite en sucre, je vais seulement m'éteindre à la fin de l'année, pas voler en éclat au moindre choc.

Alors, Shading, veux tu me suivre, m'accompagner vers mes derniers souvenirs, sauter dans le vide aux côtés d'une gamine qui souhaite ne jamais grandir, parce que le monde auquel je n'aurais jamais accès ne me fait pas envie, te jeter du haut d'une falaise pour sûrement t'écraser avec moi ?

Shading, sache que la petite chose en train de pleurer contre toi s'est rendue compte que la mort ne la tuerait pas, mais que c'est la vie elle-même qui tente de l'assassiner depuis maintenant 2 ans et 2 mois.

Et elle s'appelait Sunshine.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant