Lorsque mes paupières s'ouvrent sur le plafond blanc, je me mets automatiquement à le haïr. J'ai l'impression qu'il me nargue, à être aussi droit, aussi parfait, si lisse et propre qu'il en devient violent.
Je regarde autour de moi, balaye la pièce du regard, et ne trouve rien de transcendant. Tout est horriblement blanc, même ma peau est de la couleur du ciel nuageux.
L'horrible sensation d'être aveugle m'envahis. Mes iris ne peuvent s'accrocher nulle part, comme si le don de la vue ne me servait plus à rien.
J'attrape une mèche de mes cheveux dans l'espoir d'y voir un peu de couleur, mais eux aussi sont devenus blancs. Ais-je vieilli ? Ou peut-être que je rêve ?
Je me lève et remarque que mes habits aussi peignent le tableau de la même peinture. Rien ne vient perturber l'harmonie, pas même un meuble. La pièce est vide en dehors du lit.Je me mords l'avant bras avant de devenir folle. La douleur me réveille et ma peau rougit. Une jolie couleur rose qui soigne mes yeux comme un antidote.
Mon bras gauche est couvert d'un bandage. Il doit s'agir de la coupure que m'a infligée Jamie. Peut-être que je ne rêve pas.Soudain, un bruit de porte se fait entendre. Une femme totalement vêtue d'une robe blanche rentre dans la pièce.
Seuls ses yeux sont visibles, d'un bleu aussi clair que les miens. Ces cils sont de la même couleur que son accoutrement étrange. Devant moi, tout en gardant ses distances, elle pose un plateau rempli de nourriture. Pas de couverts. Mais ce qui est le plus surprenant, c'est que les légumes sont de cette pâleur infâme qui désormais me brûle la rétine.- Pourquoi vous entêtez vous à ce point à tout rendre aussi blanc ? Demandais-je à la femme, cette dernière déjà en train de partir.
J'ai beau attendre, la réponse ne se fait entendre que par le bruit d'une porte qui se ferme. J'ai la peine le temps d'apercevoir une pancarte verte, de l'autre côté.
Au début, j'hésite à toucher le contenu de mon assiette, puis finalement la faim prends le dessus.C'est avant de finir totalement mon plat qu'une idée germe dans ma tête.
Je prends un morceau de légume et le dispose dans un angle de la pièce. L'endroit est certainement bien plus propice à l'humidité qu'un autre. Je m'assieds face à lui, comme pour attendre que le temps le transforme en moisissure d'une couleur tout sauf blanche.
Conscience que cela n'arrivera pas de si tôt, je ferme les yeux pour imaginer des couleurs.Mes pensées finissent par occuper mes heures. Que c'est distrayant d'être mort de peur. Je pense à mes amis tout en me demandant où est-ce que je peux bien me trouver.
La femme est revenue, un laps de temps plus tard dont je n'ai pas la valeur. Elle avait les bras chargés de pages vierges et d'un stylo blanc.
- Où sommes nous ? Demandais-je.
Elle me fixe un instant avant de repartir vers la porte. J'en profite pour me délecter de la vue de la pancarte verte, de l'autre côté.
Peut-être que je devrais chercher à m'enfuir ? L'absence de couleur commence à me rendre dingue.Des heures plus tard, ou peut-être des secondes, mon cerveau commence à créer des formes multicolores sur le plafond.
- Peut-être devrais-je essayer d'ouvrir la porte ? Me parlais-je à même.
Je bondis hors du lit et marche à tâtons vers la porte que je n'ai vu s'ouvrir que de loin. J'ai l'impression de marcher dans le vide tant la couleur blanche prédomine mes sens.
Heureusement, en laissant traîner ma main contre la porte, elle se heurte contre ce qui semble être une poignée. L'encadrement apparaît lorsque je la tire et j'aperçois déjà la pancarte verte.
VOUS LISEZ
OPACITY - Entre deux mondes [Green]
Science FictionLe ciel est trop bleu, les nuages sont trop blancs, l'encre est trop noire, les oiseaux grésillent autant que le monde tourne et les gens sont trop aveugles pour remarquer leurs opacités étranges.