Chapitre 23

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    « Amis, quel heureux événement que le couronnement d'un nouveau roi. C'est aussi dans ces circonstances que nous vous envoyons tous nos vux de réussite. Que Mereïn  d'Arguinel règne aussi longtemps qu'il soit. Puisse les moissons être fructueuses, et puisse la paix prospérer. C'est aussi dans ces circonstances. Nous avons en effet constaté le renforcement de vos troupes sur la Ceinture. De simples mesures de sécurité ai je pensé. Mais j'ai eu vent de certaines rumeurs potentiellement inquiétantes. Le couronnement de Mereïn d'Arguinel s'accompagnait d'un regroupement massif de forces militaires, dans le but d'attaquer Vanangaï. Si ces dires se voient avérées, alors nous pouvons tout de suite négocier notre reddition. Nous sommes faibles, trop faibles pour nous défendre. Même sans guerre, nous ne pourrons tenir jusqu'à la fin de l'année. Nos récoltes ont été décimées par la sécheresse. La maladie a gagnée le sud. Nous n'avons plus un sous dans nos caisses. La prospérité entre nos deux pays perdure depuis six siècles. La Ceinture, la fortification qu'ont construit nos ancêtres pour se protéger, n'a aujourd'hui d'utilité que le fait de nous rappeler des guerres qui sont passées, et des morts qu'elles ont faites. Ne rajoutez pas à nos souffrances le poids d'un conflit, qui n'aurait de conséquence que la disparition de Vanangaï. Pensez à vos enfants. Pouvez vous les imaginer, morts sur un tas de cadavres ? J'ai deux enfants. Deux garçons. Je ne souhaite pas les voir mourir pour une si piètre cause. Pensez aux enfants, innocents d'aujourd'hui, pécheurs de demain. Ne les éduquons pas à la guerre. J'espère de tour cœur que vous entendrez mon discours de père. De toute la part de Vanangaï, nous implorons votre merci.

Très sincèrement,

Kleichtan Manupre, souverain de Vanangaï. »

Le message se suivit d'un grand silence.
« Ils mentent, j'en suis sûr. Intervint Sermante. J'ai une confiance aveugle en Fleita, je suis certain qu'il n'aurait pas inventé tout cela pour s'amuser.
- Et puis nous avons la preuve de l'attaque de Vivequo. Continua Miner.
- Nous ne sommes pas sûrs que ce soit eux. Nous avons vu des navires vananguites, mais qui nous dit que ce soit le gouvernement qui est ordonné qu'ils attaquent. Ou alors ils étaient des usurpations.
- Je ne sais qu'en penser. Dit Miner. Il faudrait envoyer des espions une fois de plus.
- Que devons nous faire concernant nos troupes ? Est ce que nous devons continuer d'envoyer nos hommes dans le sud pour nous tenir prêts ? Demanda le général Arbaald.
- Je pense que cela va de soi. La sécurité avant tout. Mais je pense qu'il faudrait savoir ce qui se passe vraiment à Vanangaï. Dans ses rapports, Fleita Mani parle d'un Sénat corrompu avec des assassinats politiques et d'un complot. Nous allons demander ce qu'il en est pour Vanangaï à l'assemblée de Anïs Toldero qui se tiendra bientôt. Nous ferons répondre Vanangaï de l'attaque de Vivequo. Nous ne devons pas prendre de décisions hâtives pour l'instant. Mais je pense que la paix est préférable pour l'instant. Évitons la guerre autant que possible. Nous nous devons d'écouter l'avis de notre Roi, bien évidemment. »
  L'assemblée se tut un instant. Les regards se tournèrent vers Menïs, toujours crasseux dans ses habits boueux. Mereïn sentit le sang lui monter à la tête. Il ne pouvait supporter l'idée qu'on lui promette la couronne pour se la voir arrachée par un frère inconnu, quelques jours avant le couronnement. Oui c'était ça. Mereïn ne connaissait pas son frère. Il était parti guerroyer quelques années avant la mort de son père, et depuis, plus de nouvelles.
« Pourquoi me regardez vous ? Demanda Menïs. Je ne suis pas votre Roi. Aux dernières nouvelles, Mereïn était le Roi, du moins, futur Roi. Par pur respect pour sa personne, je ne me permettrai pas de prendre la place qui lui était destinée. J'ai fait mon temps. J'entends actuellement prendre du repos pour une vingtaine d'années, si les conditions y sont favorables. Je lui cède volontiers ma place.
Mereïn s'apprêtait à manifester son opinion quand la femme qui prenait place avec eux se manifesta.
- Permettez moi votre Grâce de vous faire part de ma pensée. Les lois sont claires. Mereïn ne pourra régner tant que vous vivrez. Vous ne pouvez pas modifier ce qui a été instauré il y a de cela des millénaires. Je m'y oppose. »
Un grand froid fut jeté sur le conseil. Mereïn ignorait qui était cette femme au charisme impressionnant, mais elle semblait occupe une place primordiale, car personne ne se permit de surenchérir. Elle était vêtu d'une longue robe argentée, qui semblait être l'enveloppe d'une magnifique fleur. Elle possédait de long cheveux au teintes tantôt cuivrées, tantôt écarlate. Ses traits proféraient un aura de jeunesse, bien que l'on put deviné qu'elle était déjà dans un stade avancé de sa vie. Sa voix avait quelque chose d'envoutant, comme le chant d'une sirène. Son regard doux et mielleux respiraient la vie.
Menïs ne put répondre, et dépité, se contenta d'hocher la tête tristement. Mereïn avait les larmes qui lui montaient aux yeux. Il ne voulait pas pleurer, pas ici. Sermante le comprit immédiatement et vint à son secours.
« Mereïn, voudrais m'accorder une seconde ? Demanda-t-il.»
Il se leva et sortit accompagné du mage en baissant la tête. Une fois dans le couloir éclairé de torches pour lutter contre l'obscurité du château ancien qui ne comprenait que très peu de fenêtres, il explosa. De grosses larmes jaillirent à flots sur ses joues. Sermante lui passa un doigt sur la joue pour essuyer les gouttelettes.
« Je ne sais pas pourquoi je réagis comme cela. Il y a quelques semaines on m'aurait proposé la couronne, j'aurais refusé. Maintenant, j'ai l'impression d'être un chien sautant pour essayer d'attraper l'os que lui dérobe son maître. J'ai été humilié devant tout mon peuple.
- Tu n'as pas à te plaindre, Mereïn. Quand j'été petit, ma mère était gravement malade. Je te l'ai déjà dit, j'ai grandi dans les rues de Vanangaï. Elle, s'offrait à des activités éreintantes, elle l'avait les sols chez ces riches bourgeois qui peuplaient autrefois la ville, faisait briller leurs chaussures, et toutes sortes de tâches des plus désagréables. Elle était seul pour m'élever, mon père étant mort peu avant ma naissance. Moi, j'admirais les garçons de mon âge qui s'initiaient  à l'épée et qui vouvoyaient leur mère. La mienne m'adorait, mais moi, à chaque fois qu'elle prenait dans ses bras, je sentais la saleté de ses habits, sans renifler le parfum de ses cheveux, je sentais la saleté sous ses ongles, sans sentit la douceur de sa peau, j'entendais son accent paysan, sans écouter les mots tendres qu'elle me susurrait. Je détestais ma caste. J'avais un profond dégoût pour les pauvres. Je me destinais à des futurs imaginaires. Mais je n'avais pas d'argent, et sans cela, aucune possibilité d'évolution. Je commençais alors à chaparder de ça et là. Ma mère le voyait, et ne pouvait s'imaginer voir son fils arrêté pour vol. Alors, pendant des jours et des jours, sans que je le sache, elle s'infligeait des jeûnes, en dépit de sa santé. Jusqu'au jour où vint mes quinze ans. Elle avait économisé pour faire en sorte que je puisse faire des études, et m'élever dans la société plus qu'elle ne me l'avait permis. Moi, dans mon égoïsme puéril, j'eus le malheur de lui rire au nez, et de l'envoyer paître. Je suis parti furieux. Au bout d'une heure, pris de remords, je courus voir ma mère. Elle pleurait tout son soûle, par terre dans la paille. Honteux de moi, je commençais de la réconforter quand je constatais à quel point elle était maigre. J'ai essayé de la sauver, mais je n'ai rien pu faire. Elle est morte dans mes bras. Ses derniers mots furent « je ne regrette pas ». À cet instant, je compris que les gens se préoccupaient plus de ce qu'ils n'avaient pas de ce qu'ils avaient. Ce jour là, je promis à la dépouille de ma mère de tenir ma promesse et de m'élever dans la société, et d'aider le plus que je pouvais. Aujourd'hui, chaque matin, je me réveille et je vis chaque jour pour me punir de mon égoïsme. À l'aube, je marche dans les rues de Hëleit Döm. Je vois les gens comme je l'étais. Je vais leur parler, je vais leur donner à manger, je prends comme élèves les enfants qui le souhaitent. Et chaque soir, je me rappelle que jamais je ne serai assez puni.
Mereïn ne sut quoi répondre.
- Maintenant je te suggère d'aller manger quelque chose puis d'aller te coucher. À moins que tu ne souhaites me parler d'autre chose.
- Oui, j'aimerais parler à Uliva, mais vous ne m'avez toujours pas dit où est ce qu'il était.
- Il se repose. À Tulminiev. Ses jours ne sont plus en danger.
- Quand reviendra-t-il ?
- Bientôt, mais je ne sais pas quand.
« J'aimerais tellement pouvoir te dire ça »
La voix résonna dans sa tête comme si on lui avait chuchoté à l'oreille.
- Qu'avez vous dit ? Demanda Mereïn.
- Bientôt, mais je ne sais pas précisément quand.
- Vous avez dit autre chose, j'aimerais tellement pouvoir te dire ça.
- Je n'ai jamais dit ça. Répondit Sermante sur la défensive. Qui t'as dit ça.
- Je ne sais pas... Je...
Sermante le regarda étrangement.
- Suis moi. J'ai quelque chose à te montrer. »
Mereïn emboîta le pas à Sermante et sa cape qui virevoltait en tous sens. Ils arrivèrent aux appartements de Sermante, où Mereïn était déjà allé. Le mage poussa la porte et lui demanda d'attendre. Il ressortit de la pièce avec un ouvrage intitulé : « Anoüa, la magie et ses origines ». Il le lui tendit en restant de marbre, sans aucune explication.
« Page 276, le chapitre vingt quatre. Bonne lecture. » Lui dit il en lui fermant la porte au nez.
Mereïn ne se dit pas prier. Il ouvrit de suite le volume à la bonne page.
« Les éléments :
Anoüa en personne créa sa propre magie. Elle se basa sur les éléments. Retenez bien cela. Cinq éléments, et non pas quatre. Elle créa l'ordre suprême. Les ténèbres et le temps se sont accordés depuis des millénaires, et seul l'âge pouvait apporter la mort. Le souverain garde l'obscurité. Il rééquilibre le juste milieu. Pour cela, il sera le maître du temps et de la peur. La terre est fertile. C'est elle qui permit à Anoüa de créer ses hommes. Le maître de la terre pourra contrôler les ondes de la vie, l'inséminer dans les êtres les plus dépourvus de sens. Le feu a dans l'histoire un rôle bien particulier. On le voit destructeur, mais il est aussi purificateur. C'est lui le flambeau qui mène les hommes. Le maître du feu pourra modifier l'aspect de tout matériaux, vivant ou non. Le vent porte aux oreilles des histoires depuis longtemps oubliées, futures, présentes. Le maître du vent se verra attribué les sens décuplés, et verra dans ses rêves le fruit de la vérité. L'eau est la plus vengeresse. Ses gouttelettes s'introduisent dans les espaces les plus étanches. Le maître de l'eau à le pouvoir de s'introduire dans les esprits, les déchiffrer, les soumettre, les faire délirer, ou bien les torturer. Ensemble les éléments furent créés, et ensemble, ils traverseront les générations, aussi longtemps que les ténèbres, le feu, la terre, le vent et l'eau seront présents.»
Mereïn laissa tomber le livre de ses mains. Le message de Sermante n'était que trop clair.

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⏰ Dernière mise à jour : May 23, 2017 ⏰

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