Partie Finale.

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Sunshine m'a laissé ce carnet. Je l'ai lu, j'ai pleuré mais j'ai rapidement séché mes larmes : Sun avait besoin de moi. Elle lui ressemble tellement... J'ai mis de longs mois avant de pouvoir clore ce récit, Sunshine m'a demandé d'en écrire la fin, comme je le souhaite. Je pense qu'écrire ici ses derniers mois pourra m'aider à admettre que le corps de ma belle ne dansera plus et pour aider Sun à comprendre qui est Sunshine. Alors voici donc la fin de la, trop courte, vie de ma belle brune aux pointes bleutées.

Sunshine ne l'a avoué que tard, mais elle a une peur bleue d'être oubliée après sa fin. Cette peur la paralyse. Elle se fiche d'être oubliée tant qu'elle respire, mais elle souhaite être reconnue quand il est trop tard, à la façon d'un grand peintre ou d'un musicien qui cachait jusqu'alors ses plus belles compositions au fond d'un tiroir. Et même si elle ne sait pas peindre, c'est elle qui a mis des couleurs dans ma vie.

Cette peur d'être oubliée s'est mêlée à la peur de ne pas avoir assez vécu. Ce sont ces même peurs qui l'ont poussées à me dire «Viens, on s'en fiche.» ce fameux soir, devant le lac d'étoile, allongée sur les sièges mis en couchette de ma voiture. Elle m'a dit que cette nuit-là, jamais elle ne s'était sentie vivre, autant dans cette eau glacée que sur les sièges, un peu miteux. Cette nuit avait été à son image : avec une rage de vivre, fugace, dépourvue d'innocence mais pourtant si douce...

Sunshine me manque. Il est certain qu'elle m'en voudrait de la regretter. Elle m'a laissé Sun, je lui en suis reconnaissant. Elle m'a également laissé nos photos, sa lettre, quelques vidéos, enregistrement et puis, surtout des souvenirs.

Sunshine au delà d'une personne, était devenu un mode de vie. Je dormais avec elle, je mangeais avec elle, je vivais avec elle. Toutes les cellules de mon corps s'activaient pour elle, en son honneur.

Avant de la connaître, j'étais tellement détruit. Jamais elle ne l'a su, jamais je ne m'en suis souvenu après sa rencontre. J'avais déjà perdu celle que j'aimais avant de la connaître et pourtant, elle a effacé toute ma douleur d'un battement de cil. Elle m'a réapprit à vivre, avec sa  rage de survivre. J'ai été transporté dès que mes yeux et les siens ont établi un contact. Je vois encore ses prunelles sombre briller à cause du plaisir, de l'émotion ou encore de l'émerveillement causé par les lieux que nous avons visités.

Je vais seulement résumer les mois qui ont suivit notre retour. Je ne veux pas m'attarder sur les deux semaines précédant sa disparition, Sun risque de lire ces lignes et je ne veux pas imposer à notre fille des images triste de sa mère.

Quand nous sommes rentrés, Sunshine s'est attelée à réaliser de multiple tâches entre deux visites au Docteur Finigan. Ce dernier l'a félicité pour sa grossesse et au rendez-vous suivant, il a demandé ma présence. J'ai alors rencontré un homme aux cheveux grisonnants d'une cinquantaine d'année qui en faisait dix de plus. Après de multiples explications des risques que représentaient l'accouchement d'une personne cancéreuse, il m'a pris à part pour me dire que Sunshine n'en avait plus pour très longtemps, à moins d'un miracle, elle s'éteindrait, selon lui, avant la fin du mois, et avant sa dix-neuvième année. Il sous-entendait qu'il y avait des chances pour que Sun ne naisse jamais. Mais Sunshine, malgré elle, a montré qu'elle était une battante. C'est la semaine suivant cet entrevue que Sun est née. Ma belle brune avait refusé la péridurale, et même si elle disait qu'elle avait souffert le martyre au point de penser être habitée par un démon, je l'ai trouvée magnifiquement admirable.  Au bout de minutes interminables, Sun était dans les bras de Sunshine. Elle m'a alors regardée, pour connaître le prénom que j'avais choisit. Je lui ai souris et en regardant l'enfant, je l'ai prononcé pour la première fois. Sunshine a rougit légèrement, ce qui a teinté son visage devenu pâle depuis un trop long moment.

Sunshine aura profité de sa fille pendant cinq ans. Le Docteur Finigan n'en revenait pas. Son cancer se stabilisait petit à petit. J'ai pensé très longtemps que c'est Sun qui lui a permis de tenir. Sunshine a pu souffler sa vingt-quatrième bougie avant de s'éteindre, quelques mois après. Elle s'est éteinte parce que Sunshine était comme la flamme d'une bougie : Si on l'approchait trop près, elle nous brûlait, mais si on lui accordait notre confiance, elle était capable de le faire en retour et de nous gracier. Sun avait eu le temps de connaître un peu sa mère, d'échanger de grands sourires avec elle. J'espère qu'elle s'en souviendra, et au pire des cas, j'ai fais un millier de photos des deux femmes de ma vie.

J'avais donc finit mes études en toute quiétude, ce qui me permit de trouver un emploi stable et d'assumer le loyer de notre modeste appartement jusque là assuré par nos parents. Sunshine avait réussit à oublier la maladie au point de se projeter plus loin au détour de nos discussions nocturnes. Je me suis promis de faire vivre à la mère comme à la fille leurs plus beaux instant avant que la réalité ne nous rattrape tout les trois.

Malgré tout, Sunshine a continué à entretenir le journal vidéo qu'elle préparait pour Sun, lui racontant beaucoup de choses sur elle et nos vies. Elle tenait à ce que notre petite rouquine ai une trace des bons moments, à défaut de s'en souvenir, qu'elle ne soit pas perdu en grandissant.

J'ai trouvé sa démarque admirable, et elle a tenu à continuer jusqu'au dernier jour. Mais elle m'a interdit de regarder la dernière vidéo, en me faisant promettre que je ne la regarderais qu'avec Sun, quand elle sera en âge de comprendre.  Je lui fait confiance.

Il faut dire que ces années passées avec Sunshine ont été les années les plus belles de ma vie, malgré les quelques frayeurs qu'elle nous a faite... parfois il arrivait qu'elle se mette à vomir et a maigrir très vite, au point d'être alité quelques semaines, dans un état critique.

Malheureusement, la dernière fois fut l'ultime fois, il n'y aura plus de frayeurs, plus de bonheur quand elle s'en remet, plus de « miracle » comme les qualifie le docteur Finigan. On ne pourra parler de Sunshine qu'au passé, et même si ça fait trois ans maintenant, je continue à parler d'elle comme si elle était encore là. J'ai été invité à témoigner, à cause, ou plutôt grâce à Illness versus me : Travel into the world . Donc, j'ai dû parler devant des foules de jeunes, beaucoup aux crânes rasés, souvent au teint pâle et aux yeux désespéré et usés. Mais j'ai réussit à redonner du courage aux plus découragés, à faire sourire les plus tristes.

J'espère que tu es fière de moi, Sunshine, et de Sun. Elle a dit qu'elle s'ennuyait en cours, parce que tu lui as appris à lire quand elle l'a demandé. Mais elle dit qu'elle déteste les maths. Comme toi. Ça m'a fait sourire, quand elle est rentrée un soir et qu'elle m'a annoncé ça, quelques jours après ton départ.

On préfère lui dire que tu es partie faire un grand voyage, mais qu'on ne sait pas quand tu rentreras. Elle demande où, alors on lui dit qu'un jour tu as pris l'avion. Un avion qui t'emmène quelque part où tu n'es plus malade.

Sunshine voulait que je fasse publier tout ce qu'elle a écrit, donc j'espère que son souhait sera exaucé. Je me suis renseigné, j'ai contacté plusieurs maisons d'éditions, mais pour l'instant, je n'ai pas eu de réponse concluante.

J'aurais aimé profiter plus longtemps de sa présence, mais comme elle l'a dit elle même, « l'échéance à assez été repoussée, il faut bien que ça se termine un jour, et puis, ce n'est pas une surprise », alors je n'ai pas le choix, je dois prendre mon mal en patience, un jour peut-être, je la reverrait, dans l'au-delà.

Malgré tout, la vie continue, même si sans elle, elle est fade. J'ai d'ailleurs hésité à mettre fin à la mienne, mais Sun a besoin de moi. Sans elle, il y a longtemps que je serais parti, moi aussi, en "voyage".

Le jour de l'enterrement de Sunshine, il y avait beaucoup de monde. Une foule en noir et des roses sur son cercueil. Je n'ai pas fait comme eux, je n'ai pas déposé une rose, j'ai préféré déposer des photos, parce que je savais qu'elle aurait préféré qu'on se souvienne des beaux moments avec elle. Nous étions heureux, sur ces photos.

Sun n'a pas compris pourquoi Sunshine n'était plus avec nous. C'est les yeux pleins de larmes que j'ai dû lui dire : « Maman est partie jouer avec les étoiles et nous surveiller, toi et moi. Mais elle ne peut plus revenir, et je te promet qu'elle voudrait être encore là, Sun, pour te voir grandir.». 

Alors, c'est ici, trois ans après sa disparition que je m'adresse à toi, Sun. Tu as une mère que j'ai aimé de tout mon cœur, avec qui j'ai vécu des choses incroyables.

Et elle s'appelait Sunshine.

Et elle s'appelait Sunshine.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant