Partie 11

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Nous nous sommes décidés à filmer cette fameuse vidéo sur les coups de la vingt-troisième heure de la journée, après deux heures passées dans un excellent restaurant de la capitale française.

Je n'ai rien prévu de particulier. Shading a seulement prit un trépied pour stabiliser son Réflex qui servira de caméra.

Tout le nécessaire était fin prêt. Shading a allumé la caméra, l'a réglée et à levé son pouce pour me signaler que tout est prêt.

J'inspire profondément, me concentre et lève les yeux vers le rouquin, déterminée.



« Je suis prête.

- 3...2...1 ! Ça tourne ! »


Une petite lumière rouge s'allume au moment où Shading déclenche l'enregistrement. Je ne peux plus reculer.



« Salut, toi qui me regarde et m'écoute. Peut-être connais-tu déjà mon nom, Sunshine Smith, ou même pas. Pour ceux qui prétendent me connaître ou m'avoir côtoyé, sachez qu'en vérité vous ne savez rien de moi. Pour les autres, je crois que je suis dans ma dix-huitième année. Il y a de ça maintenant deux années, mes parents ont été victimes d'une, si ce n'est de la plus grande peur de leur vie. Comme chaque matin depuis treize ans, je me suis levée, pour aller étudier : j'ai mangé avec mon père pendant que ce dernier lisait les nouvelles de la région puis je suis montée me doucher. Alors que je venais de sortir, que je commençais à m'habiller tout en continuant à sécher mes cheveux, ma respiration s'est soudainement coupée. J'étais incapable d'alimenter mes muscles avec l'oxygène qu'ils réclamaient. Les murs se sont mis à bouger tout autour de moi, le sol m'a semblé se dérober sous mes pieds et de mon nez s'est mis à couler un liquide rouge. J'ai eu le temps d'ouvrir la porte avant de tomber totalement étalée sur le sol, me cognat aux murs et aux meuble au passage. Mon père, alors alerté par le bruit est monté à l'étage en courant et m'a trouvée au sol, du sang sur le visage, encore enroulée dans une serviette de bain.

Je me suis évanouie sur le sol froid de ma salle de bain et je me suis réveillée dans une salle de réanimation des urgences. Deux jours plus tard, la sentence est tombée. Je me souviendrais toujours de cette phrase que j'ai entendu dans le bureau du docteur : « Mademoiselle, vous avez un cancer généralisé. Les chances de rémissions sont de l'ordre d'une personne sur mille. Il ne vous reste que trois ans à vivre. Je suis désolé.»

Vous savez ce qu'on répond à ça ? On ne répond pas. Notre esprit reste figé. On parle seulement mécaniquement. On articule une phrase bateau ridicule qui n'a plus de sens au milieu de ce monde qui s'écroule. Dans mon cas, ma mère m'a dit que j'avais juste dit « Merci. Moi aussi, je suis désolée.» et c'était vraiment stupide de s'excuser alors que c'était moi qui allait mourir. Mais en y réfléchissant, c'était ce qu'il y avait de mieux à répondre. J'étais un échec pour les docteurs, infirmiers et aides-soignants ainsi que pour mes parents. J'allais mourir et tout le monde était dans l'incapacité d'améliorer ça. Prends un doliprane et attends, de toute manière t'as rien d'autre à faire pour t'aider.

Mais j'ai décidé de ne pas me réduire à un corps couché sur un lit et qui regarde par la fenêtre le soleil et la lune qui se relayent jour et nuit. Trois années ça aurait été long comme ça, mile quatre-vingt quinze jours comme ça, j'aurais eu le temps de mourir plusieurs fois avant la vraie fin. Alors j'ai décidé d'envoyer un message totalement méchant à mes amis de l'époque. Ce message disait mot pour mot :  « on ne peut plus se fréquenter, ta tête ne me revient plus, tes aCtes non plus. on ne pArtage plus la même visioN sur rien. j'ai Changé, jE ne suis plus celle que tu connaissais. j'espèRe que tu réussiras. ne répond pas, c'est pas la peine. déteste-moi, ça serait normal. » seules les lettres C-A-N-C-E-R en majuscules. Je me suis éloignée de mes amis pour ne pas les faire souffrir. Je ne voulais pas qu'ils aient pitié de moi, c'était plus facile de supporter qu'ils me haïssaient plutôt que de les emmener avec moi vers ma propre perte.

C'est à ce moment que j'ai commencé à faire n'importe quoi de ma vie. Boire, faire des choses non conventionnelles avec des garçons ou même des filles... Une vie de débauche totale.

Ça  n'a duré qu'une année. Année durant laquelle j'avais tout planifié, du discours du prêtre à la moindre rose lancée sur mon cercueil.

C'est triste de ne penser qu'à sa mort pendant un très long moment. Alors j'ai décidé de me battre un minimum contre tout ça. Comment ? En vivant le plus d'expérience possible ne une une seule si courte soit elle. Je dois avouer que je n'ai pas eu cette rage de vivre du jour au lendemain. Je la dois à un rouquin qui est entré dans ma vie il y a de ça environ un an.

C'est donc tout naturellement que j'en ai fait mon compagnon de route pour réaliser mon rêve un peu fou : Posé le pied sur chaque continent possédant un accès venant du ciel, donc des avions et passer dans chaque état des United Stades of America.

Nous voici donc à Paris, après une excellente semaine passée à Berlin. Je ne connais pas encore les prochaines destinations de notre voyage parce que je ne veux pas les connaître. Pour l'instant, je n'ai pas eu de mauvaise surprise et tel que je connais le roux derrière cette caméra, je n'en aurais pas. Je lui voue une confiance aveugle.

Mais toi, qui regarde cette vidéo, à qui fais tu confiance comme ça ? En quoi ou à qui confies-tu ta vie si il était question de la perdre ? Je sais que tu as peur de la mort, comme chacun des 7 milliards d'être humains sur cette terre. Moi aussi j'ai peur. Mais réfléchis, qui viendra déposer une rose à tes funérailles et qui viendra déposer un bouquet de tes fleurs préférées des mois après ton dernier souffle ? La personne présentement à côté de toi ? Ou celle à qui tu as pensé en premier ? Pourquoi cette personne ? Parce que tu es persuadé de le faire si les rôles étaient inversés ? Mais qui te dis que c'est une pensée réciproque ? Tu te méprend. Tu ne dois jamais avoir cette certitude. Seul une petite voix au fond de toi, impossible à faire taire, qui te hante jour et nuit peut te le prouver.

Je pourrais te faire la morale du «Ne bois pas, ne fumes pas, protège-toi.» et bien sûr qu'il faut vous le dire, mais vous le savez déjà, et je n'ai aucun poids pour marquer vos esprit avec ça. Donc, libre à toi de choper un cancer des poumons, une cirrhose, une dépendance au crack, une MST ou un gosse malformé. Bon courage.

Je n'ai rien à t'apprendre, je ne suis pas un exemple ni de force, de courage ou encore de sagesse. Je ne suis pas quelqu'un d'honorable, je n'ai pas offert de toit à des SDF ou donné de rein à un gosse de 5 ans. Je respire le même air que toi même si je suis comme cet enfant dont tu as liké la photo parce que le voir chauve te faisais mal au coeur, j'ai seulement les cheveux en plus. Ces enfants et ces adultes ne cherchent pas ta pitié, il s'en fichent pas mal du fond de leur lit d'hôpital de t'avoir foutu les larmes aux yeux pour une simple photo qui a tourné des milliards de fois sur Facebook, Twitter ou même Instagram. Ces personnes cherchent juste à vivre un peu plus longtemps, respirer une bouffée d'air supplémentaire, manger une bouchée de plus voir même marcher une dernière fois. Et vivre, ça implique aussi de ne pas dépendre d'une machine en redoutant la moindre panne de courant qui causerait sa perte.

Je sais que ce que je dis je ne vous ferais pas faire de dons à une association pour les enfants malade ou à la SPA, et ce n'est pas mon but de toute façon. Ça ne changera rien à vos vies que de savoir que Sunshine Smith, la fille avec qui vous avez partagé un peu d'oxygène  dans une pièce pendant une soirée quelconque, peut-être un regard ou quelques paroles alcoolisées, rien de plus rien de moins, va mourir dans quelques temps.

La seule leçon que je pourrais vous faire, c'est de vous faire comprendre que lorsqu'on regarde la mort en face, la pire peur que l'ont peut sentir, c'est de ne pas avoir accompli assez de chose de son vivant. Je ne veux pas avoir à sentir cette peur, je veux partie satisfaite de la vie que j'ai mené. C'est pourquoi j'ai décidé de réaliser mon rêve, tant que je peux. »

Et elle s'appelait Sunshine.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant