Partie 12

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Quand la petite lumière de la caméra s'est éteinte, j'ai hésité à regarder Shading dans les yeux. Je ne lui ai jamais expliqué clairement comment ça avait commencé et il venait de l'apprendre en m'aidant à filmer une vidéo destinée à être vue par des milliers de personnes. J'avais un peu honte de lui avouer comme ça, dans une chambre d'hôtel parisienne, derrière une caméra.

Quand le voyant rouge de la caméra s'est éteins pour signifier qu'elle ne filmait plus, j'ai baissé la tête et je me suis mise à pleurer. Mes épaules étant secouée par mes pleurs, Shading s'est levé calmement et m'a porté pour me poser sur notre lit. Il m'a déshabillé, m'a couverte avec la couette et s'est installé à mes côtés. Nous avons ainsi dormis jusqu'au lendemain matin, malgré mes crises de larmes dès que j'ouvrais les yeux, sortant des nimbes de mes cauchemars.

Vers 8 heures du matin, j'ai été réveillée non pas par un cauchemar mais par des nausées. Jamais je n'avais eu ce genre de maux, c'était nouveau pour moi. J'ai eu le temps d'atteindre la salle de bain dans le but de vider mon estomac... Shading s'est levé à ma suite pour me tenir les cheveux.

Instinctivement, j'ai repensé à toutes les raisons qui pourraient faire que je sois nauséeuse. J'ai éliminé en premier lieu la maladie qui me ronge de l'intérieur. Je la connais assez pour savoir que ça ne vient pas d'ici.

Après ce réveil mouvementé, je me suis empressée de me doucher, l'esprit occupé. Je me suis habillé avec un manque d'élégance certain et après avoir dit à Shading que je reviendrais vite, je suis sortie de l'hôtel, à la recherche d'une pharmacie. Je priais pour qu'ils parlent anglais...

J'ai finalement trouvé ce que je cherchais à l'angle d'une rue à quelques pas de l'hôtel. J'ai passé moins de 5 minutes au comptoir et je suis ressortie avec une petite boite rectangulaire que j'ai caché dans ma poche. Je suis remontée dans la chambre d'hôtel en courant, m'enfermant précipitamment dans la salle de bain. J'ai suivit le mode d'emploi à la lettre, et j'ai attendu. A la fin du temps d'attente, j'ai fondu en larmes. J'ai pensé à tout ce que cela signifiait. J'ai repensé à tout ce que j'avais vécu avant et comment allait être ma vie à partir de ce moment. Plus jamais je ne verrais le monde de la même manière. C'était inconcevable pour moi que ce genre de chose m'arrive. Les médecins m'avaient pourtant dit que ces organes-là étaient trop endommagées pour accueillir quoi que ce soit.

Au bout d'une bonne heure à pleurer, j'ai ouvert la porte de cette fichue salle de bain,  et j'ai regardé Shading dans les yeux, les bras pendant, tenant du bout des doigts le morceau de plastique qui a autant bouleversé ma vie en deux petites minutes. Sans y adresser le moindre regard, il m'a juste prise dans ses bras, me laissant à nouveau éclater en sanglot mais cette fois-ci contre lui.

Ce n'est qu'après une demie heure à pleurer toutes les larmes de mon corps que j'ai réussis à articuler cette phrase qui a nous a donné des frissons à tout les deux :

« On fait quoi ? »

Shading m'a embrassé tendrement en me serrant contre lui. J'ai caché mon visage dans son cou, laissant le flot de mes pensées tourbillonner dans ma tête.

« Je ne sais pas. Mais si tu veux qu'on devienne parents, sache que je ne t'abandonnerais pas. Je veux bien assumer qu'un morveux m'appelle "papa", mais seulement si il t'appelle "maman". C'est la seule condition.

- Je vais mourir... Tu devras l'élever seul...

- Peut-être, mais ce sera un petit bout de toi. Alors je le ferais sans jamais regretter ce choix.

- Je ne sais pas combien de temps on a pour réfléchir suivant le pays où nous sommes...

- Déjà il faut qu'on sache depuis quand. »


Il a soulevé un point auquel je n'avais même pas pensé. Je n'ai pensé à aucun moment à ce détail qui est loin de n'avoir aucune importance.

J'ai rapidement chassé ces pensées de ma tête, j'ai d'autres chats à fouetter. Je suis à Paris, il faut que j'en profite ! Et tant pis si j'ai des nausées toutes la journée !

C'est alors que je me suis levée, que j'ai pris Shading par la main et que je l'ai tiré dans la salle de bain avec moi dans le but de partager une douche avec lui. On a mit une bonne demie heure avant de ressortir dans un nuage de vapeur et on s'est habillé dans notre chambre avant de descendre prendre le petit déjeuner dans la salle commune de l'hôtel. J'ai pris diverses viennoiseries dont les français ont le secret ainsi qu'un chocolat chaud et une pomme. Shading est resté dans la tradition britannique en prenant un petit déjeuné plus salé que sucré.

On a discuté en mangeant, je riais parfois mais c'est comme si ce petit trait rose n'avait jamais existé. On est remonté dans notre chambre pour récupérer quelques affaires et jeter un coup d'oeil rapide à Ilness versus me : Travel into the world et surtout à la vidéo que nous avions posté la veille. Le nombre de commentaires s'élevait déjà à une centaine. Jamais je n'aurais cru à un tel intérêt à propos de ma maladie.

Shading m'a alors proposé de lire tout ça quand nous serions dans le métro. J'ai accepté, sachant à quel point ça pouvait être long.

Nous sommes alors sorti, prêt à en découdre avec Paris, sa Dame de Fer, ses musées et ses nombreuses merveilles. Je veux arpenter ses rues et oublier. Oublier absolument ce pourquoi je vis à cette vitesse, ce pourquoi j'ai décidé de vibrer. Je veux juste me reposer quelques minutes, ne plus y penser. Marcher et finalement m'arrêter, fermer les yeux, sentir l'air s'infiltrer dans mes narines et l'oxygène irriguer mes veines.
Je veux vivre quelques heures pour oublier de survivre quelques minutes.

Et elle s'appelait Sunshine.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant