Un an plus tard.
L'air chaud caresse mon visage et soulève mon manteau. Tout, autour de moi, est silencieux, seuls restent le bruit de l'herbe sèche, des branches qui s'agitent et une cloche d'église qui sonne au loin. Je ferme les yeux et profite de cette brise, rare en cette saison. Le soleil réchauffe doucement les lieux, mais quelque chose en moi ne pourra plus ressentir cette chaleur. Le ciel est d'un bleu profond et uni, pas un seul nuage à l'horizon.
Cette dernière année est passée en un éclair, je ne me souviens que de quelques bribes, comme si j'avais été absent le reste du temps, ou que quelqu'un d'autre avait tout vécu à ma place. Pourtant, je n'ai pas chômé. Je suis devenu le Chef respecté de l'Ordre, et les Assassins vétérans m'ont même annoncé que j'étais devenu aussi fort et aimé que Patriarche, sinon plus. J'ai réussi à acquérir leur confiance, et je ne l'ai jamais trahie. Nous avons récupéré notre ancien QG, et étrangement la BAR nous a laissés tranquille. Le tunnel qui le relie à la demeure d'Élise n'a pas été découvert, il a depuis été terminé et est fréquemment emprunté. Mais quoi qu'ils en disent, il manque quelque chose à l'Ordre. Quelque chose d'irremplaçable.
J'ouvre les yeux et cligne plusieurs fois des paupières le temps que ma vue se fasse à nouveau à la lumière du soleil. Puis je baisse la tête et regarde la tombe devant moi. Je m'agenouille pour y poser un bouquet de fleurs, comme tous les mois. Je reste ainsi, les yeux rivés sur l'épitaphe :
Cassandre Alivia
2013-2036
Je me relève doucement. J'ai appris à retenir mes larmes, je ne ressens plus qu'un immense vide. Alors que j'essuie la terre qui s'est installée sur mon genou, j'entends quelqu'un m'appeler par mon prénom. Je me tourne pour découvrir Élise, dans une magnifique robe sombre, aussi ravissante que d'habitude. Son ventre commence à s'arrondir. Elle se plante à mes côtés et passe un bras autour de moi en regardant à son tour la tombe.
-Elle te manque, n'est-ce pas ? demande-t-elle d'une voix douce.
Je ne lui réponds pas. Je me contente de garder les yeux baissés.
-L'Ordre a besoin de ton aide, Aiden, continue Élise.
-J'ai demandé à ce qu'on ne me dérange pas, répondis-je d'un ton un peu trop abrupt. Jamais ce jour-là.
-Je sais, reprend-elle en posant une main sur mon épaule. Mais il paraît que c'est urgent.
Je ne peux m'empêcher de soupirer bruyamment. Ils ne peuvent donc pas se débrouiller sans moi, ne serait-ce qu'une journée ? Je secoue la tête et part vers la sortie du cimetière, la main d'Élise dans la mienne.
-De quoi s'agit-il ? je demande plus calmement.
-Un groupe de personnes ont pris des otages et menacent de faire exploser une bombe si tu ne viens pas à leur rencontre, dans un bâtiment abandonné proche de l'Arc de Triomphe. La BAR n'est pas encore au courant de l'affaire.
-Je pense voir où c'est. Que me veulent-ils ?
-Je ne sais pas, j'ai entendu dire qu'ils t'en voulaient beaucoup. Fais attention, c'est sûrement un piège.
-Évidemment que c'en est un. Mais tu oublies que je suis le Chef de l'Ordre. Je fais confiance à mes Assassins.
Je lâche sa main et commence à m'éloigner. Elle m'interpelle à nouveau.
-Aiden, sois prudent.
-Comme toujours, lui répondis-je avec un léger sourire sans joie.
Mes Assassins me confirment dans mon émetteur qu'ils sont prêts à intervenir – ce qui signifie qu'ils sont totalement invisibles. Je pénètre dans le bâtiment en regardant autour de moi. Il est construit tout en longueur et les deux premiers étages se sont effondrés, ce qui explique la grande hauteur de plafond du rez-de-chaussée. Heureusement, je n'ai pas à faire d'effort pour avancer puisque le sol a été déblayé. Les murs de cet étage ont aussi été abattus pour offrir plus d'espace à tout criminel voulant s'installer ici.
Je fais encore quelques pas dans la pénombre, lorsqu'une lumière vive m'envahit. Apparemment, quelqu'un a allumé un projecteur au-dessus de moi. Momentanément aveuglé, je distingue à peine les silhouettes qui m'entourent. Je dirais une vingtaine, plus quelqu'un qui se tient devant moi.
-C'est donc vous le Chef des Assassins ? s'exclame une voix forte et rauque
-C'est exact. Que voulez-vous ?
L'inconnu s'approche, et je commence enfin à m'habituer à la lumière. Il a un trou de la taille d'une balle de fusil dans la joue droite et de multiples cicatrices sur son visage. Il est habillé de vieux vêtements et tiens dans sa main une grande épée. Ce qui me fais penser que dans ma précipitation je n'ai pas pensé à prendre mon équipement. Mais si tout va bien, je n'en aurais pas besoin. L'autre éclate de rire, sa voix résonnant contre les murs.
-Je veux votre mort bien sûr ! finit-il par répondre. Ainsi que celle de votre Ordre. Vous voyez ça ? continue-t-il en montrant son visage mutilé. C'est à vous que je dois ça ! Vous avez attaqué mes hommes sans raison, nous avez enfermés et torturés pendant des jours ! Je suis le seul survivant !
-Vraiment ? je demande d'un ton monotone en haussant un sourcil. Pourtant cela ne ressemble pas à nos méthodes. Vous devez faire erreur.
Le sourire disparaît du visage de l'homme. Je vois dans son regard qu'il est convaincu que nous sommes coupables. Pourtant, je n'ai pas besoin de fouiller dans ma mémoire pour savoir que je n'ai jamais ordonné une telle chose. Il regarde ses hommes et hoche la tête.
Je soupire et avance lentement vers lui, sans faire attention à ses hommes. Je l'entends rire à nouveau ; il doit me prendre pour un fou à marcher lentement vers un groupe de vingt personnes déterminé à me tuer. Mais je ne ralentis pas pour autant. Alors, sans prévenir, les cinq premiers s'effondrent, un trou dans la tête ou dans le cœur. Certains se stoppent net, les autres continuent d'aller vers moi, mais leur expression a changé. Je m'approche de plus en plus de leur chef. Et cinq autres s'effondrent de la même manière que les premiers, sans bruit. Ils se sont tous arrêté à présent, je m'approche de l'un d'eux et lui arrache son couteau des mains. Alors que je me détourne, j'entends son corps s'effondrer, en même temps que le reste de ses camarades.
Je suis à deux mètres de l'homme maintenant. Il a cessé de rire et me regarde avec un air ahuri. C'est à mon tour de sourire – un sourire forcé, certes, mais il est juste là pour effrayer l'ennemi. Même si je suppose qu'il effrayerait même mes alliés.
-Co... Comment vous..., balbutie l'autre.
-Ne sous-estime jamais l'Ordre des Assassins. C'est une grossière erreur. Et généralement la dernière.
Il cramponne son arme et charge vers moi. Il est tellement lent ! J'ai tout le temps de faire un pas de côté pour l'esquiver. Il me présente son dos, mais je ne suis pas lâche au point de l'attaquer maintenant. Je fais un discret signe aux Assassins pour leur dire de me laisser faire, puis j'attends que l'autre se retourne. Il pousse un hurlement de rage et se précipite à nouveau vers moi. Son épée fend l'air. J'attrape aisément son bras et plante mon couteau dans son cœur.
-Je suis désolé, mais comme je te l'ai dit, vous avez fait erreur. Les Assassins ne sont pas responsables de ce qui vous est arrivé. Mais nous retrouverons les coupables.
Il crache du sang par-dessus mon épaule. Je l'accompagne dans sa chute en retirant le couteau de son cœur. Je pose un genou au sol pour allonger plus facilement son corps sans vie, puis ferme ses yeux en murmurant :
-Puisse la mort t'apporter la paix. Requiescat in pace.
J'ai trouvé cette formule dans un vieux livre italien datant de la Renaissance, et j'ai depuis pris l'habitude de prononcer cette phrase à chaque fois que je tuais une de mes cibles. Peu importe ce qu'elles ont accompli de mauvais dans leurs vies, elles méritent du respect dans la mort. Je me relève doucement et hoche la tête en direction de mes Assassins. Je les laisse trouver les otages et s'occuper d'eux, ainsi que de la bombe, même si je pense que ce n'était que du bluff. Pour moi, cette histoire est terminée.
À moins que ce ne soit que le début.
Je sors du bâtiment pour me diriger vers le QG tout en réfléchissant. Enfermer des gens pendant plusieurs jours, les torturer jusqu'à la mort, cela ne ressemble pas à notre façon de faire. Je ne vois que deux solutions, bien qu'il y en ait sûrement plus : soit quelqu'un désobéit à mes ordres et nous a trahis, soit un groupe se fait passer pour nous dans je-ne-sais quel but. Et les deux cas sont inquiétants. Mais je compte bien tirer cette affaire au clair.
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Justice ~ une histoire Assassin's Creed ~
Action2036 : Paris a bien changé. Alors que le peuple est opprimé et pratiquement réduit en esclavage par les puissants, épaulés par la Brigade Anti-Rebelles, les Assassins se battent pour rendre leur liberté aux petites gens. Parmi eux, Aiden Gladia, de...