Chap I : BIENVENUE À WICKLOW

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Il me tenait le main. De sa grande paume chaude, il enserrait la mienne. Malgré le froid d'hiver, le soleil laissait quelques faibles rayons passer à travers le ciel gris.

Wake me up before you go go parvint jusqu'à mes oreilles. Même si j'adorais cette chanson, l'entendre à ce moment précis de la journée ne me faisait pas tellement plaisir. Mardi 3 septembre. Rentrée.

Je soupirai et rejetai le drap qui quelques instants plus tôt, m'enveloppait dans son doux voile tiède. Je n'éteignis pas tout de suite mon portable, laissant encore l'air joyeux résonner dans la pièce. Je m'assis et sortis de mon lit. Je tendis le bras, effleurai ma lampe de chevet qui se renversa et atterrit sur le sol.

-Rhhh.

Je bougonnai en la ramassant. Je ne me faisais toujours pas à cette minuscule chambre. Mes parents qui avaient voulu changer de vie -crise de la quarantaine, qui sait ?- nous avaient annoncé, à moi et mon petit frère que nous allions radicalement changer d'environnement. Voilà pourquoi je me retrouvai à vivre dans une maison minuscule dans le petit village côtier de Wicklow, situé à une cinquantaine de kilomètres de Dublin.
C'est ma mère, d'origine irlandaise et professeur d'anglais aguerrie qui avait voulu revenir sur sa terre natale. Mon père, amateur de changement et toujours en quête de l'inconnu l'avait suivie avec grand enthousiasme. En tant que cadre d'une grande compagnie, il avait facilement pu s'arranger pour sa mutation. Quant à mon frère et moi... J'avais l'habitude de vivre des déménagements, nous avions changé de maison presque une dizaine de fois en France. Aussi, à chaque fois, je n'avais pas vraiment le temps de créer des liens.

Je devais quand même le reconnaître, outre les inconvénients que cela avait, partir vivre aussi loin de mon petit village de Franche-Comté dans lequel j'avais passé les deux dernières années, les paysages d'Irlande étaient époustouflants. La plage qui ne se trouvait qu'à quelques minutes de marche était digne d'une carte postale, malgré le vent et les gros rochers. Nous étions arrivés ici début août et je n'avais pas encore eu le temps de m'habituer à notre nouvelle maison ni ne défaire tous les cartons. C'est pourquoi, lorsque je me levai, mon petit orteil rencontra un carton qui -manque de chance- s'avérait contenir quelque chose de très dur. Je grommelai une seconde fois. Passant sans autre accident le chemin jusqu'à la fenêtre, j'arrivai à celle-ci et l'ouvris. Une lumière déjà intense pour le petit matin inonda la chambre -blessant au passage mes yeux fatigués - accompagnée par un petit vent frais. Un temps de rêve ! Farfouillant dans un carton déjà ouvert mais pas rangé ni vidé, je trouvai une robe pas trop courte, pas trop habillée et qui ne faisait pas trop "genre je vais à la plage". Je l'enfilai et descendis à la cuisine.

-Hello darling ! Me lança gaiement ma mère, occupée à surveiller des tranches de bacon dans la poêle.

-Bonjour mom, lui répondis-je avec moins d'entrain.

L'un des avantages d'avoir des parents de nationalités différentes était sans conteste le fait de pouvoir parler naturellement l'anglais et le français, c'est pourquoi le bilinguisme était de mise chez nous.

-Papa est déjà parti ? Lui demandai-je en beurrant ma tartine. Pas question d'avaler du bacon et des œufs le matin ! Je tenais trop à mon chocolat chaud et à la confiture de fraises !

-Yes ! Il parti avec Tim et l'a déposé à l'école, me répondit ma mère en anglais. Ready pour la rentrée ? reprit-elle en mixant français et anglais comme à son habitude.

-Offf... Je vais juste me retrouver seule dans un lycée inconnu avec des gens inconnus et des profs inconnus, en insistant bien sur "inconnus" afin que ma mère comprenne ma solitude.

Elle enleva la poêle du gaz, glissa sa tranche de bacon dans son assiette et vint entourer ses bras autour de mes épaules.

-Pas que des inconnus ! Tu oublies ta prof d'english ! Et puis tu devrais te fondre dans le paysage, ajouta-t-elle avec un clin d'œil.

Pour sûr ! J'avais hérité des cheveux roux hirsutes de maman et des yeux en amande vert de papa. C'était l'inverse pour mon petit frère (il n'avait pas les cheveux verts ni les yeux oranges hein), ses yeux étaient exactement les mêmes que maman, c'est-à-dire petits et de couleur noisette, quant à ses cheveux, ils étaient noirs et lisses comme ceux de notre father. Les gens aimaient nous dire -pour plaisanter- que nous ne nous ressemblions absolument pas allant même jusqu'à dire qu'il était peu croyable que nous soyons de la même fratrie ! La magie de la génétique !

En levant la tête, je vis l'horloge affichant 7h40. J'avalai en vitesse le fond de mon bol -c'était le meilleur avec le chocolat fondu- et partis en direction de la salle de bain. Question maquillage, je préférais la jouer nature, je n'appliquai donc aucune substance sur mes yeux, ma peau ou mes lèvres. Concernant mon style capillaire, là aussi je sortis la carte "nature", de toute façon mes cheveux frisés n'offraient guère d'autres possibilités.

-CLAIRE, come on ! Cria ma mère depuis la cuisine.

- I am coming ! Articulai-je en hurlant à mon tour. Immédiatement, ces mots me firent penser à une chanson des Daft punk en duo avec un artiste au style capillaire bien particulier lui aussi. Heureusement que nous n'étions pas en appartement, les voisins nous auraient sûrement pris pour des écervelées !

Je sortis en sautillant -allez savoir pourquoi- de la salle de bain, faisant danser ma lourde tignasse dans mon dos. Je traversai la cuisine, attrapant mon sac de cours -léger comme une plume, l'avantage du jour de la rentrée étant que nous n'avions aucun bouquin de 500 pages encore distribué- sortis dans la cour et grimpai dans la voiture que ma mère avait déjà mise en route.

Sur le trajet du lycée, bien que court, j'eus le temps d'observer les paysages au rythme de Chuck Berry et autres vieux sons des années 60 dont ma mère et moi raffolions. La route étroite était bordée d'un côté par une forêt épaisse et touffue, et à gauche par la mer. Je me laissai envoutée par ce spectacle magnifique et par la douce musique -si on peut qualifier Jailhouse rock de doux. Petit à petit, nous nous rapprochions de la ville. Les arbres laissèrent place à des façades de divers commerces -market entre autres. Je fus tirée de mes contemplations par l'arrêt en trombe de la voiture. C'était le signal qui indiquait que nous étions arrivées.

-Je te laisse devant l'entrée, je vais me garer derrière. À ce soir à dix-sept heures. Have a good day darling ! Me fit ma mère avec un grand sourire.

-Oui, you too dis-je en claquant la portière.

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Un joli triangleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant