Chapitre 22

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  Une rage folle s'était emparé de Mereïn.
« Mereïn, je t'en prie ! Reviens ! Hurlait Merenïs en le poursuivant. Mereïn !
- Laisse moi !
- Reviens !
- Je viens de recevoir la pire humiliation de ma vie, au cas où tu ne l'aies pas remarqué.
Merenïs se mit à sa hauteur et lui attrapa le bras.
- JE T'ORDONNE DE ME LAISSER ! »
Sa sœur voulut répondre, mais elle en fut incapable. Elle se vit obligée de lâcher son frère. Elle voulut lui demander de l'écouter, mais aucun son ne put sortir de sa bouche. Mereïn s'enfuit en courant.

  La porte de la chambre s'ouvrit en grinçant. Mereïn ne se donna pas la peine tourner la tête.
« Si c'est toi Merenïs, tu peux rester. Si c'est quelqu'un d'autre vous pouvez tout de suite sortir.
- C'est moi. Est ce que tu es disposé à parler ?
- Qu'est ce que tu veux ?
- Savoir ce que tu m'as fait tout à l'heure.
- Comment ça ?
- Tu sais très bien de quoi je parle. Tu m'as fait quelque chose, après que tu m'aies ordonné  de te laisser, je n'ai pas pu te suivre, ou même te parler. Comment as tu fait ?
Mereïn se tourna dans son siège, et parut interloqué.
- Mais je n'ai rien fait du tout. Je t'ai juste demandé de me laisser.
Merenïs réfléchit pendant un long moment.
- Il faut que je te dise quelque chose.
- Je t'écoute.
- C'est difficile à expliquer. Je ne sais pas par où commencer. Lorsque nous sommes rentrés de Maenetrin, je me suis endormie sur le voyage. Et j'ai fait un rêve.
- Et alors ?
- Tu ne me croiras jamais. J'ai rêvé de ce qui s'est passé aujourd'hui. »
Et elle lui expliqua son rêve en détails. Mereïn restait perplexe.
« Toujours est il que ça ne résout pas le problème. Quelques jours avant mon couronnement, mon frère, disparu depuis des années et légitime héritier d'Ashgane réapparaît mystérieusement, et me ridiculise aux yeux de tout le pays.
- Ce n'est pas si grave. Tu m'as dit toi même que tu ne voulais pas de cette couronne.
- Et bien j'avais changé d'avis.
- Peut être que c'est mieux comme ça. Peut être qu'après tout tu n'étais pas destiné à être roi. »
Quelqu'un frappa à la porte.
« Mereïn, le conseille de la table de pierre se réunit et requiert ta présence. Souffla Lanan derrière la porte.
- Nous arrivons Lanan. Merci. Répondit Merenïs.
- Pas moi, je reste ici.
- Tu n'as pas le choix. Viens, je t'en prie. »

  Les deux enfants étaient à présent dans la salle du conseil. Ils n'y étaient jamais entré. À l'intérieur, une table de Pierre large de dix mètres occupait la majeure partie de la pièce. Beaucoup de monde y prenait place : Miner, le président du conseil attendait les retardataires, trois mages, deux hommes à l'air morose, le général Arbaald, et une femme aux nombreuses rides mais qui conservait une élégance impressionnante. Tous prenaient place sur des sièges de pierre. La table était en fait un assemblage d'anneaux amovibles d'une roche grise emboîtés les uns dans les autres du plus petit au plus grand. De nombreuses runes antiques y étaient gravées. Il suffisait juste de faire glisser un des cercles et alors l'aspect du récit relaté dans la langue ancienne changeait complètement.
  Miner était un homme d'un âge avancé, les traits amenuisés par le temps. Son regard vert sombre avait un aspect vitreux et morne. Derrière le masque qu'était son visage, on pouvait deviner qu'il résidait un homme usé par les guerres et les combats. Oui, Miner avait noblement combattu durant sa jeunesse, et son corps semblait en avoir payé le prix.
  Meïn, le frère de Mereïn, et Sermante entrèrent discrètement dans la salle. Miner s'extirpe de sa rêverie et fit commencer la réunion.
« Très bien, puisque nous sommes tous là nous pouvons commencer. Nous nous réunissons aujourd'hui dans un contexte un peu particulier, le changement de succession de feu Meïn d'Arguinel, troisième du nom, souverain et protecteur d'Ashgane. J'aimerais tout d'abord commencer en éclaircissant un point, pourquoi Menïs d'Arguinel réapparaît subitement juste avant le couronnement de son jeune frère après dix ans d'absence.
- Je vais m'expliquer mais d'abord, je voudrais m'excuser auprès de Mereïn, qui doit en ce moment même me haïr. Je me rends compte à quel point cela est égoïste de ma part. Je voudrais que tu saches Mereïn que je n'ai jamais souhaité que cela se passe dans ces conditions.
- Je vous en prie, venons en aux faits. S'impatienta un des hommes qui prenaient place autour de la table.
- Puisque le temps nous fait défaut, j'irai droit au but. Durant ces dix dernières années, j'ai usé de toutes les forces pour faire en sorte qu'on me croie mort. Laissez moi m'expliquer. C'était une nuit horriblement froide. Moi et mes hommes campions au bord d'un ruisseau gelé à l'est de Tulminiev. Nous chassions les derniers rebelles qui avaient mené les pillages dans la région de la grande citadelle. J'allais m'endormir paisiblement quand un homme s'approcha de moi. Il ne faisait pas partie de mes hommes, je ne le connaissais pas. C'était un messager d'Anteh. Il m'apprenait que mon père était mort, assassiné par des fanatiques. Puis il m'a menacé. Il m'a dit que son maître détenait mes frères et sœurs, et que si j'osais revendiquer le trône, il m'enverrait leur tête. Je n'ai pas réfléchi, je me suis tout de suite résigné. Le soir même je suis parti dans la forêt, et j'ai erré. J'ai vagabondé de villes en villes pendant des années. Anteh n'a plus jamais entendu parler de moi. J'utilisais des faux noms, je m'étais déguisé, j'ai changé d'identité. Deux ans plus tard, j'apprenais d'un fermier que le roi Meïn était mort il y avait de ça quelques jours. J'ai tout de suite compris que je m'étais fait dupé. Mais je suis resté fidèle à la promesse que je m'étais faite, préférant attendre que de voir mon frère et ma sœur morts. Je savais bien que la régence n'était qu'une farce et qu'Anteh n'allait pas céder sa place la majorité de mon frère venue. J'ai donc attendu, jusqu'à la semaine dernière, où, arpentant la plaine d'Angör, j'entendis dire qu'anteh d'Abrobuisse avait été renversé par le peuple et ses vassaux. Je me suis tout de suite précipité à Hëleit Döm pour voir ce qu'il en était. Je suis arrivé tout à l'heure, et je me suis joint à la foule, jusqu'à arriver devant Mereïn. Voilà comment tout s'est déroulé. Mais avant tout commentaire, j'aimerais vous dire une chose. Cela ne peut attendre ce soir. Nous devons agir au plus vite. Au Sud gronde les soldats de Vanangaï. La guerre éclatera sous peu, mais nous ne sommes pas prêts. Il faut entamer des négociations, ou dans un mois l'ennemi sera à nos portes. Je le dis, il faut d'urgence contacter Vanangaï.
- Inutile. Continua Miner. Vanangaï vient à nous.»
En effet à ces mots, un oiseau magnifique au plumage argenté vint se poser sur la table de pierre en brisant la fenêtre. Il se ratatina et se transforma en une petite sphère bleu indigo, une nocturne. Sermante l'attrapa et tous ouvrirent leurs oreilles pour écouter la voix qui s'éleva de la pierre.

Les roses noiresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant